Exactement symétrique du détournement des bonnets phrygiens (voir mon dernier billet), le recours systématique à des groupes fascistes pour assurer le service d’ordre des cortèges anti-PMA de la «Manif pour tous» (ici à Toulouse; photo diffusée par @pierre_plottu sur Twitter).
Oyez la plainte grotesque des anti-lumières paramilitaires contre «le monde moderne» tel qu’ils le voient!
Bonnets phrygiens en nombre inversement proportionnel à celui des manifestant·e·s clairesemé·e·s contre l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. La «Manif pour tous» récupère le symbole révolutionnaire.
Dans cette conférence qui date de l’été dernier, Sophie Wahnich envisage la Révolution française dans ses rapports avec l’actualité des mouvements sociaux (Gilets jaunes) et déplore une mainmise de l’extrême droite sur la vulgarisation de l’histoire. Une révision des données de base sur l’événement historique, et des pistes de réflexion sur le présent.
Le maire d’extrême droite d’Orange a réalisé le projet d’un monument aux «victimes de la Terreur» qu’il avait dans ses cartons depuis quelques années.
Devant la levée de boucliers des associations et groupes de gauche, il joue l’innocence étonnée: «Comment peut-on s’offusquer de l’hommage rendu à de malheureuses victimes de l’arbitraire?»
La réponse est simple quoique double. D’abord parce que, bien évidemment, l’extrême droite choisit soigneusement ce qu’elle nomme Terreur et les victimes qu’elle entend célébrer. Il est question des exécutions commises par des foules ou des organismes révolutionnaires et bien sûr pas de la «Terreur blanche» qui ensanglanta Lyon et le Midi!
Enfin parce que ce choix dénonce une stratégie politique, illustrée par le matériel de propagande ci-après, et nullement un souci mémoriel.
La cible de cette propagande, c’est le peuple révolté contre l’absolutisme royal et ses appuis religieux. Le peuple qu’il est bien difficile de «calmer» une fois que sa «folie» l’amène à mettre à bas les «repères» de l’Ancien Régime. (Voir ci-dessous extrait d’une brochure municipale, fautes de graphie comprises. Pour en télécharger l’intégralité, voir en bas de page)
Voyez la marche des femmes sur Versailles: la prise de la Bastille avait pourtant eu lieu, et la proclamation par la majorité des députés aux États généraux d’une Assemblée nationale constituante. Eh bien non! Il n’était pas calmé pour autant, le peuple.
Un monument moche de plus.
Affiche annonçant l’inauguration du monument.
Télécharger ICI au format pdf l’intégralité de la brochure municipale.
Leur chorale féminine, formée à l’été 2014, se nomme « Les Brigandes », par référence aux « brigands » vendéens en révolte contre la Première République.
Pour que les choses soient tout-à-fait claires, le groupe qui les produit se nomme finement « Le Comité de salut public». La référence pourrait aussi bien renvoyer politiquement et historiquement à quelques généraux en retraite[1], mais non il s’agit bien de la contre-révolution originelle.
Les filles, sept en tout, portent des loups sur le visage, mi-Raptou, mi-Zorro. Les scénographies évoquent le Puy du Fou (au créateur duquel on donne un coup de chapeau), les chorégraphies les fêtes scolaires de fin d’année.
La chanteuse leader, et parolière paraît-il, se prénomme — ironie du sort ou invention maligne — Marianne. Elle a un joli filet de voix, et c’est la seule fille capable d’aligner deux phrases à la suite l’une de l’autre. Les idéologues sont deux garçons, dont un Belge, semble-t-il. Sur les sept, trois habitent sinon en communauté, au moins proches les unes des autres, dans le Languedoc-Roussillon, avec maris et enfants (Heil Ogino !).
L’idéologie véhiculée, avec le sourire et un charme propret et respirant la bonne santé[2], conjugue les obsessions mentales de l’extrême droite la plus marginale : antisémitisme, croisade contre l’Islam, haine de la maçonnerie, complotisme aigu (on n’a pas marché sur la Lune, le 11 septembre est une « arnaque », etc.). Ajoutez-y la croyance en un Diable plus présent que le « dieu » chrétien et une obsession anti-jésuites, qui rejoint l’antisémitisme, puisque l’on nous explique très sérieusement que l’ordre (qu’il soit anathème !) est la porte d’entrée de l’enjuivement de l’Église catholique… Sans parler du salut nazi, « ce geste » si banal comme salutation au soleil, et dont on s’étonne qu’il soulève tant de réactions négatives.
À propos d’antisémitisme notre scout résilient livre le « raisonnement » suivant : puisque les Jésuites ont été interdits « partout », comme les Juifs ont été persécutés partout, il faut se demander si tous les régimes de toutes époques ont eu tort (comprenez que c’est une hypothèse risible !), et si tous les peuples du monde entier ont toujours persécuté les Juifs sans raison (risible !) ou si les Jésuites et les Juifs (vous avez compris que c’est quasiment la même chose) n’auraient pas quelques torts à se reprocher depuis le fond des âges (au lieu de poser aux victimes sous le mince prétexte que les admirateurs du soleil en ont exterminé quelques millions…).
Ce type de cocktail relève du diagnostic psychiatrique et non de la discussion ou de l’analyse. Le «Comité de salut public» a produit une brochure pour étayer ses accusations auprès de catholiques sceptiques (et on les comprend !). Je me suis dispensé de sa lecture (payante) ; il faudra donc vous contenter de la chanson Le Rat jèze et de ses Jésuites à têtes d’animaux.
Il serait injuste cependant de réduire la production littéraire de « Marianne » à des vers de mirlitons haineux et nostalgiques. Elle sait aussi admirer, et chante les louanges de… Poutine. Cet ancien du KGB semble incarner, outre la virilité (chacun ses goûts !), le dernier rempart de l’Occident chrétien aux yeux de nos sympathiques choristes, comme d’ailleurs à ceux de la majorité de l’extrême droite[3].
Nous voici maintenant dans La Loge des Jacobins : « Dans la loge des Jacos, dans la loge des cocos, dans la loge des coquins, la loge des Jacobins »… Jacobins que nous retrouvons dans En enfer (je devrais dire : que nous retrouverons en enfer !) : « Les Jacobins génocidaires, les Danton et les Robespierre »: en enfer ! « Les flics de la pensée cacher » : au refrain ! Etc.
Si la tournure générale se veut humoristique, les thèmes sont ceux de ce que j’appellerai un « pseudo-féminisme guerrier », placé sous le signe favorable de l’épée de Charles Martel (elle est rouillée, mais elle a été retrouvée). Les Brigandes appellent à de nouvelles croisades, c’est le Rêve de reconquête : « Nous reviendrons du Nord sauvage, pour un carnage ».
L’homosexualité, cela n’étonnera personne, est contre-nature. C’est l’une des pièces dont use Satan pour « décréter un ordre nouveau ». De plus, les soixante-huitards et « la race de Charlie [sic] » sont des pédophiles à la tête pleine de beu, qui vont « chanter cacher » chez Michel Drucker.
Les « antifas[cistes] » sont dénoncés comme complices des envahisseurs arabes et des racailles beurs, car nos Brigandes croient dur comme fer au « Grand Remplacement » qu’elles dénoncent, en pardonnant (ou pas ?) à Renaud Camus, son inventeur, son homosexualité.
Il est piquant, même si pas très rassurant, de voir ces rebuts de la petite bourgeoisie — ou de la noblesse d’Empire, qui sait ? — touiller dans leurs gamelles[4] une bonne partie des mêmes obsessions maladives que les fanatiques islamistes : haine de la Révolution et des Lumières, haine de la franc-maçonnerie, haine des Juifs…
Mais comme il faut respecter la diversité — notre scout sinistré y tient beaucoup : « Unité dans la diversité[5] » — elles surjouent le pseudo-féminisme catho, anti-Pussy Riot et anti-Femen, tandis que les Islamistes eux, détestent et redoutent tout ce qui porte clito.
Croisade contre jihad, Charette contre Charia, guimauve contre psalmodies, il est curieux de constater à quel point les formes « ennemies » de la connerie se croisent et se ressemblent…
Quand on entend ces gourdes susurrer leurs bluettes néo-nazies, on se prend à souhaiter que le crétin Renaud Camus soit visionnaire, et qu’un grand déferlement sarrazin boute ce joli monde dans le Nord sauvage ; ça nous ferait des vacances ! D’ailleurs, à propos de croisement, nul doute qu’un peu de bonne volonté dans l’hospitalité et l’œcuménisme culturel produirait de très beaux enfants !
_____________
[1]Lesquels ne formaient pas un « quarteron », comme l’a cru leur collègue de Gaulle.
[2]Je parle des jeunes femmes ; l’idéologue, lui, semble mal rescapé d’un camp scout ou d’une aumônerie.
[3]Il manque un raton-laveur à l’énumération des admirateurs de Poutine : Jean-Luc Mélenchon.
[4]Au grand air : admirez les belles prises de vues de sommets environnants.