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“Robespierre, les femmes et la Révolution” ~ Introduction

06 mercredi Oct 2021

Posted by Claude Guillon in «Articles»

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Albert Mathiez, Anne Simonin, Annie Geffroy, Antoine Barnave, Éric Hazan, « Théorie du genre », Bernard Nabonne, Caroline Fayolle, Cesare Vetter, Christine Fauré, Claire Lacombe, Claude Mazauric, Dominique Godineau, Edward P. Thompson, Enragé·e·s, Florence Gauthier, Gérard Noiriel, Georges Lefebvre, Guillaume Mazeau, Hector Fleischmann, Hervé Leuwers, Howard Zinn, Jacques Roux, James Friguglietti, Jean Artarit, Jean-Charles Buttier, Jean-Clément Martin, Jean-Luc Chappey, Jean-Numa Ducange, Jean-Pierre Melville, Jeanine Stievenard, Karen Offen, Laurence De Cock, Laurent Dingli, Lucien Febvre, Lutte des classes, Marcel Gauchet, Marcus Rediker, Mathilde Larrère, Michelle Zancarini-Fournel, Misogynie, Noah C. Shusterman, Norbert Bartkowiak, Pauline Léon, Pierre Serna, Psychanalyse, René Laforgue, Robespierre, Serge Reggiani, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Suzanne Desan, Terreur, Timothy Tackett, Walter Benjamin, Walter Markov, Yannick Bosc

Je donne ci-dessous – à destination des personnes qui n’ont pas encore eu la curiosité ou l’occasion d’ouvrir le livre – l’introduction de Robespierre, les femmes et la Révolution (IMHO, 2021).

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Le présent ouvrage s’inscrit dans la suite de mon travail sur le courant des Enragé·e·s pendant la Révolution française, amorcé au début des années 1990 par la publication de Deux Enragés de la Révolution, Théophile Leclerc & Pauline Léon (La Digitale, 1993). L’invitation par les historiennes Christine Fauré et Annie Geffroy à participer à la journée d’études sur la «Prise de parole des femmes pendant la Révolution» qui s’est tenue en Sorbonne le 11 décembre 2004 à l’initiative de la Société des études robespierristes (SER) et de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF) – et dont les actes ont été publiés dans les Annales historiques de la Révolution française (AHRF) en 2006 – a été l’occasion de compléter mes recherches sur Pauline Léon. J’ai par la suite publié un recueil des écrits des Enragé·e·s intitulé Notre patience est à bout (IMHO, 2009 ; deux nouvelles éditions largement augmentées, notamment sur l’activité de Leclerc après 1794, sont parues chez le même éditeur en 2016 et 2021). Je me suis ensuite consacré, aux côtés de Stéphanie Roza et de Jean-Numa Ducange, à l’entreprise d’établissement et de traduction de la biographie de Jacques Roux Curé rouge par Walter Markov, coédité par la SER et les éditions Libertalia[1] (2017).

Mon intérêt pour la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, cofondée par la chocolatière Pauline Léon et qu’elle rallia – avec l’aide de l’actrice Claire Lacombe – au courant des Enragé·e·s m’a amené à vouloir comprendre la formation et la radicalisation des groupes de femmes révolutionnaires. J’ai donc entrepris des recherches sur ce sujet, peu traité dans l’historiographie, si l’on excepte quelques travaux pionniers déjà anciens et souvent mal connus, et de rares publications récentes (Dominique Godineau pour Paris ; Christine Fauré ; et Suzanne Desan en anglais).

Un «blogue historien» créé en 2013, La Révolution et nous, me sert de carnet de recherches et me permet de mettre à disposition le travail de veille effectué sur ces questions.

Ce volume constitue également la première partie d’un diptyque consacré aux femmes pendant la Révolution. Le second volume – Le club et la pique. Femmes révolutionnaires 1789-1793 – traitera de la politisation collective des femmes dans les groupes et sociétés qu’elles ont formées dès l’automne 1789.

Plusieurs raisons m’amènent à étudier le rapport entre Robespierre et les femmes. Une raison historique d’abord : tout indique que le leader Jacobin a joué un rôle déterminant dans l’interdiction des clubs de femmes, en octobre 1793, qui vint sceller pour longtemps – avant le Code Napoléon – la sujétion des femmes dans la société française[2]. Qu’il ne se soit pas agi d’un objectif – conscient, au moins – de Robespierre est un point que nous examinerons en temps utile.

Une double raison historiographique ensuite : ce sujet apparaît comme l’angle mort de toutes les biographies, anciennes et récentes, y compris lorsqu’elles sont l’œuvre d’historiens sérieux et critiques [3] comme Hervé Leuwers et Jean-Clément Martin. Notons en outre que le principal ouvrage qui s’en est proposé l’étude date de 1909. Encore Hector Fleischmann, son auteur, entendait-il livrer «pour la première fois [4] dans tous ses détails, la vie sentimentale et amoureuse» de Robespierre, ce qui n’est pas mon principal centre d’intérêt. Il y eut, en 1938, une autre tentative – plus romancée encore – d’un écrivain dont on a tout oublié, y compris qu’il fut lauréat du prix Renaudot [5]. Et, plus récemment, un opuscule de Mme Jeanine Stievenard, dont la présentation par l’éditeur m’a dispensé de la lecture[6].

Une raison de commodité méthodologique enfin : ayant donné dans ce premier ouvrage toute sa place à Robespierre – et aux femmes (plus ou moins) révolutionnaires qu’il appréciait et·ou utilisait – il me sera loisible de donner la parole aux citoyennes révolutionnaires, et non à leurs ennemis, dans le second.

J’ajoute que, si Robespierre est le personnage central de cet ouvrage, les termes du titre – Robespierre, les femmes, la Révolution – doivent aussi être considérés à égalité dans les rapports complexes qu’ils entretiennent. Ainsi par exemple, l’attitude de Robespierre lors de la marche des femmes à Versailles des 5 et 6 octobre m’intéresse, comme son instrumentalisation des «Dames de la Halle» qui y ont participé – ou de certaines d’entre elles. Mais pour cerner l’attitude d’un homme et ses conséquences, j’ai besoin de décrire le contexte révolutionnaire autrement qu’en quelques lignes convenues. Autrement dit, il arrivera non seulement que nous empruntions les bésicles de Robespierre, mais qu’il nous serve de regard sur les événements et sur les mentalités – au sens d’une ouverture pratiquée dans une canalisation, une chaudière, ou une cuve pour en faciliter la visite[7]. De sorte que si lectrices et lecteurs en sauront, je l’espère, davantage sur Maximilien Robespierre après avoir refermé ce livre, cette lecture leur aura appris au moins autant sur la manière dont les femmes ont été considérées durant la Révolution.

Histoire des femmes, histoire engagée [8]

Je retiens de prime abord un principe que je considère caractéristique d’une méthode scientifique – ce terme s’oppose ici à idéologique et à moraliste ainsi qu’à la succession dans la recherche de modes conceptuelles: sauf s’il a été démontré qu’un concept est erroné et qu’il a conduit à des interprétations fausses, et à moins qu’un concept plus récent (ou redécouvert) ait montré une efficience plus grande (tout en étant exclusif du premier), il est absurde d’y renoncer.

C’est pourquoi j’utilise, entre autres, le concept de «lutte des classes». La plupart des historiennes et des historiens s’en gardent aujourd’hui, affectant de considérer comme scientifiquement acquis son caractère obsolète, au point qu’ils se dispensent même d’en faire mention. Oh ! bien sûr, l’histoire actuelle n’ignore pas toutes les classes sociales, surtout si l’on entend par là des catégories sociologiques dont les rapports conflictuels s’expliquent davantage par une allant-de-soi «nature humaine» – et la bonne vieille psychologie (à feuillage persistant) qui en rend compte – que par des intérêts matériels et historiques antinomiques.

Au XXIe siècle, la vision de classe souffre, comme elle en a souffert au XVIIIe siècle, d’un problème d’accommodement : on n’y distingue plus le prolétariat (— En Chine ! dites-vous) tandis qu’on affirme qu’il était impossible à discerner en 1793. Naguère pas encore tiré du néant, déjà disparu… Ça n’est pas la bourgeoisie qui se laisserait réduire ainsi au rôle d’ectoplasme ! elle, dont la présence toute naturelle se laisse constater, réconfortante, telle la rosée du matin…

Pour réfuter une «explication» par la lutte des classes, rompant ainsi avec la discrétion de ses collègues, Timothy Tackett écrit dans son essai sur «la Terreur» – en réalité une énième histoire de la Révolution, à laquelle l’étude de la «terreur» sert de fil rouge [9] :

 Il semble maintenant clair que le déclencheur [litt. : l’impulsion directe] des événements de 1789 ne vint pas d’une lutte idéologique ou d’une lutte de classes, mais d’une crise financière et fiscale de la monarchie française, et que cette crise était avant tout le produit d’une lutte géopolitique dans laquelle la monarchie s’était engagée elle-même.

J’ignore si quelque auteur a cru voir dans la lutte des classes le déclencheur, l’impulsion, l’étincelle (comme on voudra) de la Révolution française. Je me contente de l’analyser comme un de ses moteurs, ce qui ne me gêne aucunement pour prendre en compte les éléments de contexte que Tackett énumère.

L’étonnant succès de librairie d’Une histoire de la Révolution française (2012), dont l’auteur Éric Hazan a joui d’une réputation flatteuse (et surfaite) de spécialiste des insurrections passés et à venir [10], a montré qu’une interprétation de la Révolution allégée du concept de lutte des classes (comme on retire le sucre ou le gluten d’un aliment industriel) – et même des classes en général, puisqu’il n’aurait existé en 1789 ni bourgeoisie ni prolétariat! – peut séduire un public « de gauche » en mal de références historiques et émotionnelles. L’auteur a surtout affiché le grand dénuement théorique dans lequel l’a plongé cette opération, dont ses conseillers historiens « robespierristes » ne l’avaient sans doute avisé ni des motivations ni des conséquences [11]. Empêché d’analyser le robespierrisme comme maximum de la politique sociale bourgeoise, Hazan se trouve incapable d’expliquer l’élimination de l’extrême gauche cordelière et enragée, dont il ne peut que déconseiller la réitération (ou son équivalent) aux révolutionnaires du futur, leur laissant un pense-bête à la Saint-Just sur la porte du congélateur : «Ne laissez pas glacer la Révolution!».

C’est encore pourquoi j’utilise le concept d’«inconscient» et certains outils forgés dans la pratique analytique. Reconnaissons aux spécialistes de l’histoire davantage d’ostentation à ce propos : ils et elles ne manquent jamais de préciser qu’ils y sont hostiles, qu’ils en sont revenu·e·s, pour autant qu’ils s’y soient jamais égaré·e·s [12]! Le même conférencier qui s’excuse d’avoir oublié le texte de son intervention dans sa voiture (dont il a égaré les clefs) qualifie de ridicule l’idée que les clubistes Jacobins ont pu accumuler des actes manqués, voire développer des névroses. Telle historienne – d’ailleurs talentueuse – récuse le freudisme dans un sourire, avant d’insister longuement sur l’importance en histoire de «l’estime de soi», concept qu’elle juge apparemment mieux établi et plus précis que celui d’inconscient.

Il faut reconnaitre que certains ouvrages biographiques sur Robespierre inspirés par la psychanalyse ont donné une image mécaniciste et assez infantile (un comble!) de la psychanalyse appliquée à l’histoire[13]. Cela ne signifie pas que toutes les hypothèses de leurs auteurs soient sans fondement, mais que la recherche univoque « dans les blessures de l’enfance et de prétendues humiliations parisiennes ou arrageoises [des] raisons d’une colère et de certains choix politiques[14]» donne d’aussi piètres résultats que l’application du marxisme par une police politique.

Je vais être aussi précis que possible : lorsque Robespierre entreprend, à l’automne 1793, de déconsidérer les Enragé·e·s et de saper leur influence sur la sans-culotterie parisienne – ce qui passe par la fermeture de la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires, laquelle mènera, je l’ai dit, à l’interdiction de tous les clubs de femmes – il choisit une conduite politique, certes critiquable, mais apparemment rationnelle. Lorsqu’il écrit dans ses carnets, et dans le calme de son cabinet, à propos des mêmes militantes Républicaines révolutionnaires «Elles sont stériles comme le vice», il exprime non plus un point de vue politique mais une angoisse haineuse et archaïque devant des femmes qui, à ses yeux, refusent d’être mères et se signalent par là – et par leur insubordination à sa politique – comme «vicieuses». Ce cri du cœur ne peut être compris autrement que comme manifestation d’un caractère et d’un inconscient blessés, et symptôme d’un rapport pathologique au sexe et au féminin. De ce fait, il relève évidemment de la psychanalyse et éclaire la politique de genre de celui qui le jette sur le papier.

Nous voici au clair sur des matériels intellectuels que je n’entends pas abandonner aux poubelles de l’historiographie. Faut-il alors, ces outils en mains[15], retenir le fameux concept d’« histoire par en bas », traduction (insatisfaisante) de l’anglais from below ? Georges Lefebvre, à qui on en attribue parfois – à tort – la paternité, a décrit ce «point de vue» comme une condition de «l’histoire sociale», dans un hommage à Albert Mathiez, rédigé à l’occasion de son décès (25 février 1932).

Si comme il me paraît probable, les historiens de l’avenir donnent une place de plus en plus grande à l’étude économique et sociale de la Révolution, s’ils se décident à regarder les événements d’en bas et non plus seulement d’en haut, ce qui est la condition même de l’histoire sociale[16], Mathiez leur apparaîtra [etc.].

La même année, et à la même occasion, après avoir lu – comme il le précise – l’article de Georges Lefebvre, son quasi-homonyme Lucien Febvre en appelle à ceux qui poursuivront l’œuvre de Mathiez et «donneront cette histoire révolutionnaire qui nous manque toujours : histoire de masses et non de vedettes ; histoire vue d’en bas et non d’en haut ; histoire logée, surtout, dans le cadre indispensable, dans le cadre primordial des réalités économiques [17].»

C’est beaucoup plus récemment qu’Edward P. Thompson a théorisé le concept dans un article éponyme – « History from below » – publié en avril 1966 dans le supplément littéraire du Times (son maître-livre, The Making of the English Working Class date de fin 1963).

L’inconvénient de ce point de vue est que si l’on regarde «d’en bas», il semble bien que l’on regarde vers le haut, ce qui est encore une vision biaisée. Ce paradoxe n’a pas échappé à l’historienne du genre Karen Offen qui propose une autre formule :

Étudier l’histoire des féminismes signifie mettre le passé à l’épreuve, non pas du haut en bas, non pas de bas en haut, mais sens dessus dessous ; s’attaquer sans détour […] au noyau sociopolitique des sociétés humaines – les relations entre les sexes ; examiner ces moments où des fissures s’ouvrent dans l’écorce des arrangements patriarcaux [18] […].

Sens dessus dessous. Ne risque-t-on pas à adopter cette consigne, qui a quelque chose de stimulant, pour ne pas dire de subtilement érotique, de susciter un léger vertige dans le public éclairé ? La référence sexuelle n’est pas – hélas ! – hors de propos : les historiens mâles – longtemps un pléonasme – pour peu qu’ils se soient préoccupés des femmes dans l’histoire se sont souvent bornés (hormis pour telle impératrice philosophe) à regarder sous leurs robes [19].

Il existe cependant d’autres équivalents de l’«histoire par en bas», qui ne présentent pas le même défaut de perspective et n’encourent pas de reproche sexiste. J’en trouve deux, mentionnées par Marcus Rediker, historien de la piraterie, dans un entretien précisément consacré à cette question [20]: «histoire populaire» et «histoire radicale». L’expression «histoire populaire» a sans doute été pour beaucoup dans l’énorme succès d’Une histoire populaire des États-Unis de Howard Zinn (Agone, 2003) puis dans celui d’Une histoire populaire de la France de Gérard Noiriel (Agone, 2018). On la retrouve en sous-titre du passionnant livre de Michelle Zancarini-Fournel : Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours (Zones, 2016). Histoire populaire donc, pourquoi pas ? C’est assez dire que l’on ne s’intéresse pas qu’aux batailles, aux alliances de cours et aux vicissitudes de l’exercice du pouvoir, mais aussi, voire d’abord, à la vie du plus grand nombre et à ses aspirations. Cependant, si l’expression peut être adéquate à tel ouvrage, et contribuer légitimement à assurer sa diffusion, elle me semble paradoxalement un peu étroite d’un point de vue méthodologique. L’«histoire sociale» qu’évoquait Georges Lefèvre me conviendrait mieux. Quant à l’«histoire radicale», je craindrais qu’elle n’évoque davantage dans l’esprit des lectrices et des lecteurs un point de vue idéologique qu’une étude des phénomènes «à la racine». Je m’en rapprocherai toutefois, au risque de paraître abandonner toute prétention au sérieux et à la hauteur de vue, en précisant que la recherche historique que je pratique est une recherche «au ras des pâquerettes», expression d’ailleurs poétique, dont j’ôte tout ce qu’elle peut avoir en français de péjoratif.

La belle formule de Walter Benjamin sur «le saut du tigre dans le passé», félin qui sait – comme la mode ! – «flairer l’actuel niché dans les fourrés du passé» ne doit pas faire illusion. Tigre de papier, l’historien révolutionnaire est omnivore (il ne se borne pas à retenir ce qui peut «servir» sa thèse) et sujet aux métamorphoses modestes : plus souvent rat de bibliothèque que fauve en liberté «sous le ciel libre de l’histoire[21]».

En effet, qui écrit l’histoire des femmes se doit de prendre en compte les archives les plus minuscules, les plus anodines, éparpillées, ignorées jusqu’ici ou au contraire invisibles à force d’avoir été mille fois dépouillées. Ce qui devrait être, semble-t-il, une précaution scientifique ordinaire pour les chercheuses et les chercheurs s’impose comme une contrainte concernant l’histoire des femmes [22].

Il n’est pas inopportun de signaler un contre-exemple époustouflant : je veux parler de l’avant-propos de l’essai précisément consacré à Robespierre par M. Marcel Gauchet [23]. L’auteur y annonce que «le matériau principal de l’enquête est fourni par le discours robespierriste lui-même. Toutes les références vont aux Œuvres complètes […]. Les dates permettent de se reporter aisément à la source. […] Les débats des assemblées sont cités, selon l’usage, d’après les comptes rendus du Moniteur ou des Archives parlementaires.»

Se référer aux volumes des Œuvres complètes de Maximilien Robespierre publiés par la SER est impeccable[24]. C’est même, on le verra, un argument paradoxal contre certains robespierristes. En revanche, faire comme si ces volumes étaient publiés par ordre chronologique – et non par catégories : «discours[25]», «journaux», «œuvres judiciaires», «correspondance», etc. – ce qui rendrait «aisé» de se reporter aux sources, voilà qui est d’un professeur peu soucieux de soumettre son travail à la vérification critique et non d’un scientifique. Quant à l’«usage» qui voudrait que l’on reproduise les débats d’après le Moniteur et les Archives parlementaires sans jamais citer dates, pages et numéros (et sans comparer les deux sources), qu’aucun·e étudiant·e ne s’en autorise pour l’imiter : c’est une invention opportuniste. Nous avons affaire ici non à une «monté en généralité», privilège accordée par entente tacite aux historiens vieillissants, éloignés de leur soutenance de thèse (ce sont leurs étudiant·e·s qu’ils envoient aux archives), mais à une montée en désinvolture, par rapport au public et par rapport aux sources.

Dans les sciences humaines, une analyse doit toujours s’entendre «jusqu’à preuve du contraire» et «en attendant mieux». C’est donc en attendant mieux que dans le débat sur le type d’histoire – ci-dessus rapidement esquissé – je m’en tiendrai à une expression qui peut paraître désuète: une «histoire engagée[26]». Je veux dire une histoire qui assume sa destination politique et sociale, sans se laisser instrumentaliser par quelque idéologie que ce soit – par un·e historien·ne qui assume ses propres engagements.

Quant aux miens et pour m’en tenir d’abord à la Révolution française, il me paraît irrecevable de la décréter «terminée». En effet, inviter à penser cela c’est reprendre à son compte le programme de la contre-révolution, maintes fois exprimé dans le cours même de la Révolution, et ce dès l’automne 1789, et plus nettement encore par Antoine Barnave, à la mi-juillet 1791. Ensuite parce que la Révolution, à l’échelle de la vie d’une société, pour ne rien dire de celle d’une espèce est extrêmement proche de nous dans le temps, à rebours du sentiment subjectif fondé sur la durée de vie individuelle. Enfin, et sa proximité n’y est pas pour rien, parce qu’elle n’a pas produit tous ses effets: la qualité et l’inventivité des écrits théoriques et des pratiques d’exercice de la souveraineté populaire, est en soi un exemple roboratif pour notre présent (et celui des générations à venir). Il n’est que de voir les nombreuses références «d’inspiration», voire d’autorité [27] qui lui sont faites dans les mouvements sociaux des dernières décennies, notamment le mouvement dit des « Gilets jaunes » (2018-2019).

Sans m’attarder ici sur ce que pourra être la prochaine révolution [28], je veux dire qu’elle sera à mon sens – en France au moins – une «révolution sans bagages», ayant pris ses distances avec l’héritage idéologique des XIXe et XXe siècles et retrouvant plus ou moins «spontanément [29]» l’expérience originaire de 1789-1793.

Étudier la Révolution française, après plus de deux cent trente ans, sans se borner à la satisfaction de compléter une histoire érudite, c’est aussi refaire une lecture critique – avec les outils et les perspectives du présent – des fondamentaux de l’aspiration à l’égalité (y compris entre les genres et les âges) et à la liberté dans l’organisation des sociétés humaines.

Avant d’entrer dans le vif du sujet je voudrais faire mienne la sage résolution de Claude Mazauric présentant la réédition des Œuvres :

Il nous faut demeurer modeste et savoir que nous ne savons que peu de choses. Du moins tiendra-t-on pour nécessaire de ne négliger aucun témoignage, aucune donnée, aucun énoncé de la part de Robespierre qui puisse nous permettre de construire un récit approché et crédible[30].

J’ajouterai à ce qui retiendra mon attention ce que Robespierre n’a pas dit et ce qu’il s’est dispensé de faire, puisqu’aussi bien la vérité d’une politique et d’un homme se lit au moins autant dans ses lacunes et ses abstentions que dans ses actes et ses écrits.

Robespierre et les femmes

Il y a dans cet énoncé comme une promesse égrillarde que seuls, à ma connaissance, Fleishmann et Nabonne – évoqués ci-dessus – ont plus ou moins assumée comme telle. Si je n’entends pas les suivre sur ce terrain, il me faut affirmer d’emblée que, contrairement à ce que pensent aujourd’hui la plupart des historiens des deux sexes, dans leur rejet de la psychanalyse, ce que j’appelle la « politique de genre » de Robespierre, par analogie avec sa politique de classe est évidemment aussi le reflet de sa relation aux femmes.

Certes, un homme peut considérer les femmes comme des égales en droit sans les désirer, c’est même une qualité communément attribuée à de nombreux homosexuels. Par contre, un homme qui envisage le sexe féminin, en tant qu’organe génital et·ou zone érogène, comme une source de danger et de malpropreté, physique et·ou morale, a peu de chances de considérer autrement qu’avec méfiance le sexe féminin comme groupe social (ceci est un euphémisme).

Politique de genre, ou autrement dit : Quelle place Robespierre reconnaît-il aux femmes dans la société ? Quelle attitude manifeste-t-il à leur égard dans des situations précises ? Comment ses positions – scripta et acta – peuvent-elle être évaluées par comparaison avec celles d’autres écrivains, d’autres publicistes (les journalistes d’alors), d’autres révolutionnaires de son époque – femmes comprises ?

Ernest Hamel, hagiographe de Maximilien s’offre le luxe de juger, à demi-mots, quasi exagérée l’estime de son héros pour les femmes. À propos du discours de réception de Mlle de Kéralio à l’Académie d’Arras, qu’il a rédigé et lu, et dans lequel – nous allons en reparler dans le premier chapitre – il prône une complémentarité intellectuelle des deux sexes, Hamel écrit :

Nous n’avons pas à examiner ici jusqu’à quel point il pouvait avoir raison, mais, par l’analyse de son curieux discours [sic], on comprend mieux le prestige qu’il exerça toujours sur les femmes, et l’on se rend suffisamment compte de son chaste penchant pour elles. (Hamel, 1865, t. I, p. 61)

Il existe deux arguments de plus ou moins bonne foi – et articulés entre eux – pour justifier de ne traiter ni des rapports érotiques éventuels de Robespierre avec les femmes ni de sa politique de genre. Le premier, essentiel, consiste à déplorer une documentation lacunaire. Or autant celle-ci peut excuser de passer rapidement sur la vie ou l’absence de vie «amoureuse» du personnage, autant elle ne saurait dispenser d’étudier son attitude politique vis-à-vis des femmes, puisque pas moins de douze volumes de textes de sa main (ou à lui attribués) sont à notre disposition. User de cet argument suppose de considérer que le sujet « Robespierre et les femmes » renvoie uniquement à «l’homme privé», selon la malheureuse formule endossée par Hervé Leuwers (2014, p. 59 [31]), dans une biographie qui apporte par ailleurs des documents précieux sur son activité d’avocat à Arras. Une page suffira donc à évoquer cet aspect de la vie de Robespierre, dans un livre qui en compte plus de quatre cent cinquante. Le second argument, subsidiaire, le plus souvent informulé, c’est que l’on reconnaît la bonne éducation et le sérieux des historiens à l’extrême pudeur et à la modestie que leur inspire la «vie privée» de leurs personnages. «Ne cherchons donc pas à sonder les reins et les cœurs», écrit encore Leuwers en affectant de se morigéner lui-même (2014, p. 56). La connotation d’euphémisation sodomitique prise – de nos jours au moins – par la demi-formule «sonder les reins» dit assez le côté peu ragoutant de l’exercice. Voilà pour la pudeur. Quant à l’expression entière, elle sert – excusez du peu! – à caractériser Yahvé «le Seigneur», dans la Bible [32] et dans son omnipotence divine. Voilà pour la modestie.

D’ailleurs, quelle peut être la validité en histoire d’un concept comme celui de «vie privée»? Écrire la biographie d’un personnage, n’est-ce pas tenter de comprendre l’entièreté de sa vie : politique, professionnelle, amoureuse, intellectuelle, sociale…

Je pense d’ailleurs que Robespierre, même s’il lui est arrivé d’employer l’expression «vie privée» ne tenait pas en grande estime la séparation entre le «public» et le «privé». Il considérait, semble-t-il, la vertu comme une et indivisible, celle de l’individu comme celle de la nation. Chez lui, comme l’écrit Cesare Vetter, «vertus publiques et vertus privées sont étroitement reliées et sont axées sur la vertu publique : [et de citer Robespierre qui parle de Necker] “Un homme qui manque de vertus publiques ne peut avoir des vertus privées[33]”». On devine que l’inverse est également vrai. En outre, la morale révolutionnaire d’époque abhorre le secret, ce qui est caché, à huis clos, et peut donc abriter le complot et la malveillance. La vie familiale, le foyer (sinon l’alcôve) sont autant de «maisons de verre», et lorsque les femmes y sont renvoyées – avec plus moins d’égards – comme éducatrices des futurs citoyens, c’est aussi parce que leur rôle est écrit d’avance et soumis au contrôle de toutes et de tous. 


Écriture non-sexiste et particularités typographiques

 

Non-sexiste, c’est la manière – préférée à «inclusiv» – de présenter un texte que je m’efforce de mettre en œuvre ici.

Je me rallie à la règle de l’«accord de proximité», longtemps en usage en français, en accordant l’adjectif avec le sujet le plus proche. Exemple : « Les hommes et les femmes doivent être égales ».

— Et tant pis si j’me trompe ! aurait ajouté Serge Reggiani[34].

En matière d’antisexisme typographique, le point médian est devenu l’indispensable sextant pour naviguer dans la «carte du tendre» de l’égalité. Du verbe tendre [à ou vers].

On n’hésitera pas à se dispenser de son usage s’il risque d’égarer lectrices et lecteurs, plutôt que de les aider à se repérer. On préfèrera, comme dans la phrase qui précède, une formule plus gourmande en signes – « lectrices et lecteurs (22 s.)» – aux constructions et compressions du type «lecteurs·trices (15 s.)». Idem pour «celles et ceux», préférée à «celleux», pourtant deux fois moins long, etc.

Par surcroît, le point médian me paraît pouvoir heureusement remplacer la barre oblique dans des expressions dont il est parfois difficile de se passer comme le duo «et» et «ou». Je préfère donc «et·ou» à «et/ou».

Par ailleurs, dans les citations – nécessairement nombreuses dans un tel livre – les points de suite indiqués entre crochets – […] – signalent, comme c’est l’usage, une coupe dans le texte, pratiquée entre deux phrases, deux paragraphes ou deux alinéas. Lorsque la coupe est pratiquée à l’intérieur même d’une phrase, je préfère l’indiquer de la manière suivante: [etc.].

Notes

[1] On a compris que je ne mentionne ici que mes publications en rapport avec la Révolution française.

[2] Je n’entends pas suggérer que la sujétion des femmes a été créée par la Révolution, mais sa prorogation ressort d’autant plus dans un contexte d’émancipation (suffrage masculin adulte universel, abolition de l’esclavage, etc.).

[3] Des articles ont été publiés sur le rapport de Robespierre au genre féminin : Florence Gauthier (2014) ; Noah C. Shusterman (2014, en anglais).

[4] Mentionnons par acquis de conscience le pamphlet publié à Berlin en 1794 : Maximilian Robespierre in seinem Privatleben (La Vie privée de Maximilien Robespierre), «par un détenu au Palais du Luxembourg».

[5] Nabonne Bernard, La Vie privée de Robespierre, Hachette, 1938. En 1927, l’auteur avait reçu le prix Renaudot, pour Maïténa.

[6] Stievenard Jeanine, Robespierre et les femmes, 2009, 68 p., édité à compte d’auteur chez Édilivre : «Robespierre, ce n’est pas seulement la transformation du Comité de Salut Public en organisation terroriste, c’est également les balades dans les jardins parisiens, c’est aussi l’élevage d’oiseaux destinés à être offerts à son entourage, et même peut-être un fils issu d’une liaison avec Mlle Duplay.»

[7] On utilise aussi l’expression trou d’homme.

[8] J’utilise ici les éléments d’un exposé fait à la Sorbonne le 15 mars 2017, dans le cadre du Séminaire doctoral de l’IHRF «Publier les sources de la Révolution», à l’invitation de Pierre Serna, son codirecteur avec Jean-Luc Chappey et Anne Simonin: «Pourquoi et comment publier les Enragé·e·s ?».

[9] «It now seems clear that the direct impulse to the events of 1789 came not from an ideological struggle or a class struggle, but from a financial and fiscal crisis of the French monarchy, and that this crisis was above all the product of a geopolitical struggle in wich that monarchy found itself engaged.» Je considère la phrase dans l’édition originale afin de la traduire moi-même : The Coming of the Terror in the French Revolution, Harvard University Press, 2015, pp. 39-40. Traduction française de Serge Chassagne : Anatomie de la Terreur, Le Seuil, 2018. La citation se trouve pp. 51-52.

[10] Hazan Éric, Une histoire de la Révolution française, La Fabrique éditions, 2012.

[11] Remerciements (p. 10) : «Ma gratitude va d’abord à Florence Gauthier et Yannick Bosc, mes savants amis, qui ont eu la patience de lire et d’annoter le manuscrit. Leurs critiques de fond et leurs suggestions ont beaucoup contribué à lui donner sa forme définitive.»

Nota : Je qualifie de «robespierristes» les historiennes et les historiens qui, par admiration pour le personnage ou par intérêt de faction idéologique se font ses thuriféraires. Leur robespierrisme peut être discret, modéré ou fanatique ; il peut être franc ou procéder par omissions, voire manipulations. Par ailleurs, contrairement à ce que sa dénomination sociale – conservée pour des raisons complexes – peut laisser entendre, la Société des études robespierristes n’abrite pas que des robespierristes, loin s’en faut ! (Elle n’agrège même pas tous les robespierristes.) J’ai moi-même été membre de son conseil d’administration ; j’ai créé – grâce au talent du graphiste Norbert Bartkowiak – et lancé la première version de son site Internet.

[12] Celles et ceux qui, au contraire, se taisent ont été ou sont en analyse : ils craignent de se trahir!

[13] Le prototype étant le chapitre consacré à Robespierre par le Dr René Laforgue dans sa Psychopathologie de l’échec (1944).

[14] Évocation critique par Hervé Leuwers des livres de Jean Artarit (2003) et Laurent Dingli (2004) dans «Robespierre, une figure revisitée», in «1789-2019. L’Égalité, une passion française», hors-série de L’Humanité, juin 2019, pp. 76-77.

[15] Ces outils, plus légers et moins nombreux ils sont, plus le travail de recherche est accessible et vérifiable. Les «concepts», surtout prétendument nouveaux servent trop souvent de signes de reconnaissance sociale et universitaire, donc d’exclusion. Exception récente, le concept de «genre» a fonctionné comme une autorisation à revisiter tous les sujets de toutes les époques «au prisme» d’icelui. Son objet d’étude, les «rapports sociaux de sexe» n’étaient pas inconnus des sciences sociales, mais genre a – si j’ose dire – plus de style. Il est paradoxal que la majorité de ses introductrices en France aient gaspillé leur énergie – croyant devoir répondre par là aux extrémistes catholiques – en répétant qu’il n’existe pas de «théorie du genre». Si réellement les «études de genre» se révélaient n’avoir produit aucune théorie, c’est que l’autorisation évoquée ci-dessus aurait été délivrée en pure perte.

[16] AHRF, 1932, pp. 193 et suiv., repris dans Études sur la Révolution française, 1954. Je souligne.

[17] Febvre Lucien, «Albert Mathiez: un tempérament, une éducation», Annales d’histoire économique et sociale, 1932, 4e année, n° 18, pp. 573-576. Je souligne. Febvre rapporte que Mathiez lui avait promis, pour les AHES, «un article d’ensemble sur le prolétariat en France au temps de la Révolution», dont sa mort brutale à la suite d’une hémorragie cérébrale nous a privé (comme aussi d’une biographie de Robespierre, pour laquelle il avait signé un contrat avec un éditeur américain). Voir Friguglietti James, Albert Mathiez historien révolutionnaire (1874-1932), SER, Paris, 1974.

[18] «“Flux et éruptions” : réflexions sur l’écriture d’une histoire comparée des féminismes européens, 1700-1950», in Cova Anne (dir.), Histoire comparée des femmes, 2009, pp. 45-65. Je souligne. Notons qu’une revue féministe italienne publiée en 1973-1974 s’est intitulée Sottosopra (Sens dessus dessous).

[19] Illustration caricaturale dans une émission de télévision baptisée «Sous les jupons de l’histoire» (chaîne Chérie 25).

[20] Dans le journal CQFD, n° 117, décembre 2013. Plusieurs livres de Rediker ont été traduits en français ; par ex. Les Forçats de la mer (Libertalia, 2010), Pirates de tous les pays (Libertalia poche, 2017), L’Hydre aux milles têtes (avec Peter Linebaugh, Amsterdam, 2008).

[21] «Sur le concept d’histoire» (1940) ; quatorzième thèse, in Œuvres, III, Folio, p. 439.

[22] J’y reviendrai plus longuement en présentant le second volume de mon diptyque.

[23] Robespierre. L’homme qui nous divise le plus, Gallimard, 2018.

[24] Le douzième (et dernier?) devait être publié la même année que le présent ouvrage. [Note actualisée: Il sera finalement publié en 2022.]

[25] À supposer même que l’on ne considère que les cinq volumes de discours, en quoi le retour à la source à partir d’une date est-il «aisé»?

[26] Je partage avec Guillaume Mazeau, Laurence De Cock et Mathilde Larrère, auteur et autrices de L’histoire comme émancipation (Agone, 2019, p. 108) la certitude que : «L’expression “histoire engagée” devrait être un pléonasme.» Il·et elles ne se donnent pas la peine de situer leur position parmi celles que j’énumère ici. Voir mes remarques critiques, sur l’ouvrage (et sur les vulgarismes de M. Larrère) sur mon blogue La Révolution et nous. Sur le même thème, voir le n° 144 des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique (2020) et sa présentation par Jean-Charles Buttier et Caroline Fayolle : «Écrire l’histoire des révolutions : un engagement».

[27] J’en ai recensé un grand nombre (slogans, tracts, pancartes, graffitis) sur La Révolution et nous.

[28] J’ai abordé la question de la filiation, plausible et souhaitable, entre la Révolution française et la prochaine révolution dans le premier chapitre de Notre patience est à bout : «Écrire l’histoire, continuer la révolution».

[29] Spontanéité relative puisqu’elle tient en partie aux références scolaires connues de toutes et tous (ou presque). Cet aspect était très perceptible dans le mouvement des «Gilets jaunes».

[30] OMR, t. I, p. XXV.

[31] Les références ainsi indiquées – date, n° de page – renvoient à la Bibliographie en fin de volume.

[32] Psaume 7, 10 : «Mets fin à la malice des impies, affermis le juste, toi qui sondes les cœurs et les reins, ô Dieu le juste!» Livre de Jérémie 11, 20: «Yahvé Sabaot, qui juges avec justice, qui scrutes les reins et les cœurs, je verrai ta vengeance contre eux [les gens d’Anatot, qui persécutent le prophète], car c’est à toi que j’ai exposé ma cause.» La Bible de Jérusalem, Desclée de Brouwer, pp. 927 et 1405.

[33] Discours aux Jacobins le 9 juillet 1794 ; OMR, t. X, p. 520. Vetter Cesare, «Bonheur public, bonheur privé et bonheur individuel dans le lexique de Robespierre», in Vetter C., Marin M., Gon E., Dictionnaire Robespierre, t. I, 2015, p. 44. Saint-Just, au contraire, tient à la notion de «vie privée» : «Si vous ordonnez aux tribunaux de faire régner la justice, ne souffrez point que l’on tourmente la vie privée du peuple.» (Rapport au nom des Comités de Salut public et de Sûreté générale, 26 germinal an II-15 avril 1794). Et dans le préambule au chap. premier des Fragments d’institutions républicaines: pour lier les hommes par des rapports harmonieux, soumettre «le moins possible aux lois de l’autorité les rapports domestiques et la vie privée du peuple.» Citations in Œuvres complètes, établies par Michèle Duval, 2003, pp. 819, 967-968.

[34] «Salut les hommes ! Et tant pis si j’me trompe», lui fait dire Jean-Pierre Melville dans Le Doulos (1962).

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Stéphanie Roza présente son livre “La gauche contre les Lumières?”

04 samedi Juil 2020

Posted by Claude Guillon in «Bibliothèque»

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Lumières, Stéphanie Roza

 

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“Comment l’utopie est devenue un programme politique” ~ La thèse de Stéphanie Roza

31 mardi Mar 2020

Posted by Claude Guillon in «Articles», Littérature “grise”

≈ Commentaires fermés sur “Comment l’utopie est devenue un programme politique” ~ La thèse de Stéphanie Roza

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Babeuf, Mably, Morelly, Stéphanie Roza, Utopie

Tant mieux si le confinement vous laisse davantage de temps pour lire (ça n’est pas le cas de tout le monde) et pour découvrir sous forme numérique des travaux dont le volume vous avait peut-être dissuadé jusqu’ici. On sait que le tenancier de ce blogue n’oppose pas le numérique au papier: je considère au contraire qu’ils doivent êtres envisagés de manière complémentaire. J’ai ainsi le plaisir de mettre à disposition aujourd’hui la thèse de Stéphanie Roza – que je remercie pour son accord amical – thèse soutenue en octobre 2013, dont est tirée le volume paru aux Classiques Garnier: Comment l’utopie est devenue un programme politique, auquel je renvoie celles et ceux qui, comme moi, peinent à lire de longs textes sur écran.

Je me réjouis que le travail initial de Stéphanie Roza soit ainsi davantage mis à portée des étudiant·e·s et des personnes qui se passionnent pour les histoires mêlées de l’utopie et des révolutions.

Je rappelle au passage que Stéphanie a publié récemment chez Fayard La gauche contre les Lumières?

Je donne ci-après un long extrait de l’introduction. Vous pouvez téléchargez ici la thèse intégrale au format pdf.

Introduction : Lumières, utopie, socialisme ?

Un courant des Lumières radicales

L’objet du présent travail réside dans l’étude d’une forme remarquable de mutation de l’utopie dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à savoir, son évolution vers la forme du projet politique, impliquant l’élaboration d’une théorie de l’homme spécifique, une conception de l’histoire de la société, et des procédures d’action concrètes. Cette mutation sera essentiellement envisagée à travers l’œuvre de trois auteurs: Etienne-Gabriel Morelly, Gabriel Bonnot de Mably, François-Noël (ou Gracchus) Babeuf. Chez ces trois auteurs, on se propose donc d’examiner le statut et la fonction de l’utopie, de ses attendus et de ses conséquences, en les confrontant principalement à leurs contemporains, philosophes mais également (et surtout) utopistes, les comparaisons permettant de faire émerger la spécificité de leur démarche. Si le passage du roman au programme n’épuise pas à lui seul le sens de la production, et de l’évolution multiforme de l’utopie dans cette période cruciale, marquée, ou plutôt scindée, par la Révolution française, du moins en constitue-t-il l’un des phénomènes les plus frappants et les plus dignes d’attention.

Morelly, Mably et Babeuf ont en commun, à première vue, d’avoir tous trois proclamé la supériorité de l’idéal inactuel de la communauté des biens sur toute autre forme d’organisation sociale existante, et d’avoir tracé au moins une esquisse imaginaire d’une telle forme de vie collective. Les raisons qui permettent, chez les trois auteurs, de qualifier cet idéal d’utopique seront précisées dans la première partie de ce travail; mais qu’il soit permis d’annoncer d’emblée le lien, établi plus loin dans ses détails, entre l’utopie comme mode singulier de construction théorique et politique, donc aussi comme rapport au réel social, et le principe d’appropriation et de répartition collectives des biens produits, que l’on n’appelle pas encore, à l’époque et dans les textes de Morelly, Mably et Babeuf, le communisme[1].

Les œuvres respectives des trois auteurs sont tout à fait singulières, mais elles ont paru devoir être étudiées ensemble et successivement, et ce, tout d’abord parce que l’on peut établir avec une assez grande vraisemblance, sinon avec certitude, une filiation dans l’emploi de certains concepts et certains motifs de l’un à l’autre. L’influence des concepts anthropologiques du Code de la Nature de Morelly sur l’ouvrage De la Législation de Mably est très probable[2]. Plus clairement encore, Babeuf lui-même a revendiqué, lors du procès de la conjuration dont il était le principal animateur, l’héritage philosophique et politique du Code de la Nature de Morelly, qu’il attribuait à cette époque, comme tout le monde, à Diderot, ainsi que celui des textes de Mably. S’agissant de Morelly, alias Diderot, il décrit le «plus fougueux athlète du système[3] » de l’égalité; s’agissant du second, il évoque «le populaire, l’humain, le sensible Mably[4]»; de lui-même et de ses camarades, il parle comme de «disciples» de la doctrine de ces «grands maîtres[5]». Il est vrai que Babeuf convoque également Rousseau à la barre du tribunal comme un «complice[6]» inattaquable par les accusateurs. Il conviendra donc de s’interroger sur la part de l’héritage rousseauiste dans la pensée de Babeuf, et peut-être également dans son utopie. Cependant, il faut relever que le citoyen de Genève fait l’objet d’un éloge des plus tièdes, surtout si on le replace dans le contexte de la Révolution française, globalement idolâtre de celui qu’elle considère comme son principal inspirateur[7]: Mably est présenté par rapport à lui comme «un désorganisateur bien plus prononcé», «un conjuré d’une toute autre trempe[8]»; l’éloge monte encore d’un cran pour Diderot-Morelly, «le plus déterminé», «le plus intrépide[9]».

L’ordre et la manière dont se succèdent ces inspirateurs laissent penser que de tous, l’auteur du Code de la Nature est celui dont l’influence a été la plus décisive, suivi de Mably, et finalement de Rousseau. Dans quelle mesure cette hiérarchie correspond-elle à la réalité? C’est ce qu’il faudra vérifier, en différenciant plusieurs périodes d’élaboration théorique chez Babeuf. D’une manière générale, s’il faut sans doute faire la part de la stratégie, dans ce qui demeure un plaidoyer prononcé devant des juges, qui s’efforce d’atténuer l’originalité et le caractère subversif de l’idéal qui a réuni les conjurés, il convient malgré tout de faire droit à cette filiation assumée comme telle. Reste évidemment à se demander dans quelle mesure l’héritage de Morelly et Mably dépasse la simple allégeance commune à un idéal vague de communauté des biens, et si le statut même de l’utopie dans les œuvres de ses prédécesseurs a directement, ou non, inspiré Babeuf dans l’élaboration de ses propres objectifs politiques.

L’écueil qui menace une telle recherche consisterait à verser dans la téléologie, en lisant systématiquement le passé comme une annonce de l’avenir, et plus précisément Morelly comme «précurseur» de Mably, lui-même «précurseur» du Tribun du peuple, et au-delà, des communistes du XIXe siècle. Dans une telle perspective, les concepts employés par chacun des trois auteurs seraient essentiellement intéressants par ce qu’ils annonceraient, et par des caractéristiques dont ils seraient gros, bien qu’ils ne les présentent pas explicitement. Une telle lecture serait assurément égarante, même si, comme on va le voir, elle a longtemps prévalu.

Toutefois, il convient de s’interroger sur les raisons d’une filiation qui a été publiquement affirmée du vivant même de Babeuf, qu’elle ait été déformante pour la pensée des prédécesseurs (comme c’est presque toujours le cas) ou pas. Le lien entre les trois auteurs a peut-être des racines profondes. Sans vouloir ôter à la démarche de chacun son sens propre, il demeure en effet que ceux-ci, dont les œuvres se succèdent au fil des décennies de la crise finale de l’Ancien Régime, sont confrontés avec une acuité de plus en plus grande à la montée de la contestation, et parallèlement à la multiplication des projets de réforme de leurs contemporains[10]. Or chacun des trois, comme Thomas More en son temps, peut se prévaloir d’une activité politique directe[11], bien qu’à la différence de ce dernier, cette activité se déploie moins dans le conseil du prince que dans l’opposition à la monarchie. Le premier d’entre eux, Morelly, semble avoir mené une carrière secrète en tant qu’éminence grise du Prince de Conti[12], accomplissant pour son compte diverses missions diplomatiques. Ses ouvrages sont donc ceux d’un membre discret de l’opposition à Louis XV. Le second, Mably, publie non seulement des traités philosophico-politiques, mais également des textes d’intervention directe dans l’actualité de son temps: le texte Du gouvernement et des lois de la Pologne, écrit en 1770 à la demande du Comte Wielhorski afin de l’aider à réformer sa propre nation[13], illustre par excellence cette attitude. En réalité, Mably n’a cessé de chercher à influer sur la situation politique: «il a essayé d’animer les tentatives de réforme sociale et institutionnelle en France, en Pologne, aux États-Unis et dans d’autres pays[14]». Son œuvre est donc indissociable de ses velléités de transformation sociale. Enfin, l’élaboration proprement théorique de Babeuf se confond avec sa trajectoire de jeune réformateur, puis d’activiste politique sous la Révolution française, avec une participation si constante aux événements qu’elle finira par lui coûter la vie. De Morelly à Babeuf, l’implication directe dans la vie politique contemporaine, le plus souvent en opposition avec le courant dominant, va croissant.

On fait donc l’hypothèse que cette implication personnelle dans les débats et les combats théoriques et politiques d’une période caractérisée par l’optimisme réformateur peut, au moins partiellement, expliquer une orientation de plus en plus marquée des trois auteurs vers un usage direct de l’idéal utopique, allant de l’intervention polémique dans la controverse idéologique, jusqu’à la tentative d’en promouvoir la réalisation pratique. Avec Morelly, Mably et Babeuf, on a ainsi affaire à une incursion croissante de l’utopie dans la bataille politique, occasionnée, au moins partiellement, par le contexte exceptionnel dans lequel elle prend place. L’analyse de leur œuvre, de ce point de vue, constitue un exemple très frappant de la manière dont l’événement historique transforme la pensée.

Les Écrits de Babeuf, particulièrement, paraissent justiciables d’une méthodologie qui reprend à Quentin Skinner l’idée de replacer les textes dans leur contexte idéologique d’énonciation en les considérant comme des actes visant à produire des effets particuliers dans ce contexte précis[15]. Mais une telle méthode de lecture doit nécessairement être adaptée aux conditions exceptionnelles d’énonciation du discours babouviste, qui sont celles de la Révolution. Dans cette perspective, la trajectoire de Babeuf apparaît comme particulièrement révélatrice de ce que la Révolution fait au concept: elle permet de voir en quoi certaines catégories de la théorie politique deviennent inopérantes, et se modifient, ou disparaissent, tandis que d’autres émergent et deviennent des leviers pour l’action. Comme l’écrit en effet Georges Labica, pour tous les acteurs de la période,

« il s’agit de penser la Révolution au moment même où elle se produit, au moment où, tantôt à tâtons, tantôt avec fulgurance, elle entreprend de maîtriser intellectuellement ses actes, en inventant de toutes pièces sa terminologie[16]. »

Pris sur le vif, le phénomène se donne à voir et à analyser à travers des textes qui sont bien éloignés d’un traité philosophique: correspondance, articles de journaux, pamphlets, plaidoirie judiciaire. L’évolution des idées de Babeuf sera envisagée comme un cas paradigmatique de la manière dont se noue, dans cette occasion exceptionnelle, un rapport nouveau entre le réel et le possible, entre le réel et l’idéal, à travers la manière dont son utopie se métamorphose au fil de ces années décisives[17]. Une telle trajectoire confirme, à sa manière, combien la Révolution est responsable du fait que désormais, et pour les temps à venir, l’utopie se croit réalisable[18]. Babeuf est d’ailleurs bien conscient d’une telle transformation, lui qui écrit début 1796 :

« Je conteste l’opinion qu’il nous eût été plus avantageux d’être venus moins tard au monde pour accomplir la mission de désabuser les hommes, par rapport au prétendu droit de propriété. Qui me désabusera, moi, de l’idée que l’époque actuelle est précisément la plus favorable ? […] la Révolution française nous a donné preuves sur preuves que des abus, pour être anciens, n’étaient point indéracinables [19]. »

L’analyse du courant de pensée incarné par les trois auteurs, depuis ses fondements, posés à l’époque des Lumières, jusqu’à ses développements sous la Révolution, recèle donc un enjeu proprement philosophique. Celui-ci réside dans la prise en charge des implications théoriques de la confrontation entre un certain discours et l’histoire, saisies à chaud. Ces considérations constituent, sans doute, une première justification au fait d’avoir délibérément pris pour sujet d’étude trois personnages qui ne sont, ni véritablement des «philosophes» (quoiqu’ils le revendiquent parfois), ni, encore moins, de «grands» auteurs consacrés par la tradition philosophique. Il a ainsi semblé légitime d’aller contre le partage académique habituel qui dissuade implicitement ou explicitement les chercheurs en philosophie de s’attacher à l’étude d’auteurs jugés indignes de figurer aux côtés de Rousseau et de Montesquieu, par la faiblesse apparente de la consistance proprement théorique de leur production, ou parce qu’ils ne sont les auteurs d’aucun traité directement philosophique[20].

Par leur implication active dans les luttes idéologiques et théoriques de l’époque, comme par l’orientation générale qu’ils donnent à leurs positions, il est possible de montrer que Morelly, Mably et Babeuf représentent un courant des Lumières qui, dans les divergences mêmes qui apparaissent entre les trois auteurs, a sa consistance propre. Celui-ci peut être caractérisé comme un courant des Lumières radicales, dans un sens différent de celui que Jonathan Israël a dégagé pour caractériser l’évolution perceptible entre 1650 et 1750 en Europe[21]. En effet, cette radicalité ne s’exprime pas particulièrement sur le plan ontologique ou religieux: aucun des trois auteurs n’affiche un matérialisme ou un athéisme revendiqués. Au contraire, Morelly et Mably se réfèrent à la Providence comme principe explicatif majeur de la marche du monde; le matérialisme est explicitement rejeté par chacun d’entre eux[22]. Quant à Babeuf, malgré un athéisme évident dans la production journalistique de la dernière période, en 1795-1796[23], il manifeste, à travers ses espérances de changement social mêmes, une tendance à réinvestir la promesse millénariste, qui paraît bien étrangère aux raisonnements d’un D’Holbach ou d’un La Mettrie.

C’est sur le plan des solutions proposées au problème de l’inégalité, de l’injustice sociale, et à la dépravation morale de la société de propriété, que ces auteurs apparaissent comme des radicaux des Lumières, ainsi que la comparaison de leur pensée avec celle de certains de leurs contemporains (Diderot, Sade, Rousseau, Condorcet) le fera ressortir. En ce sens, et malgré leur extériorité par rapport au courant matérialiste, ils participent d’un mouvement de réappropriation par l’homme de sa propre destinée et de sa propre histoire. Par le lien original qu’ils nouent entre théorie et pratique, à travers les rapports complexes de leurs utopies au réel, ils incarnent donc une forme intéressante de la pensée politique au XVIIIe siècle, une forme à travers laquelle se mettent en place, peu à peu, les conditions de possibilité théoriques et morales de ce qui s’appellera, assez peu de temps plus tard, le socialisme. À ce titre, ils méritaient que leur étude sorte du domaine historique où elle est généralement cantonnée, si précieuses et importantes que soient les contributions provenant de cette dernière discipline, pour faire l’objet d’un traitement spécifiquement attentif aux concepts employés, à la cohérence interne du discours, à ses éventuelles tensions: bref, un traitement philosophique.

Notes

[1] Selon Jacques Grandjonc, c’est Restif de la Bretonne, dans un des derniers livres de Monsieur Nicolas, rédigé en 1797, qui emploie le premier le mot « communisme » dans son sens moderne (Jacques Grandjonc, Communisme/Kommunismus/Communism. Origine et éveloppement international de la terminologie communautaire prémarxiste, des utopistes aux néo-babouvistes, 1785-1842, Tèves, Schriften aus dem Karl-Marx-Haus, 1989, t. 1, p. 75). Sur ce que cet emploi nouveau doit à l’expérience révolutionnaire et au babouvisme, voir le ch. II : « De l’utopie communautaire à la révolution sans-culotte », op. cit., p. 57-85. Ni Morelly, ni Mably, ni Babeuf n’ont jamais recouru à ce terme historiquement très connoté; c’est pourquoi nous l’éviterons autant que faire se peut.

[2] On s’efforcera de le montrer dans la deuxième partie, p. 195-390.

[3] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, cité dans Victor Advielle, Histoire de Gracchus Babeuf et du babouvisme, Paris, Éd. du CTHS, 1990, t. II, p. 52.

[4] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, op. cit., p. 48.

[5] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, op. cit., p. 58.

[6] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, op. cit., p. 47.

[7] Voir sur ce point Roger Barny, Rousseau dans la Révolution: le personnage de Jean-Jacques et les débuts du culte révolutionnaire, 1787-1791, Oxford, The Voltaire Foundation, 1986, et du même auteur, L’éclatement révolutionnaire du rousseauisme, Paris, Les Belles Lettres, 1988.

[8] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, op. cit., p. 48.

[9] Défense générale de Babeuf devant la Haute-Cour de Vendôme, op. cit., p. 52.

[10] Sur cette période de crise et de contestation: Albert Soboul, La civilisation et la Révolution française, Paris, Arthaud, 1970, t. I : «La crise de l’Ancien Régime», et Joël Cornette, Absolutisme et Lumières, 1652-1783, Paris, Hachette, 1993.

[11] Sur Thomas More, shérif de Londres, speaker à la Chambre des Communes puis Lord chancelier d’Angleterre, voir notamment Karl Kautsky, Thomas More und seine Utopie, Stuttgart, Dietz, 1888; plus récemment : Bernard Cottret, Thomas More: la face cachée des Tudor, Paris, Tallandier, 2012, et Antoine Hatzenberger, «De More à Bacon, vers une théorie pragmatique du conseil», dans Laurent Bove et Colas Duflo (dir.), Le philosophe, le sage et le politique, de Machiavel aux Lumières, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 75-94.

[12] Guy Antonetti, «Etienne-Gabriel Morelly, l’écrivain et ses protecteurs», Revue d’histoire littéraire de la France, 1984/1, p. 19- 52.

[13] Voir sur ce point Jacques Lecuru, «Deux consultants au chevet de la Pologne: Mably et Jean-Jacques Rousseau», Marek Blaszke, «Projet de réformes pour la Pologne par deux adversaires: Mably et Le Mercier de la Rivière», et Marek Tomaszewski, «Les inédits de Mably sur la Pologne ou le constat d’échec d’un législateur», dans P. Friedemann, F. Gauthier, J L. Malvache, F. Mazzanti-Pepe (dir.), Colloque Mably. La politique comme science morale, Bari, Palomar, vol. 1, p. 115-129, p. 131-146, p. 147-159; et l’introduction de Marc Belissa à Mably, Du gouvernement et des lois de la Pologne, Paris, Kimé, 2008, p. 7-129.

[14] Introduction de Peter Friedemann à Mably, Sur la théorie du pouvoir politique, Paris, Éd. Sociales, 1975, p. 24

[15] Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2001, p. 13: «[…] comprendre les questions qu’affronte un auteur et ce qu’il fait des concepts dont il dispose équivaut à comprendre ses intentions premières dans l’art d’écrire, et consiste donc à élucider ce qu’il aurait vraiment voulu dire dans ce qu’il a dit – ou n’a pas dit ».

[16] Georges Labica, Robespierre. Une politique de la philosophie (1989), Paris, La fabrique, 2013, p. 41-42.

[17] Sur ce point voir Albert Soboul, «Utopie et Révolution française», dans Jacques Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, Paris, PUF, 1972, t. I : «Des origines à 1875», p. 195-254; Bronislaw Baczko, Lumières de l’utopie, Paris, Payot, 1978; Mona Ozouf, L’école de la France. Essais sur la Révolution, l’utopie et l’enseignement, Paris, Gallimard, 1984, notamment p. 265-335.

[18] Comme le dit Mona Ozouf dans «La Révolution française au tribunal de l’utopie» (L’homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard, 1989, p. 215): «l’appel impérieux de l’avenir […] ne cessera plus de retentir dans les utopies, désormais agitées, fiévreuses, moins préoccupées de décrire que de construire, de rêver que d’organiser.» Cette remarque, vraie concernant le mouvement global, n’empêche pas que dès les dernières années de l’Ancien Régime, certains utopistes pensaient déjà à réunir les conditions matérielles de la réalisation de leur idéal; ainsi Collignon, dont le Prospectus suscite l’enthousiasme de Babeuf (voir au chapitre 3, p. 141-146).

[19] Babeuf, Le Tribun du Peuple, Paris, EDHIS, 1966, vol. 2, n° 37, p. 134-135. Nous soulignons.

[20] Georges Labica déplorait déjà, en 1989, le peu d’intérêt manifesté par les philosophes pour la «dignité philosophique» de Robespierre, Marat… et Babeuf (G. Labica, Robespierre. Une politique de la philosophie, op. cit., p. 51).

[21] Dans son important ouvrage, Les Lumières radicales, Israël explicite l’objet de sa recherche comme l’étude de la pointe avancée du «processus général de rationalisation et de sécularisation, qui ruina en peu de temps l’hégémonie séculaire de la théologie dans le monde du savoir, éradiqua lentement mais sûrement les pratiques magiques et la croyance dans le surnaturel de la culture intellectuelle européenne, et conduisit certains à contester ouvertement tout l’héritage du passé» (Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité, 1650-1750, traduit par Pauline Hugues, Charlotte Nordmann et Jérôme Rosanvallon, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p. 28). Bien que dans une certaine mesure, les auteurs consiérés ici participent de ce vaste mouvement, ils ne vont pas aussi loin dans ce sens que certains de leurs contemporains, contrairement à La Mettrie ou Diderot, pour citer les exemples d’Israël lui-même.

[22] Morelly, Naufrage des îles flottantes, ou Basiliade du célèbre Pilpai, Messine [Paris], par une Société de libraires, 1753, t. II, p. 218 ; Mably, De la législation, Paris, Guillaume Arnoux, 1794-95, réimpression avec introduction, bibliographie et index, par Peter Friedemann, Darmstadt, Scientia Verlag Aalen, 1977, t. IX, p. 389-391.

[23] Voir par exemple ce passage du Journal de la liberté de la presse, daté du 26 Fructidor an II (12 septembre 1794): «le Républicain n’est pas l’homme de l’éternité, il est l’homme du temps; son paradis est cette terre, il veut y jouir de la liberté, du bonheur, et en jouir autant qu’il y est, sans attendre, ou toutefois le moins possible […] » (Journal de la liberté de la presse, Paris, EDHIS, 1966, vol. 1, n° 5, p. 2).

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Recension dans les “Annales historiques de la Révolution française” par Serge Bianchi de “Jacques Roux, le curé rouge” (Libertalia)

22 vendredi Mar 2019

Posted by Claude Guillon in «Articles»

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Éditions Libertalia, Dominique Godineau, Enragé·e·s, Jacques Roux, Jean-Numa Ducange, Marat, Matthias Middell, Pierre Schoeller, Robespierre, Serge Bianchi, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza

Je n’ai guère été tendre, ici-même, avec le dernier ouvrage de Serge Bianchi (sa biographie de Marat). Je lui suis d’autant plus reconnaissant d’avoir rédigé pour les AHRF une belle et minutieuse recension de la traduction du livre de Markov, Jacques Roux, le curé rouge, à l’édition de laquelle j’ai participé (présentation, appareil critique, bibliographie, CR Rom). Rappelons que le livre est coédité par la Société des études robespierristes (SER) et les éditions Libertalia.

On peut déplorer, mais Bianchi n’y est pour rien, que les critiques de livres paraissent avec un tel retard dans les AHRF (en l’espèce: 18 mois) ce qui signifie que les chances que la lecture de l’article puisse entraîner matériellement l’achat de l’ouvrage sont quasi nulles (le livre n’est plus en librairies, il faut le commander sans l’avoir feuilleté). Par ailleurs, on pourrait imaginer un système de signets qui attireraient l’attention des lectrices, lecteurs et adhérent·e·s de la SER sur le fait que tel livre est édité ou coédité par elle. Dans ce domaine, l’ostentation n’est pas contradictoire avec la modestie qui sied aux savant·e·s.

En 1967 paraissait à Berlin-Est un ouvrage du professeur Walter Markov sous le titre Die Freiheiten des Priesters Roux, soit Les libertés du prêtre Roux. Un demi-siècle plus tard, une réédition de cet ouvrage, pionnier en son temps, est proposée par un groupe d’historiens de la Société des études robespierristes. La traduction a été assurée par Stéphanie Roza, spécialiste de la littérature utopique au siècle des Lumières. L’appareil critique est réalisé par Claude Guillon, bien connu pour ses travaux sur les Enragé·e·s, et Jean-Numa Ducange, fin connaisseur de l’historiographie marxiste de la Révolution française. Une postface de Mathias Middell donne tout son sens à cette publication, car, en 1967, «les circonstances n’étaient pas non plus favorables à une bonne réception internationale» (p. 464). Il s’agit bien d’un événement éditorial, qui permet de s’interroger sur l’importance de l’ouvrage de Markov en son temps – la fin des années 1960 –, et sur les décalages qui se sont manifestés en 50 ans, dans la perception des problèmes de la Révolution en général et de Jacques Roux en particulier. Un cd-rom précieux, joint à l’ouvrage, fournit des compléments indispensables à la connaissance des recherches de Walter Markov et à leur actualisation historiographique, suite à un «long travail de reconstitution» (p. 17). Une telle «entreprise» peut-elle faire de ce livre un «classique de l’histoire révolutionnaire»?

L’ouvrage proprement dit comprend 8 chapitres, de «La patrie du régicide» à «La mort pour compagne». La principale originalité de l’ensemble est la mise en perspective des analyses de Walter Markov avec les textes de Jacques Roux figurant dans l’ouvrage complémentaire Scripta et Acta, qui recense l’intégralité de ses textes et discours. Il est possible ainsi de suivre en parallèle, une biographie solide croisant les documents disponibles, le tout agrémenté de notes présentant les personnages cités et des repères actualisés. Nous pouvons dès lors nous interroger sur les conditions de la réception de l’ouvrage aujourd’hui.

Walter Markov prend soin, dans chaque chapitre, de mettre les éléments de la vie de Jacques Roux en relation avec les événements nationaux contemporains. D’un côté, il colle aux documents précis dont il fait l’exégèse et l’étude critique. De l’autre, il élargit à des considérations générales, littéraires et historiques, qui peuvent surprendre dans une biographie classique. Dans le chapitre 1, «La patrie du régicide», prenons l’assassinat du chanoine Mioulle, le 18 juillet 1778, dans lequel Roux est inculpé et arrêté, en compagnie d’autres jeunes «frondeurs». Markov livre tous les éléments de l’affaire, sans indulgence, ni pour Roux, ni pour les interprétations rétrospectives du fait divers par les historiens. Il tente alors de situer l’itinéraire de l’«agitateur» dans un «rapide panorama de l’Ancien Régime» en France et dans l’Angoumois. Cette méthode se retrouve dans tous les chapitres de son livre. Dans le chapitre 2, «Les chemins de la Révolution mènent à Paris», le vicaire de Saint-Thomas-du Conac commente la Grande peur dans le diocèse de Saintes dans un sermon, Le Triomphe des braves Parisiens sur les ennemis du bien public. L’analyse est remarquable. Mais il montre aussi le rejet du curé Roux par le haut clergé de Saintes, qui l’empêche de devenir le leader d’une « république au village », comme d’autres curés rouges, avant son départ pour la capitale. Le chapitre 3, «Cordeliers et Gravilliers» est essentiel par l’acuité de la situation sociale et politique, la présentation d’une section et d’un club, même lorsque l’on perd la trace de Jacques Roux. Markov expose les relations complexes entre Marat et «le petit Marat», et entre Robespierre et Roux, en mai 1792, quand «ce Cordelier consciencieux» entame «la route escarpée qui le mènerait vers les cimes du mouvement populaire» (page 166). Le chapitre 4, «La Commune, la Convention et la tête du roi» est remarquable par les analyses du rôle de Jacques Roux dans les massacres de septembre, alors qu’il est électeur des Gravilliers. Il se sépare de Marat en se rangeant dans une «avant-garde plébéienne» qui «ne recoupe pas l’ensemble de la sans-culotterie» (p. 198). Il devient «chef de parti» au moment d’accompagner Louis « le-dernier » (sic) à la guillotine, comme conseiller municipal, bien élu. Roux refuse le testament de celui qu’il voit exécuter «depuis la fenêtre» et dont il avait écrit en épitaphe : «Il est temps que la liberté des peuples soit consolidée par l’effusion légale du sang impur des rois» (p. 206). Le chapitre 5, «Les magnifiques», analyse le rôle de Jacques Roux, dans la «formation d’un spectre que l’on appela les Enragés» lors la journée du 25 février 1793, taxation populaire qui toucha 1 000 boutiques, qui n’est certes pas la journée de Marat (p. 240). S’il se fait appeler le «Marat de la Commune», Roux se voit qualifier de «faux ami du peuple» par Brissot. Lorsqu’il parle de «dépouiller les riches», il partage la tête d’un mouvement où «il joue sa vie» comme les autres «meneurs» Enragés, Varlet, Leclerc, Pauline Léon, Claire Lacombe, une «série de destins» qui «avaient fini de se réunir» (p. 271), au moment où lui rédige son Discours sur les causes des malheurs de la République française. Walter Markov fait de ce discours une analyse subtile, prudente, exemplaire. Le chapitre 6, «La loi des riches», d’une densité impressionnante, est dominé par l’analyse des conditions et du contenu du Manifeste des Enragés. Certes le titre «constitution de l’an II» prête à équivoque, l’an II ne débutant officiellement que 3 mois après le vote de juin 1793. Markov établit que lors de ce Manifeste, les Enragés dirigent le mouvement des sans-culottes «pour la première et dernière fois» (p. 304), suivis par les Citoyennes Républicaines révolutionnaires. Fort de l’appui des Cordeliers et des Gravilliers, Jacques Roux présente son Manifeste-pétition le 25 juin 1793, alors que l’enthousiasme pour les principes de la Constitution est à son apogée. Mais il n’a pas anticipé sur la stratégie des Montagnards, Robespierre en tête, qui derrière son «motif populaire», dénoncent un texte «incendiaire». Attaqué aux Jacobins, exclu des Cordeliers, puis de la Commune, le 1er juillet, il est condamné avec Varlet et Leclerc, par Marat qui «se débarrassait des Enragés avec dégoût» (sic, p. 328), même si selon Markov, «Jacques Roux avait vu quelque chose que Marat ne pouvait plus voir» (p. 336)! Le chapitre 7, «L’ombre de Marat», expose les luttes entre les Enragés, qui reprennent le titre et le flambeau de l’Ami du peuple, et les dirigeants montagnards, Hébert et Robespierre-Jupiter (p. 353) en première ligne. Roux passe une semaine à la Conciergerie, alors qu’il est président des Gravilliers, avant que les idées des Enragés ne triomphent de façon éphémère. Le Capitole du 5 septembre 1793, à la suite d’une manifestation sans-culotte où aucun Enragé n’a mené le mouvement, débouche sur son arrestation finale, le 7 septembre, et «La mort pour compagne», l’ultime chapitre 8. Lâché par tous, y compris par ses compagnons de route, Roux est détenu à Bicêtre, fait son autocritique dans son journal Le Publiciste (n° 271), puis tente de se suicider lors de son procès par 5 coups de «stylet taille-plume à manche d’ivoire». Il décède le 10 février 1794. Pour Markov, au-delà de ce destin tragique, «la démocratie s’était peu à peu changée en dictature» (p. 426). L’utopie défendue par Jacques Roux était trop forte dans sa défense du droit concret «à la vie et à la sécurité, au pain et au travail, à l’éducation et à la culture» (p. 444). Certes, Jacques Roux a commis nombre d’erreurs, fait un pacte avec la mort en défendant les exclus et les bras-nus, a mené un moment une vague «à la surface de l’océan du peuple». Mais il a été vaincu par le nouveau Léviathan. Son combat pour l’égalité, que l’on ne doit pas «embellir», ni «s’en inspirer», ne pourra être effacé, au sein d’une Révolution qui «a irrévocablement changé le monde et les hommes» (En particulier, p. 461).

Cet aperçu du contenu de l’ouvrage dévoile en partie l’importance de son édition en français, un demi-siècle après sa publication en allemand. Les apports en sont considérables. Il a fallu vaincre l’obstacle de la traduction, passer de l’allemand littéraire «à la Stefan Zweig», à un français accessible, grâce à la traduction souvent inspirée de Stéphanie Roza ; actualiser les problématiques soulevées par l’auteur par des notes infrapaginales explicatives et par une bibliographie sélective bienvenue; donner au public érudit les clefs du travail de bénédictin entrepris par Walter Markov, en restituant les écrits et les compléments historiographique, tant par les Acta et scripta que par les 60 chapitres des Digressions sur Jacques Roux, publiées en allemand à Berlin en 1970. L’édition est valorisée par des articles complémentaires de Roland Gotlib et Claude Guillon, le dernier biographe en date des Enragés. Peut-on dès lors dire avec les auteurs que «Jacques Roux nous revient à point nommé»? S’il faut souhaiter à cet ouvrage le succès qu’il mérite dans «le livre d’or de l’histoire universelle» (p. 457), on peut s’interroger sur les conditions de sa réception par un large public, à la fin des années 2010. L’immense érudition déployée dans l’ouvrage peut dérouter, lorsque l’auteur s’éloigne des sentiers battus d’une biographie «classique». Des dissertations, bourrées de références, ouvrent et closent chacun des chapitres, comme une longue analyse du contexte de l’hiver 1792-1793 (pp. 171-176). Markov parsème ses analyses de jugements de valeur, le plus souvent étayés, parfois contestables par leur subjectivité, comme celui sur le numéro 233 du Publiciste de l’Ami du Peuple, qui traine Jacques Roux dans la boue, qualifié ainsi: «Un des textes les plus mauvais de Marat» (p. 331). Quelques pages plus loin, figure cette formulation après l’assassinat de Marat : « Le “grand homme” de la gauche était mort». Walter Markov prend toutefois des distances constantes avec son personnage, n’hésitant jamais à étaler certaines de ses faiblesses et contradictions. L’historien fait parfois place au romancier, lorsqu’il décrit la dernière entrevue entre Marat et Roux, 4 jours avant l’assassinat: «Le regard oblique que Jacques Roux lui jeta en ce 9 juillet avant de descendre les escaliers a frappé les témoins, “impossible à dépeindre”, un “regard prolongé de vengeance”. Mais peut-être une trop vive blessure lui donnait-elle ce regard fou»? (p. 333). Certaines conjectures «romantiques» quant aux relations entre ses personnages renvoient à la fascination de l’auteur pour Zweig. À notre avis, ce mélange constant des genres suscite constamment l’intelligence du lecteur, qui doit rester sur le qui vive pour en tirer le meilleur parti. Un autre problème découle des analyses par Markov des écrits de Jacques Roux, lorsque la citation ou la paraphrase l’emportent sur la distance au texte, qu’il s’éloigne ainsi des «normes universitaires», suscitant des réserves des préfaciers: «Markov résume souvent le texte de Jacques Roux, ce qui est légitime ; il le paraphrase aussi, ce qui est problématique» (p. 90). On pourra aussi mesurer, à un demi-siècle de distance, la distance significative entre le contexte des années 1960, idéologique, diplomatique, historiographique et le contexte des années 2010, tant «l’eau a coulé sous les ponts». Mais Mathias Middell évoque avec justesse les potentialités du «roman à clé» de Walter Markov, cet intellectuel qui «cherche à saisir les mécanismes d’une situation plus que complexe», tout en étant «un homme engagé en faveur de l’émancipation humaine» (p. 482). Si je pouvais suggérer deux directions d’approfondissement contemporain des travaux de Walter Markov, elles concerneraient les liens entre Jacques Roux et les «citoyennes républicaines» d’une part, et, de l’autre, la question essentielle de la qualification de «curé rouge», qui figure dans le titre et dont les avancées historiographiques pourraient être mieux mises en évidence.

Mais il s’agit de remarques mineures au regard des apports considérables de cet ouvrage longtemps espéré, qui vient combler un retard inquiétant, «une frilosité historiographique et politique» qui n’ont plus de raison d’être aujourd’hui. Et nous ferons nôtre la conclusion de Matthias Middell: «Le travail de Markov sur le curé rouge a dévoilé des enjeux bien plus cruciaux que ceux de la sympathie ou du rejet que peuvent susciter la biographie d’un individu. Gageons que les multiples aspects du travail de cet auteur susciteront de multiples interprétations».

Serge Bianchi

Dans cette dernière livraison, je signale, outre le dossier thématique, un entretien entre Dominique Godineau et le cinéaste Pierre Schoeller (Un peuple et son roi).

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Stéphanie Roza parle de l’utopie (3 vidéos)

14 jeudi Fév 2019

Posted by Claude Guillon in Vidéothèque

≈ Commentaires fermés sur Stéphanie Roza parle de l’utopie (3 vidéos)

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Abbé Maury, Éditions Libertalia, Babeuf, Jacques Roux, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Utopie, Walter Markov

Stéphanie Roza est l’autrice de Comment l’utopie est devenue un programme politique (Classiques Garnier). Elle est par ailleurs – entre autres! – la traductrice méritante de la biographie de l’Enragé Jacques Roux par Walter Markov, à l’édition de laquelle j’ai participé, avec Jean-Numa Ducange (Éditions Libertalia).

Je retrouve ces trois vidéos, que la principale intéressée juge peut-être inabouties (je ne lui ai pas posé la question), mais qui constituent, je pense, une intéressante et accessible introduction à son travail ultérieur.

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“Unité doctrinale du socialisme” ~ un manuscrit inédit de Jaurès (1891) analysé par Gilles Candar & Stéphanie Roza

21 samedi Juil 2018

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur “Unité doctrinale du socialisme” ~ un manuscrit inédit de Jaurès (1891) analysé par Gilles Candar & Stéphanie Roza

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Babeuf, Communisme, Denis Diderot, Gilles Candar, Jean Jaurès, Jean-Jacques Rousseau, Mably, Stéphanie Roza, Utopie

Sous l’égide de la Fondation Jean Jaurès, Gilles Candar et Stéphanie Roza ont décrypté un texte de Jaurès où il traite du caractère « socialiste » de la Révolution française.

Je reproduis ci-dessous un extrait de la présentation des deux auteurs et un extrait du texte de Jaurès. On peut télécharger ici au format pdf l’intégralité de l’analyse et du texte inédit de Jaurès.

Gilles Candar & Stéphanie Roza

Dans le texte inachevé que nous publions ici, intitulé «Chapitre II – Unité doctrinale du Socialisme», Jaurès évoque le projet d’écrire l’histoire du socialisme depuis la Révolution française. Non que la Révolution soit considérée comme le berceau de l’idée socialiste à proprement parler, mais en tant qu’elle a donné à cette idée une forme et une portée entièrement nouvelles. Dans cette perspective, une thèse forte et étonnante retient l’attention dès les premières lignes : contrairement aux affirmations des «partis bourgeois», pour l’auteur, la Révolution française fut une révolution socialiste. Il faut prendre en considération l’ensemble du développement pour tenter de comprendre comment Jaurès justifie cette affirmation qui sera contredite par la caractérisation célèbre de la Révolution française comme «bourgeoise» moins de dix ans plus tard, dans son Histoire socialiste de la Révolution française. Une telle élucidation présente l’intérêt de permettre de comprendre ce que Jaurès, en 1891, entend par «socialisme».

À y regarder de plus près, l’auteur du texte de 1891 n’est pas si éloigné de celui qui signera un contrat avec l’éditeur Rouff en 1898 pour L’Histoire socialiste. Il considère déjà la Convention nationale elle-même, qui fut, emmenée par les Jacobins entre 1793 et 1794, la plus radicale des assemblées révolutionnaires, comme une assemblée «bourgeoise» (même si ce terme est mis entre guillemets dans son manuscrit). Il reconnaît «l’erreur» des révolutionnaires, qui n’ont pas compris que la réalisation du socialisme passait nécessairement par la lutte des classes. Si la Révolution française fut « socialiste », ce n’est donc pas au sens où l’ensemble de ses représentants politiques visaient consciemment le socialisme. Jaurès revient notamment sur les Constituants de la première Assemblée, en 1789-1791, qu’il caractérise comme des libéraux et des monarchistes. Ce n’est pas non plus au sens où elle aurait réalisé le socialisme, même pour un temps très court.

Il semble plutôt que la Révolution française ait été, de l’avis de Jaurès en 1891, une révolution socialiste au sens où sa dynamique interne menait tendanciellement au socialisme. Plusieurs éléments du texte vont dans ce sens : d’abord l’exposé des « origines intellectuelles » de la Révolution. Pour Jaurès, le rationalisme scientifique, sous le patronage de Roger Bacon et de Descartes, porterait en lui le socialisme car croire au pouvoir de la raison humaine, croire au progrès conduisent à viser l’abolition de l’ignorance et de la misère pour l’ensemble de l’humanité. Sur le plan des sources directement politiques, l’auteur tente de la même manière de montrer que les inspirateurs de la Révolution auraient peu ou prou prôné le socialisme. Pour cela, il reprend le canevas de l’argumentation de Babeuf au procès des Égaux. En effet, en 1797, après que sa conjuration visant à établir la communauté des biens dans la République a avorté, Babeuf, amené à se défendre devant un tribunal d’accusateurs à Vendôme, cite Rousseau, Mably, Diderot parmi ses inspirateurs. Dans son sillage, Jaurès affirme que, par ses figures tutélaires, la Révolution, et notamment sa période jacobine, aurait clairement placé son œuvre sous le signe du socialisme.

 

Jean Jaurès

La Révolution était prédestinée au socialisme par ses origines intellectuelles. L’idée de la science était créée et elle avait pénétré tous les esprits. Il était admis que l’homme, soit par l’observation, soit par le calcul, pouvait démêler tous les secrets de la nature et par conséquent la maîtriser. Il y avait donc, dans l’idée même de la science, un optimisme infini. Le pouvoir de l’homme n’avait pas d’autres limites que son savoir qui n’avait pas d’autres limites que la nature elle-même. Les deux hommes qui ont fondé la science moderne en affirmant que sous tous les phénomènes naturels il y avait des rapports de quantité, et que par suite l’univers entier pouvait être réduit aux mathématiques, c’est-à-dire à la raison même dans toute sa certitude et toute sa force, Roger Bacon et Descartes, ont cru à la toute-puissance de l’homme. Roger Bacon avait entrevu toutes les inventions modernes, et on peut comparer l’esprit humain, tel qu’il le comprend, à «ce miroir absolu» dont il a donné la théorie. Il est possible de construire un miroir si parfait qu’il concentre en un point tous les rayons de lumière et de chaleur de l’univers. Ce miroir dès lors est l’instrument de la toute-puissance, soit pour féconder, soit pour détruire: et peut-être c’est ainsi que l’Antéchrist embrasera le monde. Descartes croyait qu’il pouvait arriver lui-même à supprimer la mort, et il ne renonça que tard à cette croyance. La science ainsi entendue, c’est-à-dire fondée sur la nature elle- même et lui empruntant par degrés, à mesure qu’elle l’explique, son inépuisable pouvoir suggère nécessairement l’idée du progrès illimité. Cette idée du progrès illimité, non point banale et bourgeoise, mais grandiose et humaine puisque l’exaltation de sa puissance intérieure de pensée, est au XVIIIe siècle l’atmosphère même des esprits. Or comment espérer, comment affirmer le progrès illimité de l’homme sans affirmer, sans espérer le progrès illimité de tous les hommes ? Si l’humanité peut vaincre la nature par la science et la raison, elle doit avant tout vaincre ce qu’il y a en elle-même de nature rebelle et mauvaise, c’est-à-dire l’ignorance et la misère. Associer tous les hommes à la grandeur de l’humanité est le premier vœu et la plus belle victoire de la science. Tout homme a en lui la raison, et la raison, dirigée par une méthode exacte, peut en tout homme aboutir au vrai. L’éducation universelle sera donc une des plus grandes tâches de la science, et la science qui perce la nature comme un trait de feu devra se réfléchir en tous les esprits. Mais il est un excès de misère qui supprime dans l’homme le sentiment de la raison et le besoin de la vérité. Qui dit misère dit ignorance, et pis que cela, fatalité, éternité de l’ignorance. Guerre à l’ignorance signifiera donc aussi : guerre à la misère. Et la science sera payée de sa peine, car elle pourra trouver en tout homme un collaborateur. Tout homme pourra ou déduire, ou expérimenter, ou tout au moins observer ; les matériaux de la vérité sont infinis comme la nature même, tout homme sera donc, dans la mesure de ses facultés individuelles, le serviteur de la science commune. Leibniz voulait que tous les hommes et les artisans même aient un microscope pour observer. Ils seront ainsi non pas les manœuvres de la science, car ils en connaîtront le plan essentiel, mais ses ouvriers. Quelle humanité admirable et forte le XVIIIe siècle avait rêvée ! C’était là l’état d’esprit et de conscience de ces Conventionnels en qui la pensée du XVIIIe siècle respirait et combattait. Et si la Révolution française n’avait pas été plus qu’à demi-vaincue, si elle avait pu réaliser les programmes de la Convention, elle aurait accompli l’œuvre du socialisme sans que le mot même de socialisme eût été prononcé, par la seule vertu de l’idée de science identique pour elle à l’idée d’humanité : tandis que nous nous efforçons vers la justice sociale des bas-fonds de la misère, de l’ignorance et de la haine, elle y serait arrivée en suivant les hauteurs, dans la sérénité de la lumière, ou dans ces sublimes orages des cimes, qui sont les explosions de la conscience beaucoup plus que le grondement des appétits.

Elle eût transformé le régime de la propriété avant que l’antagonisme peut-être irrémédiable des classes se fût substitué à l’harmonie passagère des âmes rapprochées par un même idéal : et c’est une Assemblée «bourgeoise» comme l’était la Convention, qui eût définitivement émancipé les ouvriers et les paysans. Et certes, les penseurs qui ont le plus fortement agi sur la Révolution française contenaient la critique violente de la propriété individuelle déréglée. Dès que la Révolution se fut comprise elle-même et que, poussée par une irrésistible logique, elle eut proclamé la République, l’influence de Montesquieu et de Voltaire fut presque éliminée : et deux forces seulement agirent sur elle, Jean-Jacques et l’Encyclopédie. Entre Jean-Jacques et Diderot, le plus actif et le plus démocrate des encyclopédistes, il y avait eu bien des malentendus, et leur conception de la civilisation humaine n’était pas la même. Jean-Jacques se méfiait de ce progrès des inventions industrielles et mécaniques qui enchantaient Diderot, et tandis que Diderot annonçait et préparait l’avènement des arts mécaniques et de la civilisation industrielle, tandis que dans le fameux article «Art» de l’Encyclopédie il célébrait les manufactures qui par le groupement des ouvriers et la division du travail multipliaient la puissance humaine, Rousseau eût volontiers arrêté les sociétés humaines dans une semi-ignorance et une semi-indolence idylliques, et il engageait les hommes non point à conquérir la nature, mais à la savourer. Or, malgré leur opposition, Diderot et Rousseau s’accordent, dans l’esprit des hommes de ce temps, à dénoncer « la propriété » comme la racine de tous les maux. L’œuvre tout entière de Rousseau et de Diderot est là pour le démontrer, et je pourrais multiplier les citations décisives. Je veux tout d’abord en emprunter seulement quelques-unes au beau plaidoyer que Babeuf a prononcé devant la Haute Cour de Vendôme. Nous verrons ainsi que les doctrines « socialistes » de Jean-Jacques et de Diderot n’étaient point restées dans leurs livres, incomprises et inertes, qu’elles avaient circulé à travers la Révolution elle-même, et que par elles les derniers des Révolutionnaires étaient excités à l’action. Et puis, il me plaît de montrer que ce pauvre et grand Babeuf en qui la stupide histoire ne montre guère qu’un conspirateur criminel ou un fanatique imbécile se rattachait à la pensée du XVIIIe siècle en ce qu’elle a de plus généreux et de plus décisif. Voici Rousseau : «Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne.» «Pour que l’état social soit perfectionné, il faut que chacun ait assez et qu’aucun n’ait trop.» «Ignorez-vous qu’une multitude de vos frères périt ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop, et qu’il vous fallait un consentement exprès et unanime du genre humain pour vous approprier de la subsistance commune tout ce qui allait au- delà de la vôtre ?» «L’ambition dévorante, l’ardeur d’élever sa fortune relative, moins par un véritable besoin que pour se mettre au-dessus des autres, inspire à tous les hommes un noir penchant à se nuire mutuellement, une jalousie secrète d’autant plus dangereuse, que, pour faire son coup plus en sûreté, elle prend souvent le masque de la bienveillance ; en un mot, concurrence et rivalité d’une part, de l’autre opposition d’intérêts, et toujours le désir de faire son profit aux dépens d’autrui : tous ces maux sont le premier effet et le cortège inséparable de la propriété.» «Il ne saurait y avoir d’injure où il n’y a point de propriété.» Et ailleurs, dans sa lettre à l’académicien Bordes : «Avant que ces mots affreux de tien et de mien fussent inventés; avant qu’il y eût de cette espèce d’hommes cruels et brutaux qu’on appelle maîtres, et de cette autre espèce d’hommes fripons et menteurs qu’on appelle esclaves; avant qu’il y eût des hommes assez abominables pour oser avoir du superflu pendant que d’autres meurent de faim; avant qu’une dépendance mutuelle les eût tous forcés à devenir fourbes, jaloux et traîtres, je voudrais bien qu’on m’expliquât en quoi pouvaient consister leurs vices, leurs crimes.»

 

Stéphanie Roza a publié dans la collection des Classiques Garnier Comment l’utopie est devenue un programme politique, qui recoupe et documente – entre autres – les préoccupations «généalogiques» de Jaurès.

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Présentation de la biographie de Jacques Roux par son équipe éditoriale, au CNAM, Le 17 mars

05 lundi Mar 2018

Posted by Claude Guillon in «Annonces»

≈ Commentaires fermés sur Présentation de la biographie de Jacques Roux par son équipe éditoriale, au CNAM, Le 17 mars

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Éditions Libertalia, Jacques Roux, Jean-Numa Ducange, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Walter Markov

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Jacques Roux, les Enragé·e·s & la Révolution française à Montpellier, le 26 janvier, à l’Université Paul Valéry

19 vendredi Jan 2018

Posted by Claude Guillon in «Annonces»

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1793, Éditions Libertalia, Claire Lacombe, Clubs de femmes, Enragé·e·s, Jacques Roux, Jean-François Varlet, Pauline Léon, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Théophile Leclerc, Walter Markov

Stéphanie Roza, traductrice de la biographie de Jacques Roux par Walter Markov, coédité par les éditions Libertalia et la Société des études robespierristes (SER) et moi-même sommes invités le 26 janvier prochain à l’Université Paul Valéry de Montpellier par un groupe d’étudiant·e·s. Nous y présenterons l’ouvrage et animerons un débat sur l’actualité de la Révolution.

Pour rallier L’Université Paul Valéry: tram ligne n° 1, arrêt Saint-Éloi.

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Jacques Roux urbi et orbi

21 jeudi Déc 2017

Posted by Claude Guillon in «Articles»

≈ Commentaires fermés sur Jacques Roux urbi et orbi

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Éditions Libertalia, Jacques Roux, Jean-Numa Ducange, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Walter Markov

Dans Le Monde des livres de ce jeudi 21 décembre.

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“Jacques Roux, le curé rouge” ~ traduction française du livre de Walter Markov, en librairies le 19 octobre. Présentations à Besançon et Montreuil.

28 jeudi Sep 2017

Posted by Claude Guillon in «Articles»

≈ Commentaires fermés sur “Jacques Roux, le curé rouge” ~ traduction française du livre de Walter Markov, en librairies le 19 octobre. Présentations à Besançon et Montreuil.

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1793, Albert Soboul, Éditions Libertalia, Démocratie directe, Enragé·e·s, Féminisme, Jacques Roux, Jean-Numa Ducange, Matthias Middell, Républicaines révolutionnaires, Robespierre, Roland Gotlib, Société des études robespierristes, Stéphanie Roza, Stefan Zweig, Walter Markov

Jacques Roux, le curé rouge, traduction de la biographie de l’Enragé des Gravilliers par l’historien de RDA Walter Markov sera disponible en librairies à partir du 19 octobre 2017.

C’est une coédition Libertalia et Société des études robespierristes (SER), à l’initiative de cette dernière.

C’est aussi l’aboutissement d’un long travail, dont l’extrait de l’introduction reproduit ci-après donne une idée.

C’est un beau et gros livre de 520 pages, vendu 20 €.

Il contient une bibliographie, un index des noms cités. Un CD-rom est joint sur lequel sont publiés l’intégralité des textes et discours de Jacques Roux, ainsi que plusieurs articles de Walter Markov, Matthias Middell, Roland Gotlib, et Claude Guillon.

Pourquoi un tel retard ?

[Extrait de l’Introduction]

Si le fait qu’aucun historien universitaire français n’a pris la peine de rédiger une monographie sur Roux reste une énigme, en revanche il semble possible d’émettre quelques hypothèses sur l’absence de traductions de Markov, des décennies durant. À dire vrai, au moins une tentative s’est appuyée sur une thèse de doctorat, d’ailleurs largement inspirée par les recherches de l’historien est-allemand. Cette thèse, dirigée par Soboul en 1978, n’avait peut-être que l’ambition – déjà méritoire ! – de révéler les travaux alors méconnus voire inaccessibles de Markov. Dans l’exemplaire conservé à l’IHRF figure, collé en première page, un courrier d’Albert Soboul par lequel il propose aux Éditions sociales (les éditions du PCF de l’époque) de publier le travail de Bersot dans la collection « Classiques du peuple ». En cas d’accord, les éditeurs sont invités à transmettre d’abord le manuscrit à Walter Markov, « pour quelques corrections et mises au point ». Cette tâche fut épargnée à Markov et le volume souhaité par Soboul, son ami depuis le milieu des années 1950, ne vit pas le jour.

Si Marx avait salué Roux comme un des premiers «communistes», la lecture stalinienne de la Révolution en France mettait davantage l’accent sur le « bloc jacobin » et valorisait l’action de Robespierre – dont les textes ont, eux, été édités à plusieurs reprises par les Éditions sociales. Roux et les Enragés faisaient plutôt figure de précurseurs des différents courants d’extrême gauche, alors en rivalité violente avec le PCF. Aussi Roux a-t-il pu faire les frais d’un contexte où il était nécessaire de défendre la Convention robespierriste davantage que les courants «gauchistes».

Mais ces considérations ne peuvent tout expliquer. Un autre facteur, au moins, doit être avancé : la difficulté de la langue. L’allemand de Markov est en effet difficile, parfois impossible à comprendre, fût-ce pour un germanophone! D’ailleurs émaillé d’allusions absconses, écrit dans un style qui se veut littéraire, fort éloigné des normes universitaires, le texte est aride, même pour un public familier de l’histoire révolutionnaire. Markov s’en est expliqué dans un entretien publié peu avant la chute du mur de Berlin : il dit s’être inspiré, quoique avec précaution, de la biographie littéraire à la Stefan Zweig. Évoquant les reproches que Hans Mayer, universitaire et critique, adressait à ce dernier, Markov rétorque :

« La critique d’Hans Mayer à l’égard des nouvelles et des biographies passionnées de Stefan Zweig a de véritables fondements. Je ne la partage pourtant pas tout à fait. Ce que l’astucieux auteur a par exemple à nous dire sur Fouché me paraît valoir le détour et procurer un certain plaisir de lecteur – pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’historien ? »

Le présent travail d’édition – qui doit beaucoup à l’inventivité et à l’habileté scrupuleuse de Stéphanie Roza, la traductrice – tient compte de ces difficultés majeures. L’équipe éditoriale – S. Roza et les auteurs de cette introduction – ont ainsi pris la liberté de simplifier certaines formulations ou certains passages du texte qui rendaient problématique sa compréhension. Ajoutons à cela que l’original ne comprend presque pas de notes : son établissement dans la version française a donc nécessité un long travail de reconstitution et d’actualisation des sources et de la bibliographie.

Ce sont probablement ces caractéristiques du livre, ajoutées à une frilosité historiographique et politique, qui ont empêché Markov de devenir, en son temps, un classique de l’histoire révolutionnaire en langue française. Déplorable lacune, que nous sommes heureux de pouvoir combler aujourd’hui grâce à l’initiative de la Société des études robespierristes.

Optimistes par la volonté, nous nous consolons du délai de maturation considérable – un demi-siècle! – nécessaire à cette entreprise, en observant que les thèmes chers à Roux et aux Enragé(e)s se trouvent au cœur des mouvements sociaux du XXIe siècle:  droit de tous aux produits de première nécessité, citoyenneté des femmes, souveraineté populaire et démocratie directe. Tandis que nombre d’historien(ne)s continuent de se réclamer de « l’histoire par en bas », des militant(e)s de gauche et révolutionnaires se tournent vers la Révolution française pour y refonder leur réflexion et leur stratégie. Dans le même temps, l’héritage philosophique et révolutionnaire des Lumières demeure la cible historique préférée à la fois de l’extrême droite, catholique ou paganiste, et des fanatiques islamistes.

Autant dire que Jacques Roux nous revient à point nommé!

Jean-Numa Ducange & Claude Guillon

 

DEUX PRÉSENTATIONS

J’aurai le plaisir de faire la première présentation nationale du livre à Besançon, à l’occasion de la «Rentrée libertaire», le 4 octobre, à 20h30.

La deuxième présentation (et première “parisienne”) aura lieu lors de la fête des 10 ans des Éditions Libertalia, le samedi 14 octobre à 16h, à La Parole errante (Montreuil). Voir le programme complet ci-dessous.

Je serai cette fois en compagnie de Jean-Numa Ducange.

Les membres de l’équipe éditoriale, Jean-Numa Ducange, Stéphanie Roza et moi-même, sommes a priori disponibles pour venir présenter le livre dans des librairies, bibliothèques, associations, comités d’entreprise, etc.

N’hésitez pas à nous contacter.

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