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En matière de sottise, on est toujours étonné de voir des records que l’on croyait indépassables être pulvérisés! Tant de crétins ont déjà concouru… Et pourtant, c’est possible, ainsi qu’en a apporté la preuve – au-delà de toute crainte (ou espérance) – l’émission «Laissez-vous guider» (ici dans le Paris de la Révolution française) diffusée hier 2 mai sur «France 2».

Les présentateurs Stéphane Bern et Lorant Deutsch se sont surpassés. Bern, déjà maître dans l’art de la niaiserie télévisée en campant régulièrement un personnage de guide touristique qui-articule-bien-pour-les-visiteurs-âgés atteint cette fois le comble du grotesque, donnant la réplique à un Lorant Deutsch égaré dans des saynètes pitoyables.

Sans énumérer les demi-vérités et confusions de l’émission (la vie est courte!) je ne peux résister au plaisir de signaler à la postérité la (très, très) longue séquence sur la réalisation d’une tête de veau mitonnée au restaurant Le Procope…

Pourquoi une tête de veau? Pas parce que les adversaires de la monarchie en consomment encore aujourd’hui à chaque anniversaire de l’exécution de Capet – il n’en est pas soufflé mot! – mais parce que «c’était le plat le plus couramment consommé par les pauvres» [sic].

Les critiques ont souligné, à juste titre, le côté farce de cette émission sur la Révolution confiée à deux sympathisants royalistes. Ils n’ont pas dit que c’est dans l’insondable stupidité des dialogues et de la mise en scène que s’exprime (presque) toute la prise de position des duettistes. On croirait en effet qu’ils ont eu à cœur de se brouiller avec leurs amis politiques, adoptant une espèce de vulgate républicaine minimaliste, stupide certes, mais point si orientée vers la contre-révolution.

À moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie extrêmement subtile visant à ringardiser la Révolution en lui associant nos deux têtes de veaux?…

C’est en tout cas à un crétin invité (comme spécialiste!) que revient la déclaration la plus polémique de l’émission. M. Patrick Pelloux, médecin urgentiste de son état, planté sur une reconstitution en 3 D d’une guillotine, nous déclare en effet à propos de la mort de Louis XVI: «Aujourd’hui, on paye encore les conséquences de cette décapitation»…[C’est si con que ça pourrait être du Macron…]

Sans déc Patrick!? Il est vrai que le même vient d’affirmer paisiblement quelques secondes auparavant que si les nobles étaient exécutés à la hache, les pauvres étaient, sous l’Ancien régime, «égorgés avec un vieux couteau». Ça, c’est du scoop Patrick! Il est probable que c’est ce goût de la révélation qui a conduit le même crétin multitâches à condamner, le 1er mai dernier, (toujours en tant que spécialiste, je suppose) une «attaque» par des manifestants de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière… attaque qui n’a jamais eu lieu que dans l’imagination propagandiste des officines gouvernementales.

Emporté par l’ambiance soudain revancharde, Bern se laisse aller à lâcher qu’«un peuple régicide, ça n’est jamais…» (geste de la main pour signifier que «Ça craint»). On suppose que Stéphane Bern voit d’un très très mauvais œil le peuple italien, qui a lynché Mussolini au lieu de lui offrir, comme à Louis XVI, un long procès, de très longs débats, un vote (très disputé) et un défenseur…

La seule chose que l’on pourrait à la rigueur sauver de ce naufrage est la reconstitution en 3 D et in situ de monuments disparus. Ça n’est pas neuf, ça court les jeux vidéo, mais ça produit toujours son petit effet.

Bref, quand on sait la difficulté d’une politique de vulgarisation historique à la fois sérieuse et accessible – évoquée ici-même il y a peu à propos du livre L’Histoire comme émancipation – la diffusion d’une aussi méprisable bouillie ne peut s’analyser que comme une entreprise de sabotage.