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LA RÉVOLUTION ET NOUS

~ le blogue historien de Claude Guillon

LA  RÉVOLUTION  ET  NOUS

Archives de Tag: Charlotte Corday

Charlotte ou Kinder ?

12 mardi Avr 2022

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur Charlotte ou Kinder ?

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Charlotte Corday, Ferrero, Kinder, Marat

Le fil Twitter @_n0name_____ revisite la mort de Marat à la lumière des déboires récents de l’industriel de la friandise Ferrero, contraint de suspendre la vente et la fabrication des produits commercialisés sous la marque Kinder pour cause de contamination aux salmonelles.

Cliquez sur l’image pour l’AGRANDIR.

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“Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes” ~ par Titiou Lecoq, avec un dithyrambe de Michelle Perrot

30 dimanche Jan 2022

Posted by Claude Guillon in «Bêtisier», «Bibliothèque»

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Charlotte Corday, Christine Fauré, Claire Lacombe, Etta Palm d'Aelders, Geneviève Fraisse, Louise de Kéralio, Marat, Olympe de Gouges, Pauline Léon, Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, Titiou Lecoq

J’avais d’abord feuilleté le livre en librairies, ce qui ne m’avait pas donné envie de l’acheter. Et puis j’ai lu des critiques enthousiastes et d’autres sur un registre dont j’ai souvent dit ici-même à quel point il m’agace : si-ce-livre-permet-ne-serait-ce-qu’à-une-lectrice-de-découvrir-l’histoire, etc.

L’Histoire, devrais-je écrire, puisque si l’on se propose de nous expliquer pourquoi elle a effacé les femmes, nous savons dès la première de couverture qu’elle a commis ce forfait à l’aide de sa grande « H » (plaisanterie connue).

Parce que je ne suis pas omniscient, je me reporte au chapitre 11 qui concerne mon domaine de recherches – « Révolutionnaires étouffées » – qui traite de la Révolution française.

Je vais y « apprendre » [pp. 179-180] ce que des dizaines de textes rédigés par des lecteurs et lectrices de Wikipédia m’ont déjà enseigné : Pauline Léon et Claire Lacombe « ensemble ont fondé la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires » (non).

Plus original, et non sourcé, comme de bien entendu, on m’explique que « ces femmes », expression qui englobe Pauline et Claire, Etta Palm d’Aelders, Louise de Kéralio, Olympe de Gouges et quelques autres « veulent des femmes dans la magistrature, dans l’armée et aux postes importants de l’Église. » Telle que formulée, et attribuée à un groupe aussi hétéroclite, cette prétendue revendication n’a tout simplement aucun sens.

Puisque j’en suis aux détails qui heurtent, voici la manière dont est évoquée la politique de Marat, à propos de sa meurtrière Charlotte Corday :

Devant les appels de Marat à tuer tout le monde. […] [p. 187]

Terrible petit bruit de la sottise qui heurte le zinc du comptoir du Café du commerce.

Le propos général de l’ouvrage est de mettre à portée du plus grand nombre ou au moins « d’un » plus grand nombre les travaux des historiens et historiennes, censés reposer dans des oubliettes éditoriales ou de poussiéreuses revues.

C’est mentir. De nombreux livres d’histoire, rédigés par des spécialistes atteignent des tirages très honorables.

Puisque Geneviève Fraisse est – à juste titre – citée et utilisée à plusieurs reprises par Lecoq, remarquons que l’on peut trouver en collection de poche Folio plusieurs de ses ouvrages, ce qui n’est pas précisément un signe de clandestinité.

Incompréhensible, et impardonnable, est l’absence de Christine Fauré, directrice d’une Nouvelle encyclopédie politique et historique des femmes (Les Belles Lettres, 2010).

Je vais m’attarder sur le problème des références. J’ai mentionné Fraisse ; on en rencontre d’autres, mais quant à savoir selon quels critères elles sont choisies pour figurer dans les notes, mystère et boule de gomme ! Disons que là où une référence est donnée, il en existe neuf qui sont tues.

De plus dans un livre qui se prétend outil de « passeuse » entre scientifiques et grand public, on s’attendrait à une bibliographie commentée, par exemple à la fin de chaque chapitre. Et avec les adresses ou au moins les noms de nombreux sites et blogues… Or, à part les notes de bas de page, il n’y a rien.

De temps à autre, l’autrice lance dans l’éther une incitation qui doit lui paraître suffisante. Ainsi à propos de Communardes, dont elle vient d’énumérer les patronymes.

Allez lire leurs vies [sic], elles sont toutes passionnantes.  [p. 238]

D’ailleurs, quand on se plaint de l’invisibilisation des femmes dans l’histoire, comment ne pas signaler l’existence de deux associations (au moins) qui travaillent à conserver et mettre en valeur la mémoire des femmes: Mnémosyne, Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre et les Archives du féminisme…

Quant au style, après un coup de chapeau à l’écriture inclusive, l’autrice se dispense du moindre point médian (il ne faudrait pas dérouter le grand public !). Elle adopte ici et là un style relâché, censé, je suppose, réduire encore les méfiances de celles et ceux qu’inquiète le bon français. Doit-on croire que la formule « un décret les chasse de l’armée » aurait rebuté beaucoup de monde ? Nous lisons : « Un décret les vire de l’armée » [p. 189]. Dans le même registre, pour qualifier l’action de Napoléon : « Après le bordel de la Révolution… ».

Ou bien ce livre n’a pas eu d’éditeur, ou bien il s’agit d’un procédé démagogique.

À défaut de relecture, l’ouvrage a bénéficié d’une campagne d’affichage publicitaire, et d’une préface de Michelle Perrot qu’elle conclut sur une formule dont on a compris que je ne la partage pas : « À lire absolument ».

On m’objectera, comme d’habitude, que – même vendu comme une savonnette et écrit avec les pieds – le livre est « sympathique » puisqu’il défend la visibilité des femmes dans l’histoire, et qu’il est possible que des jeunes gens et jeunes filles s’y découvrent un intérêt pour l’histoire des femmes. Il est impossible de réfuter un tel argument, ce qui indique assez son caractère non-scientifique.

En l’état, cet ouvrage non seulement n’apporte rien sur le sujet qu’il prétend traiter, mais se trouve très en retard (au moins dans le domaine qui m’intéresse) sur l’état présent de la recherche. D’honnêtes lectrices et lecteurs croiront de bonne foi tenir entre leurs mains un état actualisé des connaissances, quand ils·elles n’auront en main que le énième produit surfant sur la vague #MeToo – ça n’est pas moi qui fait le rapprochement, mais Michelle Perrot dans sa préface.

Ma dernière pensée (de ce billet) ira aux arbres, certes issus d’une « forêt gérée durablement »… Combien d’arbres pour faire savoir que Marat voulait « tuer tout le monde » ?

_____________________________

Statut de l’ouvrage

Acheté en librairie. 326 pages, 20, 90 €.

Le slogan publicitaire épuise ici la définition de l’emphase mensongère.

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Inconnue à la cocarde

04 samedi Déc 2021

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur Inconnue à la cocarde

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Charlotte Corday

Plaque de porcelaine (début XXe) représentant une femme, mains jointes, une cocarde tricolore à sa coiffe. Le vendeur suggère Charlotte Corday…

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“Infographie de la Révolution française” ~ de Jean-Clément Martin et Julien Peltier

09 samedi Oct 2021

Posted by Claude Guillon in «Annonces», «Articles», «Bibliothèque»

≈ Commentaires fermés sur “Infographie de la Révolution française” ~ de Jean-Clément Martin et Julien Peltier

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Charlotte Corday, Claire Lacombe, Constitution de 1793, Jacques Roux, Jean-Clément Martin, Julien Peltier, Marat, Robespierre, Société des citoyennes républicaines révolutionnaires

De 1789 à 1799, la France est en révolution. Afin de rendre compte des événements et des bouleversements qui ont marqué ces années, et de permettre une autre lecture de l’histoire, l’Infographie de la Révolution allie récit et modélisation des données historiques. Grâce à la puissance d’analyse de Jean-Clément Martin, nourrie d’amples réflexions sur la période révolutionnaire, et au talent du data designer Julien Peltier, cette démarche originale et accessible permet de conjuguer conceptualisation et émotion, généralité et singularité. Les grandes journées révolutionnaires et les profondes mutations de la période peuvent alors être  comprises dans leurs multiples dimensions : les thèmes traités ici – la chute de la monarchie, la Terreur, la Contre-Révolution, la condition des femmes, la révolution militaire, la Vendée, l’esclavage, la déchristianisation… – le prouvent. C’est ainsi le foisonnement exceptionnel d’une période passionnante qui est saisi par les auteurs, grâce au supplément de sens porté par l’infographie.

Parution: 12 octobre 2021. 128 pages; Format 23 x 29 cm; 27 €.

J’ai déjà eu l’occasion de saluer ici le travail de Jean-Clément Martin et notamment sa capacité de synthèse (voir notamment sa Nouvelle histoire de la Révolution française). Il publie ces jours-ci un livre nouveau (et non seulement un nouveau livre) qui outrepasse l’usage maximal connu de l’infographie – soit comme illustration (c’était déjà le cas dans mes livres d’histoire de lycée), soit comme mode d’expression plus ou moins à égalité avec le texte (comme dans l’Atlas de la Révolution française, publié en plusieurs fascicules par l’EHESS).

Ici l’infographie est le moyen d’expression principal, au point de figurer dans le titre de l’ouvrage: Infographie de la Révolution française. Les textes viennent en appui aux infographies; ils les complètent. C’est donc un choix radical, un coup de force méthodologique, oserais-je, qui marquera un tournant. Il y aura un avant et un après, et d’autres «Infographies», de la Commune, du Grand Siècle, etc.

Évoquer un tel ouvrage (je ne prétends pas en «rendre compte») est périlleux puisqu’il ne s’agit plus (seulement) de faire la critique d’un texte, de l’analyse qu’il présente et des données factuelles qu’il fournit, mais (aussi) d’éprouver et de justifier une émotion esthétique.

La première impression peut être d’un «trop plein» qui nuirait à la lisibilité. La profusion de graphiques, de représentations colorées (qui intègrent des portraits de personnages), de pictogrammes, s’adresse à l’œil tout autrement que le bloc d’une page de texte imprimée, même agrémentée d’une carte ou d’un graphique. Il faut surmonter cette première impression pour s’immerger – avec plaisir – dans la masse d’informations retransmises avec un incontestable talent par Julien Peltier.

Au fond, je prend conscience que ma réticence instinctive vient de ce que cette mise en forme des connaissances disponibles à un moment donné sur un sujet donné – peut-être du fait de la réminiscence scolaire – pourrait prétendre être gravée dans les pixels, à défaut du marbre. Un peu comme s’il s’agissait d’un énorme «Retenons» de 127 pages.

Or Jean-Clément Martin – auquel je ne fais ici nul procès d’intention – dans ce livre, comme dans tous ses précédents, formule des propositions (certes à partir d’une connaissance intime peu commune du sujet «Révolution française»).

Je vais prendre l’exemple de l’année 1793, considérée du point de vue de la place des femmes dans la Révolution.

Comme on le voit l’année 1793 est considérée comme l’année du début du déclin pour les femmes. Ça n’est certes pas inexact, mais la présentation infographique fige et finalement, me semble-t-il, déforme l’information.

Je veux bien que l’on indique parmi cette «chronologie noire» la date du 24 juin (adoption de la Constitution) puisqu’en effet cette constitution ne donne pas davantage de droits politiques aux femmes que celle de 1791. Mais il se trouve que l’acceptation de ce même texte a été l’occasion de nombreuses manifestations féminines et même d’une critique féministe («ce texte que nous avions cru accepter», dit en substance une militante).

De même, l’assassinat de Marat par Charlotte Corday, s’il entraîne d’incontestables dégâts collatéraux pour les femmes est aussi l’occasion d’un mouvement d’appropriation/célébration par les Enragés et singulièrement par la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires. Par ailleurs, je ne m’explique pas l’absence du 30 octobre, date de l’interdiction des clubs de femmes.

Autrement dit, il me semble que l’année 1793 aurait dû figurer à la fois en rouge et en noir (je ne sais selon quel procédé graphique) puisqu’elle voit à la fois l’apogée du militantisme féminin et son interdiction définitive.

Remarque de détail maintenant: comme la nature (et Internet), l’infographie a horreur du vide causé par l’absence de portraits. Aussi, pour pallier ce manque, Jacques Roux et Claire Lacombe se voient représentées par les portraits que l’on trouve le plus souvent sur Internet, sans aucune garantie d’authenticité (un faux portrait n’est pas un pictogramme).

Ces réserves formulées, je ne doute pas que ce livre prenne une place méritée, non seulement dans les centres de documentation des lycées et collèges, mais dans la bibliothèque de toutes celles et ceux qui s’intéressent à la Révolution, assez pour lire ou consulter fréquemment des articles et ouvrages à son propos.

Passé la première découverte, goulue et brouillonne, cette Infographie de la Révolution française a vocation à figurer parmi les «usuels» auxquels on se reporte, à la fois par nécessité et pour le plaisir des yeux et des découvertes connexes inattendues.


NB. Je me permets de reproduire ci-après une autre infographie du livre, qui recoupe et illustre le débat relancé autour de la vidéo Robespierre, un terroriste?

 

Statut de l’ouvrage: offert au tenancier de ce blogue par l’auteur J.-C. M.

Page dédiée sur le site de l’éditeur: Passés/composés

Cliquez sur les images pour les AGRANDIR.

Les scans sont de piètre qualité, je m’en excuse. Le format de l’ouvrage se prête mal à l’exercice sur un appareil de bureau.

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“Charlotte Corday” à Versailles?

11 dimanche Juil 2021

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur “Charlotte Corday” à Versailles?

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Charlotte Corday, Costumes, Prise de la Bastille, Versailles

Quelques beaux objets dans la vente qui a eu lieu aujourd’hui à Versailles, dont un portrait présenté comme étant (possiblement) celui de Charlotte Corday, présentée avec une cocarde tricolore à son bonnet… et qui me laisse perplexe.

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Gustave Hervé ~ De “La Guerre sociale” à Pétain

22 lundi Juin 2020

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Documents»

≈ Commentaires fermés sur Gustave Hervé ~ De “La Guerre sociale” à Pétain

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Charlotte Corday, Front populaire, Gustave Hervé, Marat, Maréchal Pétain, Michel Onfray

Gustave Hervé (1871-1944), fils d’un militaire tôt décédé, membre d’une famille bretonne – et pauvre – de quatre enfants, agrégé d’histoire méritant ; il milite dans le mouvement socialiste où il adopte des positions antimilitaristes et prône, en 1905, la grève insurrectionnelle contre la guerre. Il se défend d’être anarchiste et se déclare «collectiviste» et «marxiste». Collaborateur de la presse socialiste (le Travailleur, L’Humanité), il fonde en décembre 1906 La Guerre sociale où il poursuit sa campagne antimilitariste et anticoloniale. Il est condamné plusieurs fois à des peines de prison ferme.

Il semble que le tournant de sa vie et le retournement de ses positions politiques se situe en 1912, sans que l’on sache le rôle qu’y a joué un énième séjour en prison. Dès la Première Guerre déclarée, il se rallie à la politique d’Union sacrée et créé, en janvier 1916, un nouveau journal intitulé: La Victoire. Il est exclu du parti socialiste en septembre 1917.

La brochure dont je donne des extraits a un titre explicite: C’est Pétain qu’il nous faut !

Le désormais nationaliste y appelle de ses vœux une «république autoritaire à base professionnelle[1]», dépourvue de parlement, dont le maréchal Pétain serait le chef idéal (si par « malchance » ce dernier mourrait trop tôt, le général Weygand ferait une doublure acceptable). Comme cela nécessite une révision de la constitution, il intitule son mouvement «révisionniste» (voir manifeste en bas de page).

La brochure s’ouvre, et c’est en quoi elle nous intéresse ici, sur une critique virulente de la «grande Révolution française», coupable d’avoir répandu dans le monde l’illusion de la souveraineté populaire, laquelle via Marx et la Révolution russe a mené au Front populaire.

Cependant l’opposition d’Hervé à l’héritage révolutionnaire ne va pas jusqu’à la détestation absolue et haineuse pratiquée par les nazis (auxquels il reproche, assez discrètement, leur antisémitisme). Selon lui, «les torrents les plus dévastateurs roulent souvent dans leurs eaux un riche limon. Il suffit de capter leurs eaux pour fertiliser les plaines alentour.» [p. 18; voir illustration]

Le parcours de Gustave Hervé est assez original, même s’il n’est pas le seul à avoir renié un premier engagement à l’extrême gauche, qui n’a pas – chez lui – résisté à l’approche concrète de la guerre, contre laquelle il avait pourtant préconisé des mesures radicales. La Première Guerre a joué pour Hervé (et pour beaucoup d’autres) le rôle d’un rappel au «principe de réalité». Se disant déçu de n’avoir pas été suivi dans sa stratégie insurrectionnaliste, il se serait rallié par dépit à l’armée et au principe hiérarchique qu’elle incarne.

Sans doute, comme le suggère sa notice dans le Dictionnaire Maitron, Hervé a-t-il eu moins d’influence comme soutien de Pétain que comme minoritaire au sein du parti socialiste.

Cependant, ces exemples de confusion, à la fois politique et mentale, doivent être mémorisés, d’autant que d’autres variantes surgissent sans cesse. En témoigne ce qu’un commentateur a qualifié de «parade amoureuse» entre le raciste et néocolonialiste Zemmour et Michel Onfray, le second approuvant la supposé «rigueur» historique du premier, invité à rejoindre un «Front populaire» où se croisent néo-fascistes de la Nouvelle-Droite et contempteurs de Marat et de la Montagne.

Car en effet, si les ingrédients changent, ainsi que les dosages et les étiquettes: des nazis aux fanatiques de Daesh, en passant par le triste Onfray, on commence toujours par récuser la Révolution.

Le «Mouvement Révisionniste» veut répandre partout l’idée d’un «Front Pétain» à substituer au Front populaire.

Cliquez sur les images pour les AGRANDIR.

___________________

[1] L’adjectif évoque les corporations chères au régime de Vichy, mais dans l’esprit d’Hervé, « à base professionnelle, cela veut dire qu’à la place du Parlement souverain d’aujourd’hui, élu par les partis politiques, il y aura un Conseil d’État, représentant les organisations professionnelles de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des grands services publics. » [p. 25]

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Assassinat de Marat: la maquette

30 samedi Mai 2020

Posted by Claude Guillon in «Annonces»

≈ Commentaires fermés sur Assassinat de Marat: la maquette

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Charlotte Corday, Marat

Proposée sous le terme impropre de «diorama» (et avec une faute dans le nom de la victime!), cette maquette (ainsi dénommée par moi faute de mieux) est en vente sur e-bay, sans indications de date ou de provenance. Présentement à Mulhouse, l’objet risque de mal supporter le voyage par la poste… Qui adoptera ce charmant tableau naïf en trois dimensions?

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“Cinq [ou sept] femmes contre le monde” ~ par Margaret Goldsmith

23 lundi Déc 2019

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Bibliothèque»

≈ Commentaires fermés sur “Cinq [ou sept] femmes contre le monde” ~ par Margaret Goldsmith

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Charlotte Corday, Emma Goldman, Féminisme, Louise Michel, Margaret Goldsmith, Rosa Luxemburg, Théroigne de Méricourt, Vera Figner

J’ai fait l’acquisition, au hasard d’une vente de livres d’occasion organisée par les éditions Noir & Rouge, d’un exemplaire d’un livre dont j’ignorais l’existence: Cinq femmes contre le monde, de Margaret Goldsmith. Mon exemplaire a été imprimé en juin 1937, mais c’était déjà la sixième édition.

Les cinq femmes sont Flora Tristan, Louise Michel, Vera Figner, Emma Goldman et Rosa Luxembourg. Ironie: le livre original s’intitule Seven Women against the World. L’édition française, dans la collection «Les vies parallèles» dirigée par J. Lucas-Dubreton chez Gallimard a écarté… Théroigne de Méricourt et Charlotte Corday, probablement jugées suffisamment connues du public français (à tort, au moins pour Théroigne).

L’autrice, Margaret Leland Goldsmith (1894–1971) était une femme brillante, polyglotte et très active (romancière, attachée d’ambassade, traductrice, agente littéraire); on lui connaît au moins une aventure amoureuse avec une femme (elle a publié Sappho of Lesbos: a psychological reconstruction of her life, 1938). Bien que ne pouvant semble-t-il être qualifiée de militante révolutionnaire, elle défend une stratégie féministe anticapitaliste et met en garde contre la régression fasciste, comme en atteste la conclusion du livre, reproduite ci-dessous.

Dirons-nous, une dernière fois, que seul un changement de système social donnera à la femme d’aujourd’hui les prérogatives auxquelles elle aspire. Ceci n’est pas une réalité négligeable. Beaucoup l’ont compris, et voilà pourquoi, féministes intelligentes et logiques, elles préludent à leur nouvelle campagne en se joignant aux groupes militants du parti socialiste. Œuvre de longue haleine, car, dans l’ordre actuel des choses, il serait vain d’espérer une conquête rapide.

Un nouveau et grand danger menace d’autre part les droits et les libertés de la femme: Le Fascisme.

Là où règne la dictature fasciste, la femme – il est inutile de le nier – est ravalée au rang de simple «auxiliaire» du mâle. Moins encore: de machine à enfanter des fils, préparant ainsi indirectement un avenir de guerres et de terrorisme. Sur le champ de bataille politique qui leur reste ouvert, la tâche qui s’impose à tous les féministes, hommes ou femmes, c’est de combattre le fascisme; d’empêcher que cette forme de gouvernement ne réduise à néant l’œuvre accomplie à travers des siècles et des siècles de lutte; d’empêcher la faillite irrémédiable de tous les droits et de tous les privilèges que tant d’êtres humains, tant de femmes surtout, lasses du joug qui les opprime, se sont voués à défendre.

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Visibilité de Charlotte Corday

28 vendredi Juin 2019

Posted by Claude Guillon in «Bêtisier»

≈ Commentaires fermés sur Visibilité de Charlotte Corday

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Charlotte Corday, Guillaume Mazeau, Gwenaële Robert, Marat, Michel Onfray, Olivier Coquard, Pauline Léon, Républicaines révolutionnaires, Vincent Bolloré

Créé en 2001 à l’initiative de Gwen-Aël Bolloré, le Prix Breizh «salue chaque année l’œuvre d’un auteur d’origine bretonne ou ami de la Bretagne». Le Prix Breizh, qui s’intitulait auparavant «prix Bretagne», ce qui on en conviendra pouvait prêter à confusion, est désormais «placé sous le mécénat» de M. Vincent Bolloré (Vivendi, Canal +, etc.).

Il vient d’être décerné à Mme Gwenaële Robert pour son livre Le dernier bain, paru chez Robert Laffont l’année dernière.

J’ignore si Mme Robert a la double qualité d’être «d’origine bretonne et amie de la Bretagne», mais en tout cas elle n’est pas une admiratrice de Marat. C’est son droit. Elle semble admirer beaucoup Charlotte Corday. C’est encore son droit.

Je sais ce que vous allez me dire: «Mais enfin, pourquoi persifler, alors que Charlotte Corday a tout de même assassiné un député élu, ce qui devrait susciter l’admiration de l’anarchiste que tu es?»

Eh! que voulez-vous, on a de ces contradictions! Et puisque vous en parlez, c’est sans doute l’une des raisons de mon agacement: rares sont les admirateurs.trices de Corday qui recommandent ou approuvent le députicide. D’ailleurs savent-elles seulement que Marat était député?

Qu’importe! Ce qui compte, c’est que Marat était un monstre. C’est au moins ce que l’éditeur Robert Laffont nous rappelle dans son prière d’insérer («prière de poignarder» serait plus adapté en l’espèce):

Paris, an II. La France vibre sous le souffle de la Terreur. Jane, une jeune Anglaise cachée dans l’appartement d’aristocrates émigrés, Théodose, un moine qui a renié sa foi par peur de la guillotine, Marthe, la lingère de Marie-Antoinette emprisonnée au Temple, David, le fameux peintre et député de la Convention, ou encore une Normande du nom de Charlotte Corday, tout juste arrivée à Paris… Ils sont nombreux, ceux qui tournent autour du logis de la rue des Cordeliers où Marat, cloîtré, immergé dans des bains de soufre, traque les suspects hostiles aux idées de la République. Il ignore que certains d’entre eux souhaitent sa mort et qu’il ne lui reste plus que trois jours à vivre. Par cette fiction qui nous propulse dans le cœur battant de l’Histoire, Gwenaële Robert détruit l’image sublime et mensongère que David nous a laissée de son ami Marat. Du bout de sa plume, grâce à un dispositif romanesque et à un sens de la reconstitution impressionnants, elle gratte le vernis de la peinture pour révéler la réalité du monstre.

Dans la petite vidéo qui suit, Mme Robert explique que son travail de romancière s’inscrit dans un mouvement plus général qui redonne une visibilité aux femmes dans la Révolution. Il serait plus exact de dire que ce mouvement – dont le regrettable Michel Onfray est la figure de proue médiatique – redonne de la visibilité aux femmes dans la contre-révolution. Je veux dire: non seulement dans la résistance à la révolution dans son cours même, en 1793 en l’espèce, mais dans l’usage contre-révolutionnaire qui en est fait aujourd’hui.

Expliquer que le courage et la sensibilité féminines se sont alliées (chez Corday et d’autres) pour résister à «la Terreur» incarnée par Marat est d’autant plus grotesque que les plus fervents admirateurs et partisans de l’Ami du peuple étaient précisément des admiratrices partisanes, qui lui ont voué un véritable culte: les Citoyennes républicaines révolutionnaires.

Des monstres femelles, probablement!

Ce minuscule incident édito-mondain montre à mon sens qu’il n’y a pas lieu de se réjouir de n’importe quelle espèce de mise en avant ou «réhabilitation» des femmes dans l’histoire. Je l’ai écrit récemment à propos d’une sympathique émission de France-Inter sur Pauline Léon, je le redis ici à propos de cet énième éloge de Charlotte Corday. Il n’existe pas d’histoire «neutre» et pas non plus de «féminisme» ou de «proféminisme» angélique. C’est d’ailleurs le problème originel du féminisme (voyez Olympe de Gouges) qui a retardé et contrarié son expansion durant au moins tout le XIXe siècle (et pas seulement l’incontestable résistance de beaucoup d’hommes). Je ne crois pas que tout soit «bon à prendre» de ce point de vue, ni du point de vue de l’exactitude historique ni du point de vue d’un actuel féminisme révolutionnaire.

Tâchons de ne pas critiquer un livre sans en recommander un autre. Outre l’excellente biographie d’Olivier Coquard (qu’il conviendrait de rééditer), je recommande une fois de plus la lecture du passionnant ouvrage de Guillaume Mazeau, aussi agréable à lire qu’un roman, Le Bain de l’histoire (Champ Vallon).

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Le point de vue de Jean-Clément Martin sur le film “Un peuple et son roi”

10 mercredi Oct 2018

Posted by Claude Guillon in «Articles», «La parole à…»

≈ Commentaires fermés sur Le point de vue de Jean-Clément Martin sur le film “Un peuple et son roi”

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Charlotte Corday, Claire Lacombe, Hébert, Jean-Clément Martin, Louis XVI, Pauline Léon, Pierre Schoeller, Robespierre

Jean-Clément Martin, dont j’ai déjà publié des billets à plusieurs reprises donne ici une longue analyse du film Un peuple et son roi. Je suis fort éloigné de partager tous ses points de vue, mais son texte me paraît utile pour alimenter le débat sur un film dont on espère avec le réalisateur qu’il aura une suite.

Pour ma part, assez déconcerté après une première projection, j’ai décidé d’attendre que le film soit diffusé sous forme de DVD pour en faire une analyse précise (je me suis borné à annoncer la sortie du film en reproduisant l’affiche; la mise en scène publicitaire du lancement rendait superflue tout autre démarche).

NB. Les photos des panneaux exposés place de la République, à Paris, qui illustrent le texte ont été prises par moi. Comme d’habitude, vous pouvez les agrandir en cliquant dessus.

À propos du film de Pierre Schoeller, Un peuple et son roi.

Faire un film à propos de la Révolution française est toujours un exercice à haut risque. Non seulement les événements essentiels s’accumulent et se bousculent, mais leur représentation doit s’accommoder des traditions, toutes polémiques, qui les ont figés dans nos mémoires sous forme de tableaux. Il s’agit à vrai dire plus souvent images d’Épinal, tendance gore, qui ont été décrites, détaillées et discutées âprement depuis deux cents ans, si bien que l’intrigue indispensable au récit proposé, réduite logiquement à quelques protagonistes, se faufile entre les grandes scènes attendues.

Dans cette configuration mémorielle, le réalisateur doit avoir le souci du détail pour éviter les critiques, évoquer les connaissances établies, tout en affichant des positions originales, pour ne pas décevoir tous ceux qui, sachant beaucoup, espèrent un point de vue inédit ! Il faut donner du sens, poser des principes, bref marquer par une lecture personnelle l’image d’une période particulièrement compliquée et surchargée de significations et de symboles.

L’embarras est accru par le traitement nécessaire de la violence. Avec la prise de la Bastille, l’invention de la guillotine, la mort du roi, etc. etc., la schizophrénie nationale s’est nourrie, depuis 1794, de l’opposition entre condamnation des actions sanguinaires et commémoration des actes fondateurs. Faut-il rappeler que les premiers films (de quelques minutes) réalisés, en 1897, sur la période racontaient les morts de Marat et de Robespierre ?[1]

Il n’est pas étonnant que la filmographie de la Révolution française a été, pour sa plus grande partie, marquée par une sensibilité critique envers la Révolution, quand ce n’est pas carrément par des sentiments contre-révolutionnaires. Les travaux de Sylvie Dallet l’avaient montré au moment du bicentenaire[2], pendant lequel les élèves de collège et de lycée avaient été conduits par classes entières pour voir le film en deux parties Révolution de Robert Enrico et de Richard Heffron. Celui-ci s’achevait par l’exécution de Robespierre, hurlant après que le bourreau lui ait arraché le bandage qui tenait sa mâchoire fracassée. Qui a jamais su ce qui est resté dans les imaginations des jeunes spectateurs devant cette tête dévastée, vraie tête de méduse ? Plus que jamais la guillotine et « la terreur » semblaient inévitables. Elles avaient été centrales dans le Danton de Wajda quelques années plus tôt, film habilement organisé autour d’un antagonisme légendaire et caricatural qui donnait une unité de temps et de lieux et identifiait les personnages à des allégories et des principes. Un peu plus tard, le pas de côté avait été fait par Ettore Scola avec son magnifique La nuit de Varennes rendant compte autrement de la Révolution, de manière tout à la fois poétique et réaliste.

Pour toutes ces raisons j’ai toujours de l’indulgence pour Les Mariés de l’An II, de Rappeneau, pantalonnade guignolesque sur fond de guillotine, comme pour Chouans de Broca, clôturé avec l’envol du chouan et de son amante sur un ULM à vapeur, mais qui cassait tous les codes d’une façon réjouissante pour le plus grand plaisir de son auteur iconoclaste (voir l’image du prêtre réfractaire illuminé et dangereux !).

Un peuple et son roi, de Pierre Schoeller, propose une interprétation favorable à la Révolution de 1789 à 1793 en revendiquant l’emploi de la violence politique. On peut et on doit en débattre, mais l’entreprise a le mérite de la clarté. La rupture avec le courant majoritaire des productions cinématographiques est ainsi revendiquée ; reste à savoir si la réalisation a répondu à l’intention et de quoi la revendication est productive.

Vertige de la véracité

Faute de compétences, je ne me hasarderai pas à discuter de l’esthétique du film, de sa mise en scène et du jeu des acteurs ; en revanche, le spectateur que je suis a été séduit par la beauté des images, les clairs obscurs autour des bougies et l’éclat des corps, le souci des costumes et des décors, comme de la restitution des gestes de la vie quotidienne, dont l’essorage du drap sous le pied de la lavandière (sans doute devait-elle, comme me le souffle ma déformation professionnelle, être sur un ponton avec ses collègues au milieu de la Seine, fleuve beaucoup plus sale que celui qu’on voit, mais passons). J’ai été retenu également par la présentation bien venue de quelques grands moments comme la transformation de la salle du Manège en salle de l’Assemblée constituante, en octobre 1789, la fusillade du Champ de Mars en juillet 1791, les Tuileries au soir du 10 août 1792.

Ces scènes emblématiques, parmi d’autres, correspondent à une attention didactique affirmée et louable mais qui n’est pas sans poser problème. Reconstituer, en 2018, la vie en 1789-1794 provoque le vertige. La quête de la véracité est sans fin et sans doute perdue d’avance. Les spécialistes des modes de vie remarquent que montrer des femmes « en cheveux », sans fichu ou mouchoir sur la poitrine, correspond sûrement à l’image que nous avons, nous au XXIe siècle, du « peuple » mais qu’en 1789 les classes populaires étaient désireuses de marquer leurs distances avec les mendiants et les miséreux et que les femmes n’étaient pas habillées de cette façon. L’exhibition des seins date davantage de 1795, quand elle est pratiquée par les « merveilleuses », tandis que, en 1789, les femmes « patriotes » affichaient des tenues plus strictes.

Les érudits ont certainement relevé les citations rapides, et peut-être sans vrai intérêt, de protagonistes qui ne passent que quelques secondes au premier plan, comme le boucher Desnot qui avait coupé le cou du gouverneur de la Bastille et qui avait eu une éphémère popularité. Mais pourquoi faire apparaître l’Enragé Varlet, avec un Cordelier dans un débit de vin, sans l’employer comme un des rares révolutionnaires désireux d’établir l’égalité entre hommes et femmes et sans mentionner, on en reparlera, que des militants authentiques travaillaient à organiser le peuple pour en faire une force politique véritable ?

Une mention doit être faite de l’ouverture : le lavement des pieds. J’avoue que j’ignorais le rituel et que de le voir ainsi présenté est troublant. On découvre ainsi le roi en grand habit se prosternant devant les pieds, déjà lavés, de quelques enfants pauvres, vêtus d’une chemise rouge, à la fois ébahis et révoltés devant le luxe du palais, tandis que la reine et ses amies pouffent en coulisse. Il suffit de faire appel à Wikipédia[3], providence cachée, pour apprendre que le lavement des pieds par le roi remonte au Moyen-Âge, qu’il se pratique selon des habitudes très codées, à Versailles dans la grande salle des gardes, qu’il concerne treize (et non douze comme dans d’autres pays) garçons portant une robe rouge, et que la reine lavait au même moment les pieds de filles – et ce encore jusqu’en 1789[4]. L’incertitude, que je n’ai pas levée, porte sur l’année 1787, le roi ayant été accusé de ne pas avoir respecté cette tradition.

Dans l’ignorance de tout cela, on retient bien entendu le choc visuel de ces enfants pieds nus – thème récurrent du film -, leur chemise rouge faisant écho à la chemise rouge de Charlotte Corday montant à l’échafaud, comme à la cinquantaine de condamnés à mort de juin 1794, habillés ainsi pour participer au complot contre Robespierre accusé de vouloir guillotiner tout Paris ! Le lien entre les enfants et les parricides, ou en l’occurrence les régicides, se fait d’autant mieux que l’un d’eux se déclare sans père ni mère, rejoint l’Oncle, s’impose parmi les insurgés du 10 août 1792 plus tard – est-ce une allusion au Gavroche des Misérables ? Le film ne commence pas par hasard par cette longue séquence annonçant la suite, mais en l’occurrence le réalisme affiché est biaisé par les lectures mémorielles qui s’y greffent, et qui entraînent le spectateur sur des pistes compliquées et contradictoires, quand on en déchiffre les multiples couches.

Plus anecdotiquement, on s’étonne de voir la marche sur Versailles s’opérer sur un aimable sentier campagnard quand on sait que la route Paris-Versailles était parcourue en permanence, jour et nuit, par des courriers et des voitures. Pourquoi, d’ailleurs, avoir installé très inconfortablement ces femmes dans les tribunes de l’Assemblée constituante le 5 octobre au milieu de députés, dont on sait qu’un certain nombre d’entre eux cherchèrent à les séduire, voire les lutiner, illustrant des pratiques remises en cause maintenant ? On s’étonne davantage de voir les femmes marcher avec des faux (et des faucilles si j’ai bien vu) emmanchées à l’envers. Elles avaient des piques, sur lesquelles elles portèrent, au retour à Paris les têtes coupées des gardes du corps tués le 6 octobre, mais elles n’avaient pas ces armes rurales qui identifient davantage les vendéens et les chouans plus tard. On peut se demander d’ailleurs, comment on peut en même temps faucher, avec une faux, et scier, avec une faucille, des céréales ou des herbes dans l’épisode de Varennes, mais ce détail marginal peut rester dans les marges.

Symboles et silences

Avec ces limites, sans doute inévitables, l’intention documentaire est, redisons-le, respectable et son résultat séduisant. Au risque, cela a été dit par d’autres, que la dimension didactique étouffe le film. L’intrigue principale bute en effet sur les tableaux consacrés par la mémoire. Le goût du réel, du concret, de la lumière des corps, s’effacent devant l’évocation des grands moments et des symboles dont ils sont porteurs. Les protagonistes tendent à n’être que des personnages allégoriques. Il est difficile d’être convaincu par l’itinéraire du voleur de poules, ou de montre, libéré par la main du roi sur le chemin du retour de Varennes, devenu insurgé par amour et verrier modèle. La démonstration fait perdre de son épaisseur à la représentation et à l’incarnation.

En découle aussi un autre inconvénient. En voulant suivre le déroulement de quatre années marquées par tant d’événements importants, il était impossible de ne pas faire des omissions, obligatoirement contestables, comme il était impossible de ne pas évoquer rapidement trop de faits, destinant le film à n’être totalement compris que par les bons connaisseurs de la période. Avait-on besoin de voir le roi, qui aurait dû porter la livrée de laquais avec laquelle il fuyait, aider son fils, habillé encore en fille – ce qui semble en revanche faux à ce moment-là – à uriner sur le chemin de Varennes à Paris ? La scène est authentique, elle est notamment relatée par un révolutionnaire important, Pétion, qui rapporte, si mes souvenirs sont justes, que le roi avait déboutonné le pantalon de son fils. Pétion a disparu du film alors qu’il était le délégué de gauche envoyé par l’Assemblée constituante avec deux autres députés pour représenter la Nation dans cette occasion. Paie-t-il, au nom d’une vieille vengeance posthume, le fait qu’il a été Girondin, ami proche de Robespierre avant d’être son ennemi ? J’avoue ne pas comprendre pourquoi cet épisode a été gardé dans le récit.

On peut admettre que le cours de la Révolution – soit pour le réalisateur, la prise de conscience politique par le peuple – aille de la prise et de la destruction immédiate de la Bastille jusqu’à la mise à mort du roi, en passant par la marche à Versailles en octobre 1789, la fusillade du Champ de Mars de juillet 1791, la chute de la monarchie le 10 août 1792, enfin le procès du roi de décembre à janvier 1793. Il manque curieusement les massacres de septembre 1792, résumés dans la formule de l’oncle, ce verrier porte-parole de sa communauté, qui se contente à propos des victimes d’un « paix à leur âme ». Outre que la phrase doit rester bien sibylline pour la majorité des spectateurs, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il aurait mieux valu passer ces massacres totalement sous silence, jeter un voile sur eux comme ce fut proposé par Pétion, plutôt que de les rappeler sous cette forme allusive.

Étaient-ils donc si inévitables et si dérangeants tout à la fois pour qu’ils ne puissent ni être oubliés, ni être traités ? Après tout, les gardes du corps tués le 6 octobre 1789 n’avaient pas été représentés du tout au moment de la marche sur Versailles, comme avait été occulté le sentiment de rejet qui avait réuni à ce moment les hommes de toutes tendances devant la violence féminine – ceci en contrepoint du film.

Pour revenir à septembre 1792, il est le plus important des angles morts qui se trouvent dans ce film ce qui choque d’autant plus que les conséquences de la prise des Tuileries le 10 août 1792 sont montrées avec une audace rare. On reviendra plus loin sur l’organisation de l’insurrection, mais après l’image pleine d’espérance de la petite fille dansant sous la pluie des plumes sorties des lits du château et jetées dans la cour, le choc vient des corps nus étalés sur le sol, rassemblés dans les charrettes et jetés au feu. L’image terrible correspond bien à ce qui s’est réellement passé. On peut passer sur les affrontements à bout portant entre Suisses et insurgés dans les marches des Tuileries, qui prolongent les légendes ressassées depuis 1792. Après une telle image d’Épinal, méchants Suisses contre peuple victime mais vainqueur, le spectateur ressent un haut le cœur devant les cadavres dénudés, qui, ordinairement, sont soigneusement enlevés des récits, au point où le bilan humain du 10 août 1792 n’a jamais été fait de façon précise et systématique ! On comprend que, dans le film, les atrocités, démembrements, émasculations… qui eurent lieu, et qui sont citées par les mémorialistes (dont un certain Napoléon Bonaparte témoin visuel) aient été passées à la trappe ; elles auraient été simplement insoutenables et elles auraient posé crument la question de la violence. Reste le silence de cette séquence inhabituelle.

Est-ce cet indicible qui est figuré dans le pas de deux entre l’héroïne principale, muette, et ce cheval noir, sans bride ni selle, échappé d’on ne sait où, qui se regardent, s’évitent et se cherchent dans un duo énigmatique ? Sauf erreur, ne retrouve-t-on pas ici le cheval noir qui galopait dans le Manège royal précisément quand celui-ci avait été transformé en salle des débats de l’Assemblée ? Faut-il penser alors que 1789, et ses réalisations, a débouché sur 1792, et ses contradictions ? La dimension symbolique du film s’impose ici au détriment du réalisme voulu et conduit à d’autres questionnements.

Les apories du peuple

Le titre du film est en soi un programme : un peuple et son roi postule donc que l’unité populaire se pose en face et au-dessus de « son » roi. Jusqu’en 1789, le roi s’adressait à « ses peuples » parce qu’il savait, avec tous les légistes, parlementaires, élus de toutes sortes des villes, des provinces, des cours souveraines…, que la France avait été composée au fil du temps par des rattachements et des pactes à la personne royale, celle-ci devant respecter les alliances anciennes, assorties de privilèges de toutes sortes. La phrase célèbre parlant des « peuples désunis » que la Révolution a réunis est toujours dans nos mémoires, sonnant comme une victoire éclatante.

Je dois avouer que je n’ai jamais compris que l’on puisse revendiquer la république une et indivisible quand on voit simplement les écarts existants, aujourd’hui encore en 2018, entre les différentes parties de la métropole (et on oublie l’outre-mer), quand on gomme que cette unité a été imposée par la force et la violence et qu’elle n’a été assurée qu’après 1870, enfin qu’elle a été liée au nationalisme le plus étroit, pendant les guerres napoléoniennes d’abord, avant de s’illustrer dans les tranchées de 1914-1918. J’ai toujours eu du mal à concevoir que la gauche intellectuelle justifie cette confusion entre république et nation, d’autant que tous les pays voisins, quand même en démocratie, vivent, plus ou moins bien certes, avec des régions autonomes, que ce soit en Espagne, en Allemagne, en Suisse, en Belgique ou au Royaume-Uni, la liste pourrait être prolongée. Il faudrait s’interroger sur notre crispation nationale à ne pas tolérer qu’une atteinte soit portée, dans les paroles, à cette unicité nationale proclamée qui fait que nous réclamons sans cesse une centralisation du pouvoir « régalien » pour garantir cette prétendue égalité uniforme[5]. Peut-on s’en contenter ?

Le peuple du film est réduit ici à la portion congrue : des familles d’artisans et de manœuvres, autour desquelles s’agrègent des enfants mendiants et un vagabond petit délinquant. Au sens strict, cela renvoie aux définitions courantes du sans-culotte personnage né peu à peu après 1791-1792 pour désigner le peuple parisien porteur de revendications révolutionnaires sociales. En face, si on peut dire, il n’y a guère que les députés, emperruqués (sauf Marat), parlant dans les assemblées, sans que rien ne soit montré de leurs vies, de leurs liens ou de leurs distances avec « le peuple » et plus loin, le roi, immuable, toutes décorations dehors, la reine poudrée, coquette et méprisante. Ici et là quelques belles dames sont aperçues dans les tribunes de l’assemblée, comme une ou deux sont visibles brièvement dans la marche sur Versailles.

Ce dispositif pose de redoutables problèmes. Que « le peuple » soit au cœur de la Révolution est une évidence, mais encore faut-il savoir de quoi on parle et pourquoi, accessoirement, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en 1789, n’évoque « le peuple » que pour rappeler qu’il s’exprime par ses représentants et qu’il existe en tant que « nation » ou « société » réglée par la « volonté générale » (articles trois, quatre et six notamment). En 1793, la Déclaration des Droits est ouverte et fermée au nom du « peuple » mais en liens étroits avec le « gouvernement ». Celui-ci est « institué » (article un) pour garantir les droits de l’homme, sans que l’on sache bien comment la délégation est organisée. Quant à l’article ultime (article XXXV) « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque fraction du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs », reste que le droit à l’insurrection, comme souvent dit, est suspendu à la reconnaissance du viol des droits par le gouvernement ! L’hypothèse est hautement improbable et d’autant moins envisageable que la constitution de 1793 fut suspendue après son acceptation et resta inappliquée par le gouvernement qui s’institua « révolutionnaire » en décembre 1793 supprimant toutes les élections et toutes les représentations !

La fracture entre « peuple » et représentants est marquée tout au long du film. Entre ceux qui parlent et ceux qui écoutent, ceux qui agissent et ceux qui discutent, le fossé semble irrémédiable, sauf à penser que Marat fait un lien, ce que l’outrance vestimentaire interdit. Les députés sont pratiquement tous, Robespierre sans doute moins que les autres, empêtrés dans leurs atours, accablés par leurs perruques. On voit mal comment peuple et députés se rapprocheraient.

Cette présentation est loin de ce qui s’est effectivement passé. Certes Robespierre vivait dans un certain retirement, ce qui ne l’empêcha pas d’être proche d’un grand meneur sans-culotte Lazowski, d’avoir des « gardes du corps » venus des sections, d’être, comme d’autres dont Hébert, sans-culotte notoire, l’idole du « peuple » parisien, dont les femmes. Danton était quant à lui immergé dans son quartier, lié au club des Cordeliers, il avait participé au 14 juillet 1789 avec ses proches, il avait été mêlé aux préparations du 10 août 1792, dont on reparlera, et il avait ses relais immédiats avec la « base » populaire. Le film présente, rapidement, l’imprimeur Momoro qui joua un grand rôle dans les Cordeliers sans que soient précisées autrement sa place et son importance.

Il était certainement délicat de rendre compte de la complexité des rapports sociaux. Comment penser que le riche brasseur Santerre a été un ardent sans-culotte, que le « menuisier » Duplay qui abrita Robespierre était un entrepreneur aisé ? Comment comprendre que les patrons sans-culottes se méfiaient de leurs ouvriers qui réclamaient des hausses de salaire et que, à côté des sans-culottes « canal historique » si l’on peut dire, les Enragés, dont Varlet, déjà évoqué, militaient pour une démocratie directe et pour l’égalité entre femmes et hommes ; contrairement aux députés donc, même si ceux qui sont ici sont couvés par les yeux doux du public. Comment comprendre aussi que le « peuple » parisien se pressait dans les réunions du Cercle social, animées par l’abbé Fauchet et par Condorcet, comme il s’était rendu, contre l’avis des députés, à l’appel des Cordeliers sur le Champ de Mars où il fut fusillé par des gardes nationaux, certes aux ordres de La Fayette, mais issus de la petite bourgeoisie parisienne ? L’oncle s’en désole, il aurait fallu avancer d’un pas.

Avancer d’un pas aussi pour voir qu’entre les gens ordinaires et les députés, un maillage incroyable d’assemblées, de délégations, de comités, d’élections vivifiait toute l’épaisseur de la société. Il n’y eut jamais une coupure entre petites gens et élites politiques, mais continuité compliquée et active. Cette prolifération d’institutions diverses et variées a été étudiée fort bien pour la rive gauche de la Seine par Haïm Burstin, montrant comment des groupes pouvaient s’opposer à leur section, à la commune de Paris et a fortiori aux députés jusqu’en 1794[6]. Des formes de démocratie directe ont été expérimentées suscitant des apprentissages politiques qui nourriront plus tard, entre 1795 et 1799, après 1815, encore en 1830 et 1848 les mouvements « populaires » préparant la république.

Il est ainsi historiquement faux de montrer le départ des insurgés du 10 août 1792 à la lumière d’une torche, partant dans le désordre, quand l’insurrection avait été préparée depuis plusieurs jours par le comité de l’Évêché, que les sections avaient délibéré depuis plusieurs semaines sur la déchéance du roi et que Danton, même Pétion, avaient été mêlés à cette préparation, comme Robespierre d’un peu plus loin. Le 20 juin 1792, l’envahissement de l’Assemblée puis des Tuileries, avait été le fait des sections et des sans-culottes, des femmes et des enfants y avaient participé. L’événement n’est pas cité ici, ce qu’on peut comprendre sans peine. Mais le 10 août est tout autre. On sait en outre que les femmes ne purent pas faire le coup de feu.

Il ne s’agit pas d’un détail érudit. Il s’agit bien de souligner que « le peuple » doit être organisé pour exister, autour de principes, de définitions, de règles, donc d’exclusions. Toute la Révolution a été préoccupée par cette question récurrente qui se traduisit concrètement par la condamnation des « ennemis du peuple » à de nombreuses reprises. La spontanéité révolutionnaire a été l’invention du romantisme.

Accepter les différences

On comprend alors que le réalisateur esquive la difficulté des différenciations sociales qui sont ramenées à l’élémentaire, petites gens/députés/Cour, oubliant l’énorme masse d’une classe « moyenne » et des domestiques et proches des nobles et des riches, participant tous de cette société « métropolitaine » qui marquait alors la capitale. Les étrangers et les provinciaux avaient relevé notamment qu’on ne distinguait guère les maîtresses de leurs servantes, celles-ci portant les robes que celles-là leur avaient données une fois la mode passée, après quelques mois !

On cherche en vain également la présence massive des croyants et du clergé. Une seule femme est montrée se signant frénétiquement. Elle est mise au ban du groupe, d’autant plus aisément que son air renfrogné et son allure compassée l’isolent physiquement des autres femmes aux formes et aux allures généreuses. Faut-il rappeler pourtant que les fameuses dames de la Halle, citée une fois rapidement pour octobre 1789, qui avaient mené la marche sur Versailles malgré la municipalité de Paris et l’opposition des hommes, avaient réclamé et obtenu que Noël 1793 soit fêté religieusement ? Or elles prirent aussi part à la répression conduite contre les femmes « enragées » (autour de Pauline Léon et Claire Lacombe) en septembre 1793, appuyant les motions misogynes des députés et des sans-culottes. Mais les dames de la Halle étaient précisément une force dans Paris, constituées en corporation puissante. Sont-elles du peuple ? de quel peuple ?

Il est ennuyeux de faire croire que le courant déchristianisateur (mot sujet à des réexamens historiographiques actuellement) ait dépassé un noyau réduit de personnes. Si comme René Rémond l’a montré il y a bien longtemps, la Révolution voit naître l’anticléricalisme, reste que Robespierre impose la liberté des cultes, comme l’immortalité de l’âme et mène une politique qui draine autour de l’Être suprême tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’athéisme. Négliger cette dimension ne permet pas de comprendre pourquoi une portion majoritaire de l’opinion se rallie après 1795 au retour du catholicisme romain avant de suivre le concordat voulu par Bonaparte.

Il est tout aussi dommage de montrer Louis XVI décidant d’aller à Paris en signant en tête-à-tête dans son bureau, au calme, sa décision devant le représentant de l’Assemblée constituante dans la nuit du 5 au 6 octobre 1789. Il avait dû recevoir dans la précipitation une délégation de femmes qui avait exigé d’être présentées au roi, qui avait obligé Mounier le président de l’Assemblée à les accompagner. Pendant l’entretien, une déléguée s’était évanouie d’émotion, le roi l’avait réconfortée, lui avait donné un peu d’argent, ce qui avait valu à cette toute jeune fille, au sortir de l’entretien, des accusations sur son honnêteté de la part des autres femmes restées au dehors, au point qu’elle avait dû être soustraite à leur colère !

En gommant toutes ces difficultés, le film assure que l’identité populaire est naturelle, consubstantielle, identifiée aux pauvres – sans doute pas les plus pauvres jamais présentés sauf sous l’image d’enfants isolés. C’est oublier les leçons de Rousseau rappelant que la volonté générale est fondatrice, c’est-à-dire qu’il y a décision d’union, engagement individuel pour faire du collectif et que sans cette assentiment il n’y a pas de peuple constitué. C’est sur ce principe que ceux qui refusent la volonté générale sont exclus et encourent des punitions.

Les débats ont été vifs, depuis deux siècles, sur cette définition du politique, les escamoter en n’abordant la constitution du peuple que sous une dimension instinctive, revient à sortir du « politique » pour bâtir une communauté émotionnelle, incapable de recourir à la représentativité laissée à une élite coupée du reste de la société, incapable sans doute de prendre le recul nécessaire pour que la justice prenne le pas sur la vengeance ?

Ce qui est posé ici est que si la médiation est inévitable, puisqu’il faut des représentants, elle demeure malgré tout illusoire, puisque dans la réalité du terrain, seule compte la proximité charnelle. Dans son précédent film, L’exercice de l’État, le réalisateur avait montré le ministre, torse nu, se livrer à des travaux manuels inattendus à côté de la caravane du chômeur avec lequel il venait de se livrer à des libations désinhibitrices. La confiance dans les vertus du politique n’en sort pas réconfortée.

La sanctification par le sang

Cette régression de la politique réduite à l’adhésion sentimentale s’accompagne enfin d’une légitimation dérangeante de la violence. La fin du film est tout à la fois attendue et surprenante. On connaissait bien entendu le dénouement : l’exécution du roi place de la Révolution, plus tard de la Concorde. Les choses sont en place, y compris le temps pris par le roi pour descendre de la voiture qui l’a conduit avec le confesseur au pied de l’échafaud. Cependant, détail non négligeable, manquent les deux gendarmes assis dans la voiture et dont on connaît l’identité. Leur présence aurait manifesté la force de l’État sur le roi, la crainte d’un enlèvement et l’enjeu considérable de cette mise à mort exceptionnelle, dont les échos durent encore dans toute notre société.

Pourquoi au passage fallait-il donner des chiffres erronés sur le vote des Conventionnels à l’issue du procès du roi ? La marge entre ceux qui votèrent la mort et ceux qui la refusèrent est proche de ce qui est dit, mais pourquoi donc cette approximation ? Alors que les pro et anti alternent à la tribune et sur l’écran, pourquoi gommer les insultes, les crachats et les menaces qui étaient adressés aux députés hostiles à la mort du roi et qui gardèrent, malgré tout, leurs convictions ?

A quelque chose près, les faits bien connus de ce matin du 21 janvier 1793, froid, humide, brumeux, sont respectés. Sauf sur un point essentiel : le public. Si l’on suit les comptes rendus de la journée, Paris avait été littéralement mis sous surveillance depuis la prison du Temple, dans le Marais, jusqu’à la place de la Révolution, une centaine de milliers d’hommes, gardes nationaux, canonniers, soldats, contrôlait toute la rive droite, la circulation était paralysée, le public interdit. Sur la place, quelques dizaines de milliers d’hommes armés avaient été mis en place dès la fin de la nuit. Il ne semble pas possible d’y voir des femmes, des enfants et des vieillards. On sait que des individus réussirent à se procurer des reliques provenant des habits du roi et que certains trempèrent des mouchoirs dans son sang, éventuellement en soudoyant un garde bien placé.

Reste que l’image du sang rejaillissant sur le visage des spectateurs, notamment d’enfants, est une image qui porte une terrible signification : la Révolution pouvait-elle s’accomplir sans cette sanctification par le sang, cette communion mystique dans la mort, la sienne et celle de l’autre, l’égorgement du martyr ? L’allégorie de la sphère en verre parfaite réussie après les tentatives inabouties auparavant, mise en parallèle avec la mort du roi, déconcerte par son simplisme.

Pareille lecture a été imposée par des courants très différents, voire opposés et on s’étonne que ce soit elle qui achève ce film – comme le film Révolution de 1989 cité en introduction se clôturait sur la mort de Robespierre. Relevons que le roi ici meurt avec une constance et une dignité qui avaient été remarquées à l’époque, et ajoutons qu’on ne sait pas si le fameux cri de bête blessée, de Robespierre eut lieu. Le détour est essentiel : les mémoires s’interposent entre les faits et ce que nous en savons.

Les premiers fabricants de la mémoire ont été les Tallien, Fouché, Barras, après août 1794 inventant la Terreur et imposant l’idée toujours partagée que 1789 allait conduire à 1793. Le sang de la Bastille (l’habit rouge des enfants aux pieds nus !) serait donc suivi du sang du roi et des révolutionnaires, tous sacrifiés. Pas de révolution sans sacrifice, ce serait cela aussi que les enfants aspergés du sang acceptent, avant d’aller sur les champs de bataille de Napoléon. C’est la lecture que Joseph de Maistre fait à partir de 1795, théorisant l’expiation de la nation par le sang versé et le rôle incontournable du bourreau. La mort, et le sacré qui s’y attache, donne le sens tragique de la vie, justifiant le peu d’attention porté au politique qui ne se pratique qu’avec ses négociations inévitables, ses compromis et ses compromissions. La guillotine a une évidence qui continue à nous sidérer.

J’ai relevé, à propos d’autres réalisations artistiques, cette sidération qui en est encore et toujours à la base. Le crescendo révolutionnaire qui part de juillet 1789 – merci encore aux républicains de 1880 pour avoir confondu les deux 14 juillet, 1789 et 1790, dans une commémoration habilement ambiguë – ne peut que s’achever les 9-10 thermidor dans l’arrêt de « la Terreur », après que la Révolution a mangé ses enfants, etc. etc. On ne saura jamais ce que Tallien a pu éprouver après avoir baptisé les années 1792-1794 du nom de Terreur. Qui aurait imaginé que le succès serait si complet que personne ne remettrait en cause son dire. Tout le monde y a trouvé son compte : beaucoup étaient excusés d’avoir été subjugués par le « monstre », encore plus nombreux étaient ceux dont la conscience était imprégnée par la notion de sacrifice, héritée du christianisme ainsi que du stoïcisme. Comment vivre sans se sacrifier, ni sans sacrifier ceux qui entravent la justice, le progrès, l’avenir… ? Tallien qui avait précisément su faire le pas de côté pour ne pas être embarqué dans la condamnation de la violence joua sur du velours. Quand cesserons-nous de prolonger sa parole ?

Pour rompre cet enfermement il aurait fallu montrer le roi sous un autre jour. Relevons que la prise de vue est remarquablement faite. Comme le dit l’enfant étonné : le roi est gros. L’acteur n’est sûrement pas le colosse que Louis XVI était – ce qui est rarement rappelé tant on préfère un roi bredouillant, indécis, impuissant (le mot est d’époque) – mais la prise de vue donne cette impression de majesté qui devait certainement naître de la personne du roi, sachant se taire à la Cour comme il savait parler quand il en éprouvait le besoin pour mener sa propre ligne de conduite à sa guise. Qu’il ait échoué dans ses entreprises n’enlève pas les manœuvres dans lesquelles il s’était lancé. Le film oublie ce côté manipulateur en le montrant toujours isolé, muet.

Plus largement, autour du roi, c’est le désert. La reine est coquette, futile, ce qui gomme sa détermination et son engagement proprement contre-révolutionnaires. Les Suisses n’ont eu que ce qu’ils méritaient et le peuple est contre la monarchie. Or la Contre-Révolution a bel et bien existé, les partisans de la royauté, aussi divisés et peu compétents qu’ils furent, pouvaient s’appuyer sur de larges couches de la population, élite et peuple. Ils sont ici, comme dans beaucoup d’autres récits, simplement invisibles, tout comme l’est l’effort monstrueux de mobilisation contre les ennemis présents sur les frontières.

La Révolution est ici réduite aux aspirations de groupes de travailleurs et aux discours des députés. Qui peut comprendre ce qui a eu lieu, qui peut comprendre que les élections de 1795 et 1797 donnèrent une majorité aux royalistes modérés certes, mais royalistes et catholiques ? Quand cessera-t-on de passer sous silence ce qui nous embarrasse dans un récit national qui continue à tourner autour des contre-révolutionnaires comme des ultra-révolutionnaires sans les prendre vraiment en considération ?

Je regrette toujours que l’emploi de la pensée magique pour éviter l’analyse des complexités politiques empêche la compréhension des temps passés comme du présent. Je le regrette encore plus, maintenant, en 2018, en ces temps d’inquiétude devant les terreurs, de commémoration des victimes récentes du terrorisme, d’acceptation de la guerre. Je n’arriverai jamais à accepter que le souvenir de la Révolution entretienne la croyance que l’esprit belliqueux et sacrificateur puisse être une solution politique, je n’y résumerai pas ce film pour autant.

 Jean-Clément Martin

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dans le souvenir de l’Institut d’Histoire de la Révolution française

_______________

[1] https://catalogue-lumiere.com/mort-de-marat/

[2] Notamment La Révolution française et le cinéma, L’Herminier, 1988.

[3] Article « Mandé royal ».

[4] Je remercie Aurore Chéry pour m’avoir fait profiter de son savoir sur la Cour.

[5] Est-ce un signe de voir que France 2 a diffusé le 25 septembre 2018 « Histoires d’une nation » de F. Davisse et C. Aderhold qui insiste sur la mosaïque française en 1870 ? Coïncidence, titre en première page du Monde du 10 octobre 2018 « Santé : des disparités territoriales préoccupantes ».

[6] H. Burstin, La Révolution à l’œuvre, Champ Vallon, 2005.

 

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