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LA RÉVOLUTION ET NOUS

~ le blogue historien de Claude Guillon

LA  RÉVOLUTION  ET  NOUS

Archives de Tag: Vocabulaire

Stéphane Bern & la pipolisation des femmes révolutionnaires

18 lundi Juil 2016

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Bêtisier»

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Éducation, Émission “Secrets d'histoire”, Charlotte Corday, Dames de la Halle, Féminisme, Jean-Clément Martin, Marat, Marche des femmes sur Versailles, Michel Biard, Michel Onfray, Olympe de Gouges, Robespierre, Stéphane Bern, Théroigne de Méricourt, Tricoteuses, Vocabulaire

Capture d’écran 2016-07-18 à 22.17.42

Heureux et heureuses juilletistes, ou simplement distrait(e)s, qui avez « manqué » l’émission de l’inénarrable Stéphane BernCapture d’écran 2016-07-17 à 19.52.48 Secrets d’histoire, consacrée aux « femmes de la Révolution », diffusée sur France 2 le 12 juillet et regardée par 2,4 millions de téléspectateurs, dont j’ai consulté la vidéo pour vous !

Vous n’aurez pas découvert que les massacres de septembre 1792 ont été perpétrés « sous l’impulsion des montagnards, les révolutionnaires les plus radicaux ». Ce qui fait deux bêtises dans un membre de phrase fort court.

Vous n’aurez pas appris que Théroigne de Méricourt a été fessée par des « harengères toutes dévouées à Robespierre ».

Retenons cependant que les harengères (femmes grossières, criardes) sont les femmes du peuple. Desquelles il ne sera pas question, sauf à propos de la marche sur Versailles d’octobre 1789, dont on ne saura rien mais dont on devinera que ce sont immédiatement des héroïnes, ce qui est l’exact contraire de la réalité.

Vous n’aurez pas été ahuri(e)s d’apprendre qu’à un moment (non précisé) « la France était dirigée par Danton, Robespierre et Marat ». Dans quelles conditions ce triumvirat réussit-il son coup d’État ? Nos historiens d’opérette se réservent probablement de nous le révéler dans une émission ultérieure.

Tout de même ! Marat dirigeant la France depuis sa baignoire ? A-t-on précisé au moins qu’il avait été élu, d’ailleurs ? Impossible de m’en souvenir. Mais dirigeant, en tout cas c’est certain.

C’est même trop peu dire.

Et ici, l’impayable Michel Onfray, auteur comme on sait d’une hagiographie de sa meurtrière, précise : « le dictateur absolu ».

Et qu’importe que le malheureux, précisément coincé dans sa baignoire, se soit plaint à maintes reprises que ses collègues ne prennent pas la peine de lire ses lettres en séance… Censuré, méprisé, mais dictateur absolu.

Bref, Charlotte avait raison sur toute la ligne. Elle est d’ailleurs devenue une « icône de la Révolution ». Pas de la contre-révolution, qu’allez-vous imaginez ? Non : de la Révolution.

Ce salmigondis de clichés, de contresens ridicules, d’anecdotes, parfois aussitôt réfutées qu’émises (peu importe, ça accroche la ménagère coco), et de plaisanteries grivoises (un certain Michel de Decker, auteur de biographies froufroutantes, y excelle) s’étale sur une interminable durée.

Émis, il faut le reconnaître, depuis des lieux magnifiques, tous lustres allumés, filmés comme dans Point de vue images du monde.

Et avec un art du découpage grotesque qui subdivise une phrase sans intérêt en trois morceaux, articulés d’un air sentencieux par trois intervenants différents (toujours éviter que la ménagère pique du nez).

La partie « recherche de témoignages actuels » nous vaut d’ahurissantes prestations de descendant(e)s de Untelle ou de Untel, qui ont mis cravates et bijoux du dimanche pour ne rien dire à la TV. C’est au point qu’on a recours le plus souvent au guide de la visite du château, lequel n’en sait pas davantage, mais ânonne de mémoire à peu près correctement.

Il ne manque pas même Jean-Clément Martin, lequel a décidé une fois pour toutes — et quoi qu’il puisse lui en en coûter — d’être le raton laveur des plus improbables casting télévisés d’historien(ne)s de troisième zone habitué(e)s du Figaro.

N’allez pas dire à cet historien de (réelle) qualité qu’il cautionne par sa présence un étendage de niaiseries séculaires, il vous répondra, comme Michel Biard allant récemment donner conférence dans la Chapelle expiatoire de Paris, élevée comme son nom l’indique pour expier les « crimes de la Révolution », qu’il importe de s’adresser à tous les publics… Vieux débat sur l’influence du médium sur le message transmis. Au moins Biard a-t-il le temps d’un exposé cohérent pour s’expliquer, quand Martin se laisse découper en rondelles insignifiantes.

Où mène le prurit de célébrité ! À l’échafaud, parfois ; à la médiocrité, souvent.

Capture d’écran 2016-07-18 à 22.22.55

Ce crâne, présenté comme étant celui de Charlotte Corday, fut exposé en 1889 (Gallica).

Si un collectionneur disposait d’une photographie de celui de M. Stéphane Bern enfant, je me ferais un devoir de la publier.

_________

PS. Bientôt, sur ce même blogue, une autre chronique désabusée (hélas!) à propos des femmes et de la Révolution, concernant cette fois un livre, écrit par une femme, qui plus est !

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“Sans-culottes”: Variation métaphorique et sous-vestimentaire

29 vendredi Avr 2016

Posted by Claude Guillon in «Usages militants de la Révolution»

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Sans-culottes, Vocabulaire

20160428_145842Manifestant anti-«Loi Travail», photographié par moi, hier 28 avril, à Paris.

 

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Robespierre, précurseur du Jihad!… ou quand M. Joxe perd la tête

11 lundi Avr 2016

Posted by Claude Guillon in «Bêtisier»

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Éditions Libertalia, Daniel Guérin, Didier Fassin, Laure Adler, Lutte des classes, Nazisme, Pierre Joxe, Robespierre, Saint-Just, Terreur, Vocabulaire

Le samedi 2 avril dernier, MM. Pierre Joxe et Didier Fassin, l’un ministre de la police en retraite, l’autre sociologue, débattent devant le micro de Laure Adler dans son émission «Permis de penser» [sic]. On parle radicalisation, terrorisme, etc.

Avant que Didier Fassin s’en démarque, dans une mise au point bien venue, M. Joxe — qui semble avoir pris le rôle de «conscience de gauche» naguère dévolu à M. Badinter —, se lance dans une glissade historico-idéologique incontrôlée (entre la 24 e et la 26 e minute de l’émission)

Le monde arabe secrète des terroristes comme la France a secrété des terroristes. Le monde arabe n’est pas plus terroriste que la France de 1793.

Et d’évoquer Robespierre et Saint-Just.

Il serait peut-être charitable de considérer que la seconde phrase de l’extrait reproduit ci-dessus n’a tout simplement aucun sens. En réalité, elle n’a pas de sens direct dans le discours de M. Joxe. C’est une phrase symptôme.

Je rappelle ici, pour les lectrices et les lecteurs nouveaux venus, que je ne suis pas à proprement parler un «robespierriste», au sens où j’admirerais sa politique.

Bien au-delà de la personne et de l’action de Robespierre, il est d’ailleurs utile et inévitable de poursuivre un débat critique sur les conditions d’exercice de la contrainte en période de révolution. Je renvoie à ce propos à la présentation que j’ai faite de la réédition chez Libertalia du livre de mon camarade Daniel Guérin : Bourgeois et bras-nus (à lire sur ce blogue).

Cela dit, mettre un signe égal entre Robespierre, révolutionnaire et homme d’État incontestable par ses qualités, fort contestable par l’orientation de sa politique (éliminer sa droite et sa gauche, c’est-à-dire la gauche sans-culotte, pour aller vite) et des jeunes gens fanatisés qui mitraillent, au petit malheur, en 2015,  le public d’un concert et celui des terrasses de bistrots est un signe de confusion qui confine au gâtisme.

Capture d’écran 2016-04-11 à 16.37.16Dépassons le cas clinique de M. Joxe. J’ai parlé de «phrase symptôme». Symptôme du fait lamentable que la Terreur, phase de la révolution dont je critique et l’inéluctabilité et les modalités, est en passe de prendre la place du nazisme dans l’étalonnage moral des jugements historiques à l’emporte-pièce.

Voilà un procédé d’ignorant qui ne risque pas d’éclairer notre histoire, notre époque, et les choix qu’elle exige.

C’est au contraire l’une des tâches de l’histoire scientifique, laquelle n’est pas «froide» et réserve son objectivité aux faits.

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HAINE DE 1789, DES JUIFS ET DES FRANCS-MAÇONS : “Daral-Islam” ou la nullité pour les Nuls

25 mercredi Fév 2015

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Bêtisier»

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Antisémitisme, Loges maçonniques, Vocabulaire

Libération a eu la bonne idée de mettre en lien à disposition de son lectorat sur le Net le numéro 2 de la revue Daral-Islam au format pdf.

Cette livraison est notamment consacrée (si j’ose dire) à justifier les assassinats de ceux qui « insultent le prophète », et des juifs en général ; elle appelle à suivre l’exemple des assassins de Charlie Hebdo et du supermarché juif.

Il semble que certains « chrétiens », au moins au moment de la réalisation de ce numéro, pouvaient espérer un sursis, dont les coptes égyptiens exécutés par ISIS se seraient contentés. En effet, les rédacteurs écrivent : « Nous appelons les chrétiens à ne plus accepter la domination juive et à accepter la seule religion qui défend les choses sacrées, la religion de tout les prophètes, la seule religion de vérité : l’Islâm[1]. »

À la page 10, figure un article intitulé « L’histoire de l’inimitié de la France envers l’islâm », dont je reproduis un extrait. Après avoir évoqué l’Ancien régime, « une royauté corrompue secondée par un clergé pervers et menteur qui tenait le pays d’une main de fer » et les croisades, les rédacteurs mentionnent une période qui nous intéresse particulièrement.

Après la révolution de 1789 fomentée dans les loges maçonniques, la France s’est trouvée une autre religion tout aussi mensongère et idolâtre que le catholicisme romain : la démocratie et la laïcité. Les élites françaises toujours aussi corrompues et immorales ont continué à combattre l’Islâm au nom, cette fois, du progrès et de la raison lors des guerres coloniales pendant lesquelles la France a envahie et occupée le Maghreb, l’Égypte et, lors de la campagne de Napoléon, une partie du Châm. Des massacres coloniaux ont été commis pendant cette période. Une guerre ouverte contre les lois islamiques a été menée.

À cause de l’emprise de la juiverie usuraire sur la France après la seconde guerre mondiale la France a apporté un soutien sans faille au Sionisme dont le but était d’arracher la terre bénie du Châm, la terre des Prophètes aux vrais croyants pour la donner aux juifs blasphémateurs assassins des Prophètes qu’Allâh a décrit : {Nous les avons maudits) à cause de leur rupture de l’engagement, leur mécréance aux révélations d’Allâh, leur meurtre injustifié des prophètes.} [S. 4 v. 155]. Manuel Valls déclare que les Juifs de France sont l’avant-garde de la République, ils doivent donc mourir en premier dans la guerre qui oppose l’Islâm et le Califat à la France. Cela a été bien compris par les frères Mouhammad Merah et Amedy Coulibaly (qu’Allâh leur fasse miséricorde).

Mentionnons que l’article est illustrée par une photo de M. Manuel Valls ainsi légendée : « Valls, ministre sioniste enjuivé par sa femme ».

Nos malheureux bricoleurs de l’histoire seraient sans doute étonnés d’apprendre que la légende de la Révolution « fomentée par les loges », qu’ils reproduisent comme des scribes ignares, vient en droite ligne d’un ex-jésuite, l’abbé Barruel qui la lança dès 1797-1798 dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme. Pas très fortiche, pour des mecs qui vomissent le mécréant à chaque paragraphe.

Glissons sur l’impasse temporelle qui consiste à établir un continuum, via une « démocratie » doublée d’une « laïcité », également « idolâtres », entre la première République et les suivantes (sans anicroche de détail comme la Restauration). Puisque le critère d’appréciation (de dépréciation plutôt) est une supposée et constante hostilité envers l’islam, on peut bien considérer que si Napoléon perçait sous Bonaparte, le général Bugeaud (ou Massu, pourquoi pas ?) perçait sous Barère, Couthon ou Chaumette.…

Mais au fond, ni la périodisation ni les faits eux-mêmes n’intéressent nos petits reporters du meurtre religieux. Le « complot judéo-maçonnique » leur suffit amplement comme explication de l’histoire et comme justification de la haine de 89, considérée comme origine d’une « démocratie enjuivée », pour paraphraser la formule de la « République juive[2] ». Et sur ce point, ils rejoignent les nazis.

C’est Joseph Goebbels affirmant dans un discours radiodiffusé, le 1er avril 1933 : « L’année 1789 sera rayée de l’histoire[3] ». C’est l’idéologue Rosenberg, déclarant à Paris, le 14 juillet 1940 : « Maintenant, l’ère de 1789 s’achève. Elle a été écrasée par notre marche triomphante sur les champs de bataille de Flandre, du Nord de la France, et de la Lorraine[4] ».

En soulignant ce point de convergence idéologique, je n’entends pas cautionner une notion comme « islamo-fascisme », trop vague métaphore moralisante, plutôt qu’outil ou résultat d’une analyse historique ou sociopolitique.

Pour conclure ces notes, je relève que ni le numéro ni le contenu du verset de la sourate IV (intitulée « Les Femmes ») cités dans Daral-Islam (d’après une version facile à trouver sur Internet) et reproduits ci-dessus ne correspondent à ceux qui figurent dans la version du Coran que je possède, traduit de l’arabe par Kasimirski[5]. Pourquoi priver mes lectrices et lecteurs d’une érudition plurielle ?

« V. 154. Mais ils violaient leur pacte, ils niaient les signes de Dieu, ils mettaient injustement à mort les prophètes, ils disaient: Nos cœurs sont enveloppés d’incrédulité. Oui, Dieu a mis le sceau sur leurs cœurs. Ils sont infidèles ; il n’y en a qu’un petit nombre qui croient. »

Capture d’écran 2015-02-25 à 17.52.25

 _______________

[1] Comme à mon habitude, je respecte la graphie et la mise en forme originale, y compris l’usage désordonné des parenthèses et des accolades.

[2] Voir Birnbaum, Pierre, Un mythe politique : la “République juive” de Léon Blum à Pierre Mendès France, 1988.

[3] Cité dans Bracher, Karl Dietrich, Hitler et la dictature allemande, 1995 (é. o. 1969).

[4] Cité dans Choblet, Marcelle, « La Révolution française dans la littérature d’exil de langue allemande (1933-1950) », Littérature et Révolution française, 1987, p. 136.

[5] Chronologie et préface de Mohammed Arkoun, GF-Flammarion.

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Pourquoi le moteur de recherche de “Gallica” n’aime-t-il pas les «citoyennes»?

25 dimanche Jan 2015

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Conditions matérielles de la recherche»

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« Théorie du genre », «Conditions matérielles de la recherche», Gallica, Méthodologie, Nathalie Clot, Pauline Chougnet, Vocabulaire

Je me trouvais ce samedi 24 janvier aux Archives nationales, à Peyrefitte, pour l’assemblée générale de l’association Mnémosyne, suivie d’une demi-journée d’étude organisée par la même « Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre », dont je suis modeste adhérent de base (l’un des 6 hommes parmi une centaine d’adhérentes [1]). Après un après-midi passionnant et des débats trop courts, présidée avec une grâce compétente[2] par Michelle Perrot, vint la dernière table ronde et son débat conclusif, dirigés par Julie Verlaine.

Allez savoir pourquoi, il me parût opportun de faire une remarque publique et critique sur le moteur de recherche de Gallica, bibliothèque numérique de la BN, lequel, à mon grand dam, fait mal la différence entre le masculin et le féminin. Ainsi, lorsque je tape citoyennes dans le cartouche prévu à cet effet, Gallica m’assène une quantité (voir calculs ci-après) de citoyens, parmi lesquels surnagent des citoyennes, que mes yeux irrités ont du mal à distinguer. Certes, on rencontre parfois un « citoyens de l’un et l’autre sexe », mais j’ai épuisé depuis longtemps le charme pittoresque de la formule.

Or, la recherche de ce mot est un moyen de sondage assez commode et efficace, quoique grossier, dans une masse de millions de documents, régulièrement augmentée. Sachant qu’il y a beaucoup plus d’occurrences du mot au masculin (ce qui s’explique aisément), on mesure le temps et l’énergie gaspillés.

Il ne s’agit nullement d’un défaut qui serait inhérent à tout moteur de recherche, puisque d’autres moteurs fréquentés distinguent le masculin du féminin, et même le pluriel du singulier. Bref, ils tiennent compte de l’objet précis de la recherche, ce dont le moteur de Gallica est incapable.

Deux intervenantes de la table ronde prirent la peine de me répondre.

Nathalie Clot, directrice de la bibliothèque universitaire d’Angers et membre du conseil de pilotage du Centre des archives du féminisme, m’informa de la possibilité d’indiquer le motif de ma recherche entre guillemets, ce qui devait permettre, m’assura-t-elle, « d’alléger [ma] recherche ».

Pauline Chougnet, précisément conservatrice à la Bibliothèque nationale (« département de l’information bibliographique et numérique, pôle sur les données d’autorités ») m’informa de son côté qu’il existe à la BN des « stages de formation à l’utilisation de Gallica ». Sans doute, si j’avais pris la précaution de fréquenter l’un de ces stages, j’aurais appris l’astuce des guillemets, ce qui m’aurait évité de formuler publiquement une critique infondée et de me ridiculiser passablement.

Je précise que cette dernière phrase est de moi, qu’elle n’est pas sortie de la bouche de Pauline Chougnet, et que je ne fais là qu’interpréter le ton, qui m’a paru légèrement condescendant, de sa réponse. Je ne reprocherais à personne de considérer que je verse ici dans une légère paranoïa.

J’espère être cru, cependant, quand j’ajouterai avoir tout particulièrement apprécié les communications, précises, instructives et pleines d’humour, de ces deux intervenantes au cours de la table ronde.

Mais quoi, il ne restait que dix minutes avant de conclure et de quitter en hâte les locaux, plusieurs mains s’étaient levées… je n’allais pas endosser — face à deux spécialistes patentées — le costume du fâcheux obsessionnel. Je me tins coi.

D’ailleurs, si j’étais bien certain, hélas ! d’avoir été contraint dans un passé relativement récent, de visionner des centaines de pages inutilement, au cas où une occurrence de citoyennes se serait dissimulée parmi tant de citoyens, avais-je vérifié le fait, disons dans le mois écoulé ? Eh bien, à vrai dire, non. J’étais bien obligé de le reconnaître. J’étais venu à cette demi-journée d’étude, les mains dans les poches, sans savoir que je prendrai la parole et quelle remarque je ferai. Je n’avais, pour commencer, qu’à m’en prendre à moi-même.

Ça n’est donc qu’aujourd’hui, et après une fort mauvaise nuit (Gallica n’y est pour rien, mais une toux violente et persistante) que j’ai vérifié la validité actuelle du conseil qui m’a été donné.

Pour limiter, autant que possible, les fastidieux décomptes nécessaires, j’ai procédé à un test sur un numéro de la revue d’Alphonse Aulard La Révolution française (le trentième, janvier-juin 1896)

Si je vous encourage à vérifier, je ne peux que vous encourager également à la patience, attendu que la présentation des numéros est fautive (les tomaisons indiquées sont parfois inexactes; j’ai indiqué le lien par principe, ça ne fonctionne pas toujours très bien).

Des résultats intéressants… et déroutants

Lorsque je tape comme motif de recherche, comme c’est mon premier mouvement, citoyennes, sans guillemets, j’obtiens 12 occurrences du mot — au singulier ou au pluriel ; je n’y reviens pas dans la suite, le moteur ne fait pas la différence entre les deux, quel que soit le mot et/ou sa présentation.

Pour la même demande, le moteur me propose, en fait m’impose dans le rectangle à gauche de l’écran 21 occurrences de citoyens (singulier et pluriel).

Si je tape, comme on me l’a conseillé « citoyennes », entre guillemets (ce ne sont pas des guillemets typo qui s’affichent, peu importe), j’obtiens 13 occurrences de « citoyennes ». Je précise qu’une erreur de une ou deux occurrences est sans signification, vu la difficulté à compter en faisant défiler le texte dans un rectangle trop petit.

Je considère donc que j’obtiens le même nombre d’occurrences que je demande citoyennes ou « citoyennes ».

En revanche, le moteur me propose/impose 99 occurrences de citoyens.

C’est presque 5 fois plus (4,7 fois plus) de réponses erronées que lorsque je n’utilisais pas de guillemets.

Le moteur ne me fournit plus que 12% de réponses pertinentes.

Si je tape maintenant « citoyens », au masculin et entre guillemets, le moteur indique 153 occurrences de citoyens, un record… et 4 de citoyennes.

Si je tape, pour finir, citoyens, au masculin et sans guillemets, le moteur indique 152 occurrences (soit le même chiffre que précédemment en tenant compte d’une erreur de comptage) et 4 de citoyennes.

Essayons de nous résumer

a) On peut supposer que le nombre d’occurrences du mot citoyennes, au singulier et au pluriel, se situe dans ce document autour de 12 (pour le vérifier, il faudrait lire l’ensemble du numéro, ce que personne ne fera).

b) On peut également supposer que le nombre d’occurrences du mot citoyens se situe autour de 153.

c) Si je tape le mot féminin demandé sans guillemets, j’obtiens, par hypothèse, le nombre exact d’occurrences, mais « parasité » par presque le double de réponse inappropriées (le mot au masculin).

d) Si je tape le mot féminin demandé entre guillemets, j’obtiens toujours le nombre exact d’occurrences. Mais il se trouve maintenant parasité par un nombre beaucoup plus important (4,7 fois plus) de réponses inappropriées.

À l’inverse de ce que l’on m’a assuré, ma recherche ne se trouve pas « allégée », mais très significativement « alourdie ».

e) Le moteur de Gallica ne réserve pas le même traitement à une demande du mot s’il est indiqué au féminin et au masculin. L’alourdissement ne se retrouve pas pour le mot citoyens. En effet, que celui-ci soit indiqué avec ou sans guillemets, les résultats sont identiques.

Pour paraphraser une formule de Judith Butler, c’est bien ici le féminin qui met le trouble dans le genre !

Je suis bien incapable de proposer une explication.

Rétif aux thèses complotistes, dans tous les domaines, je ne suppose évidemment pas que l’on a programmé le moteur de Gallica pour qu’il « enfume » les malheureuses et malheureux qui font une recherche sur l’emploi du terme citoyennes, et non du terme citoyen.

Il serait intéressant, mais je ne suis pas certain que cela serait éclairant, de vérifier si le phénomène se vérifie avec d’autres termes — ce qui me paraît plus que probable, mais ma réserve de méticulosité fanatique est épuisé pour aujourd’hui !

On retiendra que le moteur de recherche de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France a un sérieux problème avec le féminin, ce qui, de quelque façon que l’on envisage la question, est très regrettable.

Un premier pas, qui ne coûterait rien, n’était à l’amour-propre de quelques-un(e)s, serait de reconnaître l’existence du problème.

__________________

[1] Aucune forfanterie, un étonnement tout au plus, et une incitation de genre à l’adhésion.

[2] Inutile de compulser frénétiquement vos manuels de théologie, la « grâce compétente » ne figure nulle part entre la « grâce suffisante » et la « grâce nécessaire ».

 

Dernière minute

Via Twitter, il m’a été répondu par Gallica (soi-même!) ce 26 janvier. La personne qui a eu l’amabilité de le faire m’a recommandé la chose suivante: aller dans «Recherche avancée» et cocher «Recherche exacte» (case en haut à droite; je précise parce qu’elle se situe en dehors du cadre qui contient toutes les commandes possibles).

J’ai donc testé la recherche de ce type dans la même livraison de La Révolution française. Je retombe sur le chiffre de 12 occurrences de citoyennes. Le nombre d’occurrences de citoyens est légèrement plus faible qu’auparavant (140, au lieu de 153).

Mais, et même sans tenir compte d’une probable erreur dans mon décompte (quelques occurrences de citoyens omises), la différence est minime, la «pollution» équivalente, et le problème entier.

 

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Éducation & dignité : des jeunes filles pétitionnent (1794)

11 samedi Oct 2014

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Documents», «Textes de femmes»

≈ Commentaires fermés sur Éducation & dignité : des jeunes filles pétitionnent (1794)

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1793, Éducation, Caroline Fayolle, Féminisme, Vocabulaire

Je donne ci-dessous le texte d’une pétition conservée aux Archives nationales (F/17/1008/D n° 1652). Elle est adressée à la Convention nationale, fin 1793 ou tout début 1794, par dix jeunes filles, orphelines ou abandonnées par leurs parents, de ces « enfants trouvées » auxquels la loi du 4 juillet 1793 donne le nom, le titre serait-on tenté de dire, d’« enfants naturels de la patrie ». La pétition est renvoyé au Comité d’instruction publique, le 16 nivôse an II [5 janvier 1794].

Le texte original ne comporte que deux alinéas (le second commence à « Illustres représentants ») ; j’ai pris le parti d’en créer deux autres pour faciliter la lecture.

Outre le fait que ce texte me semble peu connu si pas inconnu, il me paraît intéressant dans ses naïvetés d’expression, comme symptôme de l’état d’esprit de très jeunes filles, probablement des pré-adolescentes, après quatre ans et demi de révolution, au début de laquelle elles étaient des gamines, privées de parole.

Dans la première phrase, par laquelle elles se présentent, le premier syntagme utilisé, d’origine juridique, impose le genre masculin : « enfants de la Patrie » (elles omettent l’adjectif « naturels », ce qui permet de renvoyer davantage au chant des Marseillais qu’à une loi de bienfaisance).

La deuxième partie de la phrase semble jouer avec l’expression « sexe faible ». C’est, je pense, une illusion d’optique par anachronisme. L’emploi de l’expression « sexe faible » pour désigner les femmes, avec plus ou moins de distance critique, n’est en effet pas encore établi au XVIIIe siècle (alors qu’il se banalise au siècle suivant ; on le trouve fréquemment chez Fourier, par ailleurs « féministe »).

Je n’en trouve dans ma documentation que deux occurrences. Encore, dans le premier cas, s’agit-il de contester l’idée de la faiblesse du genre féminin, et non de récuser une expression l’instituant. Une oratrice d’une section de Marseille, le 7 août 1793, s’exclame, dans un discours que l’on peut consulter en ligne : « Mais à qui mieux qu’à nous [les femmes] appartient-il d’exciter l’ardeur des braves descendants des Phocéens : ignore-t-on, l’ascendant vainqueur d’un sexe faible en apparence ? »

Dans une pétition de novembre de la même année 93, la citoyenne Derabey, veuve Kolly, parle de « faire grâce […] au sexe faible et soumis aux lois du plus fort ». (Archives parlementaires, t. 78, p. 370 ; séance du 15 brumaire an II [5 novembre 1793].)

Dans notre pétition, les jeunes filles ne s’estiment d’abord « faibles » que provisoirement, et c’est parce qu’elles ne sont pas ou ne s’estiment pas encore en âge de devenir mères. Mais en tant que futures mères, elles portent en elles « le germe des esperances de la Republique ». Voilà certes une vision d’un essentialisme biologique, même si elle justifie une place honorable dans la société.

Mais quelle place ? C’est ici que les pétitionnaires, soit jugent diplomatique de faire preuve d’humilité, soit en sont réellement pénétrées : « Sans vouloir sortir du rang que la nature nous a donné dans la societé ». Cependant, la tournure « sans vouloir » introduit mécaniquement une affirmation, une demande ou une exigence (comme dans la formule populaire « Sans vouloir te commander… peux-tu me passer le pain »). Dans le cas qui nous occupe, l’affirmation qui suit a semblé si vive — probablement au scripteur — qu’elle a d’abord été oubliée, puis ajoutée en marge et sa place marquée dans le texte par une croix : « [Les textes législatifs sur l’éducation] nous ont appris la dignité de notre destiné ».

L’essentialisme n’est plus seulement de nature biologique : les femmes sont reproductrices et éducatrices. Banalité bien limitée et fort critiquable à nos yeux, mais dont les jeunes pétitionnaires, quoique et parce que « enfants de la Patrie », tiennent à rappeler — ça va mieux en l’écrivant et en l’expédiant à qui de droit — que cela ouvre pour elles aussi un droit à l’éducation, source de dignité.

Nota. Il est possible que l’objectif des pétitionnaires puisse être précisé — en croisant la date de réception de leur texte avec les travaux de la Convention sur l’éducation — mais cela excède mes connaissances sur le sujet (je suis bien entendu preneur de toute information complémentaire).

Instruction nationale

Citoyens representans

Vous voyez devant vous de jeunes enfans de la Patrie, dont le sexe faible encore porte en soi le germe des esperances de la Republique, accoutumés jadis a des etudes dignes des siecles de l’orgueil et de la futilité.

Nous rejettons ces alimens funestes à l’humanité, et sans vouloir sortir du rang que la nature nous a donné dans la societé, les instructions qui nous ont préparées au nouveau plan d’education, qui font l’objet de votre paternelle sollicitude, nous ont appris la dignité de notre destiné.

Nous n’ignorons pas qu’un jour penetré des grands principes du bonheur social, la Patrie nous confira le soin de ses enfans pour leur transmettre la science et l’amour de la vertu, et leur en faire gouter les douceurs et les avantages par les exemples multipliés qu’en developpera le tableau des heroines republicaines : nous sommes jalouses de vous en offrir les premices : cette emulation ne peut que vous paroitre louable, nous venons vous prier de la seconder en nous accordant cette instruction que vous nous avez promise[:] etudier l’etre suprême dans ses ouvrages pour lui rendre l’hommage des cœurs qu’il a formés, etudier les lois de la nature pour la présenter toute belle et toute raisonnable, etudier les loix de la Republique pour nous y conformer avec tout le zele de ses vrais enfans, etudier dans l’histoire du monde et des empires les dangers et la difformité du vice, les avantages, et la gloire inseparable de la vertu. Voila de quoi nous mettre a meme d’inspirer a nos enfans ce que nous aurons reçu nous mêmes.

Illustre representans votre zele nous animes et nous ne tarderons pas a vous le prouver des que vous aurez completté l’ouvrage que vous nous destinés, le tems presse, et nous ne cederons jamais le plaisir, et la gloire d’entrer les premieres dans une aussi brillante carriere.

[Dix signatures]

Paris

Lejeune

Mallet

Dobigny

Cousin

Ducrot

Deleus

Dainure [?]

Holtiem [?]

Courtiade

_____________

Je saisis l’occasion de la publication de ce texte pour signaler l’article de Caroline Fayolle, intitulé «Former la “femme nouvelle”. Les débats à la Convention sur l’éducation publique des filles (septembre 1792-décembre 1793)», qui vient de paraître dans La Révolution française, revue électronique de l’IHRF.

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Femen ou «tricoteuses» ?

09 mercredi Juil 2014

Posted by Claude Guillon in «Bêtisier»

≈ Commentaires fermés sur Femen ou «tricoteuses» ?

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Dominique Godineau, Féminisme, Femen, Tricoteuses, Vocabulaire

La rubrique « Bêtisier » offre un florilège de sottises, parfois accompagnées de commentaires, le plus souvent servies saignantes — ce qui ne veut pas dire « crues », tout au contraire.

*  *  *

 Le jour (9 juillet 2014) où trois militantes du groupe Femen comparaissaient devant le Tribunal correctionnel de Paris, accusées d’avoir dégradé des cloches lors d’une action spectaculaire dans l’église Notre-Dame, en février 2013, Julie Graziani « porte-parole d’“Ensemble pour le bien commun”, une association de jeunes laïcs catholiques » publie sur le Figaro.fr, une tribune intitulée : « Procès des Femen : le glas d’un activisme outrancier ? », dont je distrais le passage ci-dessous.

 Les mots en gras sont soulignés par moi.

 Que retiendra-t-on des Femen dans quelques années ? Une curiosité dans la longue histoire des haines antireligieuses et des hystéries anticléricales qui ont régulièrement agité la France, des tricoteuses jacobines égarées au temps de la téléréalité…

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Merci d’indiquer autant que possible la cote actuelle des documents !

18 mardi Mar 2014

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Conditions matérielles de la recherche»

≈ Commentaires fermés sur Merci d’indiquer autant que possible la cote actuelle des documents !

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Archives nationales, «Conditions matérielles de la recherche», Méthodologie, Vocabulaire

Pour certains documents rares et/ou manuscrits, qu’historien(n)es, chercheuses et chercheurs sont amené(e)s à citer, il est d’usage d’indiquer la bibliothèque qui les possède et la cote sous laquelle ils sont conservés. C’est à la fois (en principe) une preuve de consultation du document, et en tout cas le moyen donné aux lectrices et lecteurs d’aller vérifier l’usage que vous en avez fait et de prolonger sa lecture et son interprétation.

Techniquement, une cote est un code. Naguère, ce code, figurant sur des fiches en carton et reporté sur un formulaire de demande en papier, permettait au magasinier de repérer le document dont la consultation était souhaitée dans différentes pièces et étagères. Aujourd’hui, dans toutes les grandes bibliothèques et centres d’archives, ce code doit être entré, via un ordinateur, dans le système informatique de la bibliothèque, et c’est ce système qui transmet la demande à une personne humaine, rémunérée pour aller chercher le document dans les magasins.

Naguère, si vous écriviez sur une fiche de demande aux Archives nationales « F 7 », le magasinier comprenait que vous souhaitiez un document dont la cote commençait par « F7 ». Aujourd’hui, le système ne reconnaît pas les chiffres en exposant. Il ne reconnaîtra pas davantage le code « F7 ». Le code a changé !

Il est essentiel, même si malaisé, de se sortir de la tête l’idée que « la-cote-est-la-même-mais-on-a-modifié-sa présentation ». La cote qui est un code, a changé.

La cote « F10 1292 », par exemple, est devenue « F/10/1292 ». Non seulement il n’existe plus de chiffre en exposant, mais on a introduit des barres obliques. Si vous tenez absolument à reconnaître nostalgiquement dans la cote actuelle les éléments de l’ancienne, dites-vous qu’il s’agit d’une traduction, dans un autre code informatique. L’avantage est qu’il est relativement simple, je dis bien relativement, d’opérer la traduction de l’ancien système dans le nouveau. On y est aidé, pour les Archives nationales, par la dite « Salle des inventaires virtuelle » (voir par ailleurs sur ce blog ce qu’on doit penser de la suppression de la salle réelle), où l’on peut taper dans un cartouche le début supposé d’une cote, le système vous proposant automatiquement les suites possibles.

Une fréquentation rapide des lieux peut donner l’impression trompeuse que le nouveau langage consiste à intercaler des barres obliques, par deux si nécessaire, entre tous les éléments d’une ancienne cote. Erreur. Il existe des cotes comme celle-ci : « F/1cI/12 », dans laquelle le nombre de barres est deux fois moindre que celui des espaces éventuels. C’est comme ça, et le système perd en ces circonstances toute « intuitivité » et n’a rien à vous proposer. À vous de parvenir à la bonne solution… en essayant toutes les combinaisons possibles, avec ou sans barres. C’est fastidieux. Or, en lui vendant un livre ou une revue, le chercheur n’est pas censé fournir à l’acheteur un rébus ou un jeu de piste, mais des informations actuellement fiables. Ce pourquoi je vois mal sous quel prétexte on peut fournir autre chose qu’une cote exacte, immédiatement utilisable pour commander un document, surtout lorsqu’il s’agit de cotes figurant sur des catalogues accessibles en ligne (il y a, hélas ! des cas particuliers de systèmes dans lesquels personne ne se retrouve, à commencer par les malheureux qui s’en servent tous les jours).

J’admets volontiers que nous sommes dans une période de transition inévitable. C’est ainsi que l’on peut trouver dans un même article, par exemple du n° 374 des Annales historiques de la Révolution française, une cote périmée et une cote à jour.

L’atrabilaire que je suis s’agace particulièrement de certaines formes hybrides, comme celle-ci, relevée dans Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, de Haim Burstin (Vendémiaire, 2013) : « BnF, Lb40 1150 ».

La cote est fausse, et depuis un bon moment. Les brochures éditées par le Comité de police de l’Assemblée des représentants de la Commune de Paris se trouvent aujourd’hui sous la cote « LB40-1150 ». En revanche, par compensation ? on a soigneusement « actualisé » l’abréviation classique BN — pour « Bibliothèque nationale » — en traduisant son nouveau sigle commercial BnF, pour « Bibliothèque nationale de France ». Or il n’existe aucun motif de logique typographique pour abrévier ce syntagme en « BnF » au lieu de « BNF[1] ».

Je m’en tiendrai pour ma part à la mention « BN », sans manquer de signaler, si nécessaire, qu’il s’agit dans telle occurrence de la Bibliothèque nationale du Kamchatka, si cette institution existe…

 


[1] Par un heureux hasard, la confusion avec la bibliothèque de Florence est impossible, non que celle-ci ne soit « nationale » — ces prétentieux d’Italiens ont, sous prétexte d’Histoire, plusieurs bibliothèques « nationales » —, mais elle est par surcroît « centrale ». Ainsi la Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze s’abrévie «BNCF». Ouf !

 

* * *

Nouvelles du blog (25 mars 2014) : La Révolution et nous vient de dépasser les 21 000 consultations.

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L’ a-théorie du genre ? Quelle drôle de non-idée !

31 vendredi Jan 2014

Posted by Claude Guillon in «Articles»

≈ Commentaires fermés sur L’ a-théorie du genre ? Quelle drôle de non-idée !

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Association Mnémosyne, Éducation, « Théorie du genre », Féminisme, Joan W. Scott, Lutte des classes, Méthodologie, Prostitution, Robespierre, Vocabulaire

Dans la logique de l’actuelle recomposition/décomposition de l’extrême droite, et dans la suite des manifestations religieuses contre l’ouverture du mariage aux homosexuel(le)s, lors desquelles on avait assisté (en 2013) au spectacle croquignolet de militant(e)s catholiques brandissant des pancartes proclamant « On veut du sexe, pas du genre ! », une nouvelle offensive idéologique vise l’école et les enseignements destinés à prévenir les inégalités entre les filles et les garçons.

 Capture d’écran 2013-01-20 à 17.35.54

J’avais déjà souligné, à propos du slogan ci-dessus rappelé, à quel point la relative banalisation (récente et fragile) des thèmes égalitaristes dans les institutions (droit pénal, école, etc.) provoque ou aggrave un trouble profond d’une partie des populations occidentales face aux questionnements de genre. Particulièrement les personnes pour lesquelles les superstitions religieuses (on me pardonnera ce pléonasme commode) demeurent les seuls cadres de pensée susceptibles de les rassurer devant le vide aspirant de la mondialisation marchande.

Il s’agit aussi dans certains secteurs, et de manière parfaitement délibérée cette fois, d’amplifier le « retour de bâton » (en anglais backlash[1]) contre les avancées du droit des femmes, portées par les féministes depuis les années 1970. On en voit les signes les plus récents aussi bien dans tel manifeste prônant la sanctuarisation de la prostitution à l’usage des hommes (France) que dans les régressions du droit à l’avortement (Espagne).

Lorsque ce pot-pourri de haines recuites et de terreurs archaïques semble manquer par trop de « liant », c’est le vieux fond de sauce antisémite qui reprend du service : le soi-disant humoriste Dieudonné affirme ainsi — sérieusement, hélas ! — que « le sionisme est derrière les mouvement féministes hystériques » (à Alger, le 14 février 2013, voir Liberté-Algérie.com).

Le « genre » ou gender, en américain dans le texte français, est donc devenu une cible, non pas tant d’universitaires bousculé(e)s dans leurs habitudes (il y en a aussi), que d’activistes par SMS semant la panique dans des familles, de préférence ouvrières et d’origine maghrébine, en inventant je ne sais quel apprentissage de la masturbation en classe. Soit dit en passant, ce thème de rumeur et de réprobation panique n’est pas original ; j’ai rappelé dans Je Chante le corps critique[2] qu’il avait coûté son poste à la ministre de la santé de Clinton, Joycelin Elders.

À l’origine et responsable de toutes les horreurs imaginables — et encore d’autres, bien pires ! — serait la « théorie du genre », que l’« on » — le « lobby gay-LGTB », sûrement ; le « lobby sioniste international », qui sait ? — essaierait d’introduire (noter la connotation) dans l’école et dans l’intimité des chères têtes de toutes couleurs.

Je dois dire que la première salve de réactions et dénégations m’a plus que surpris, abasourdi. Tous les efforts semblent porter… sur le mot théorie !

Une thé-o-rie ?! Où ça ? «Je ne l’ai jamais rencontrée», assure avec aplomb Najat Vallaud-Belkacem, en sa qualité bien venue de ministre des droits de la femme.

À ce point du discours de dénégation, on attendrait une rectification sur le mode : « Le genre n’est pas une théorie, c’est un concept ».

J’ignore s’il est venu à l’idée de qui que ce soit au gouvernement d’adopter cette ligne de « défense », mais les conseillers en communication ne sont pas (quoi qu’on en dise) tous des abrutis, et l’effet produit en interne, même sur les animaux domestiques, annonçait la réaction des populations : un éclat de rire général. Suivi de réactions unanimes et plus ou moins violentes sur le thème « Se foutent vraiment d’not’ gueule ! ».

Et en effet, reconnaissons-le, expliquer au journal de 20 h qu’un concept n’a rien à voir avec une notion théorique, n’est pas un exercice facile.

On a choisi une pauvre échappatoire : vous entendrez ainsi répéter sur tous les tons qu’il n’existe pas de « théorie du genre » mais des « études de genre »…

Aussi acculturé et ignorant des subtilités universitaires que soit le public concerné, j’évalue à une part infinitésimale la proportion d’icelui qui ne se dira pas, au moins confusément, dans son for intérieur : « Comment ces gens-là peuvent-ils faire des “études de genre” sans “théorie du genre” ? »

Cette question, qui peut se traduire également par « Ne serait-on pas en train de se payer ma tête? », ne me paraît pas, sur le fond, pouvoir être écartée d’un revers de main.

D’autant que je suis bien convaincu que ce « revers de main » aura été ressenti comme une paire de claques par quelques dizaines de milliers de personnes, que l’on prétendait justement ramener dans le bon sens commun et républicain, un et indivisible.

L’usage du mot « théorie » n’est pas fautif parce que hors sujet, inapproprié, comme la réaction officielle (et pas seulement, hélas !) veut le faire croire. Si je m’en tiens tout simplement à la définition du Petit Robert, une théorie est « un ensemble d’idées, de concepts abstraits, plus ou moins organisés, appliqué à un domaine particulier ». Le genre étant un concept, ou plus précisément selon Joan W. Scott, l’une de ses premières théoriciennes (eh !) « une catégorie d’analyse », il peut faire partie d’une théorie (féministe, par exemple), il n’est pas à lui seul une théorie. Pas de quoi écraser le vulgaire de son mépris !

Il y a heureusement des réponses plus nuancées, qui ne prennent pas leurs destinataires pour des demeuré(e)s. Je pense notamment à une pétition d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg, intitulée : Pour en finir avec les idées reçues. Les études de genre, la recherche et l’éducation : la bonne rencontre*. J’en donne quelques extraits :

 *Je signale [6 février] qu’une pétition reprenant l’esprit du texte ci-dessous, avec des modifications, est désormais disponible à la signature sur Internet en suivant ce lien.

NON, la prétendue « théorie du genre» n’existe pas. Le genre est simplement un concept pour penser des réalités objectives. On n’est pas homme ou femme de la même manière au Moyen-Âge et aujourd’hui. On n’est pas homme ou femme de la même manière en Afrique, en Asie, dans le monde arabe, en Suède, en France ou en Italie. On n’est pas homme ou femme de la même manière selon qu’on est cadre ou ouvrier. Le genre est un outil que les scientifiques utilisent pour penser et analyser ces différences.

OUI, les programmes scolaires invitent à réfléchir sur les stéréotypes de sexe, car l’école, le collège, le lycée sont le lieu où les enseignants promeuvent l’égalité et le respect mutuel, où les enfants apprennent le respect des différences (culturelle, sexuelle, religieuse).

OUI, l’école est le lieu où l’on permet à chacun, par les cours de français, d’histoire, de SVT, d’éducation civique, d’éducation physique, de réfléchir sur les conséquences néfastes des idées reçues et d’interroger certains préjugés, ceux qui ont fait que pendant des siècles un protestant ne se mariait pas avec une catholique, ceux qui font que l’on insulte encore aujourd’hui une ministre à cause de sa couleur de peau, ceux qui font que des petits garçons sont malmenés aux cris de «pédés» dans la cour de l’école, ceux qui font que Matteo n’osera jamais dire qu’il est élevé et aimé par deux mamans, ceux qui font qu’Alice veut mourir car on la traite de garçon manqué, ceux qui créent la haine et la discorde. […]

«Vati liest die Zeitung im Wohnzimmer. Mutti ist in der Küche[3]». Voilà comment les petits Alsaciens apprenaient l’allemand, à travers les aventures de Rolf et Gisela, dans les années 1980. Réfléchir sur le genre, c’est réfléchir sur les effets de ce type de messages.

En permettant aux élèves de se demander pourquoi les princesses ne pourraient pas aussi sauver les princes, en montrant que, selon les lieux et les époques, les rôles des hommes et des femmes ont varié et que l’amour a des formes multiples, les chercheurs, les enseignants et les professeurs des écoles permettent aux enfants, citoyens et citoyennes de demain, de construire un monde plus égalitaire et plus harmonieux.

 

Sans adhérer à l’angélisme citoyenniste et Juleferryste qui imprègne la conclusion du texte, j’apprécie qu’il soit combatif, au lieu de donner l’impression de déplorer un simple malentendu créé par la regrettable ignorance du peuple, dont abusent de pernicieux agitateurs (même si c’est exact, ça ne constitue pas une analyse ni ne peut fonder une riposte).

 

Tant que nous y sommes…

 

Au centre de la question du genre, c’est-à-dire de ce que l’on a appelé longtemps en France les « rapports sociaux de sexe » (c’est bien long !), se trouve la question de l’articulation entre « nature » et « culture ». Il n’y a de « question » qu’intellectuelle ; il s’agit donc d’idées, lesquelles sont maniées, consciemment, ou au contraire de manière innocemment intériorisée, en fonction de théories : théories politiques, théories du langage, théories de la connaissance, etc. Ainsi, l’existence de quelque chose qui mérite d’être désignée comme « la nature » peut-elle être questionnée, et mérite de l’être. Questionner une notion suppose évidemment de l’identifier comme telle, et non comme une donnée immanente, de préférence préexistante à toute pensée humaine. On reconnaît ici le spectre de l’utopie la plus nuisible à la pensée humaine, quoi qu’elle en procède, je veux dire « dieu ».

Cela ne signifie pas pour autant que le questionnement, ou la mise en questions d’une notion vise systématiquement son éradication. Même si ça peut aussi être le cas, et si certaines (re)mises en cause provocatrices peuvent donner l’impression, justifiée dans certains cas me semble-t-il, que tel(le)s « déconstructivistes » de la pensée sont si mal à l’aise avec eux-mêmes, les autres et la condition humaine (comment leur en vouloir ?), que leurs efforts visent à réaliser le même degré de chaos dans le monde extérieur qu’ils connaissent déjà dans leur moi. Tentative pitoyable — et plutôt nuisible pour tout le monde — d’harmonisation dans la souffrance.

Une grande part des questions que la philosophie, l’histoire, la sociologie, l’ethnologie, etc. permettent de poser trouvent leur valeur pour la pensée humaine, non pas dans les réponses qu’elles peuvent produire, mais bien plutôt dans les échanges, les associations d’idées, les découvertes de hasard qu’elles nécessitent et suscitent.

Ce qui compte, surtout si l’on garde présent à l’esprit que l’essentiel de la pensée humaine vise à construire un sens à la vie, individuelle et collective (l’une ne pouvant se dissocier de l’autre qu’au prix de l’autodestruction), n’est donc pas d’ « apporter une réponse » à telle question, mais ce que peut apporter l’examen de la question.

C’est ici que nous rencontrons le concept le plus surprenant qui soit : le concept de concept. Un concept est une idée, je dirais un élément de théorie (désolé !), dans la mesure où il n’a de sens et de valeur qu’autant qu’il s’inscrit dans une théorie, étaye une théorie ou réfute une théorie. Certains concepts de très bonne qualité permettent d’atteindre ces trois objectifs. On les reconnaît au fait qu’ils sont déclarés obsolètes, ayant trop servi (voyez « lutte des classes »), sans que quiconque puisse dire sérieusement par quoi ils pourraient bien être remplacés (voyez « Éric Hazan »).

Le concept est à la pensée ce que le couteau suisse est à la randonnée. Souvent d’importation, il peut coûter cher, et pèse parfois lourd dans le sac. Quant à l’utiliser sans se casser un ongle… Mais si vous n’en possédez pas, vous ferez rire de vous, d’autant plus si vous avez besoin dans la même soirée d’un tournevis, d’une lime à ongle et d’un tire-bouchons.

Le succès n’entraîne pas exactement les mêmes conséquences pour les deux outils. Le couteau ne sera jamais oublié à l’heure du départ. Le concept, lui, passe dans le vocabulaire courant, sans que l’on se préoccupe de son sens exact, de son origine… et de son inventeur(e).

Joan W. Scott s’en plaint amèrement. Le « genre » n’est pas seul concerné, bien entendu. Seul(e)s des doctorant(e)s avides de reconnaissance institutionnelle prennent la peine de signaler[4] en note, dès l’introduction de leur travail, la paternité d’Habermas dans le concept d’ « espace public », que n’importe quel journaliste utilise à longueur de colonnes.

Pour être utilisé, le couteau doit être ouvert (avec les risques sus-évoqués). Pour être utile, le concept se doit d’être « opératoire ». Cet adjectif est dérivé, au XVIIIe siècle, de opérer, du latin operari puis operare : « travailler, accomplir un travail ». L’opération, à partir de operare, s’inspire du bas latin operatorius, « qui opère, efficace ». D’abord d’emploi plutôt négatif — « choc opératoire » au début des années 1900 —, il gagne un sens positif d’efficacité logique au fil du XXe siècle[5]. Un concept opératoire est donc un concept efficace, en tant qu’il permet d’opérer un travail intellectuel.

L’une des définitions du concept de genre donnée par Joan W. Scott est la suivante : « Le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir. Ce serait mieux de dire, le genre est un champ premier au sein duquel, ou par le moyen duquel le pouvoir est articulé[6]. »

Elle évoque, dans un autre texte, l’utilité, notamment en histoire, des questions que le genre permet de poser :

Ces questions mettent en avant des analyses différentes de celles qui essaient de mesurer l’impact qu’ont eu des régimes particuliers ou des politiques publiques sur les femmes (par exemple, la condition de celles-ci s’est-elle améliorée du fait de la Révolution française ou s’est-elle détériorée ?) ; ou encore l’effet émancipateur, lié à l’obtention du droit de vote ou à l’accroissement de la participation féminine au marché du travail, sur la condition des femmes. Elles ne présupposent pas qu’existe une collectivité constante et homogène appelée « les femmes », sur laquelle s’exercent des effets mesurables. Mais elle interroge la catégorie « femmes » elle-même en tant qu’événement historique ou politique dont les circonstances et les effets sont les objets d’analyse. […] Au lieu de réinstaurer les termes naturalisés de la différence (sexuelle) sur lesquels les systèmes de différenciation et de discrimination (le genre) sont construits, l’analyse doit débuter en amont et poser la question de savoir comment la différence sexuelle elle-même est mise en jeu comme un principe et une pratique de l’organisation sociale.

Je renvoie au recueil publié par J. W. Scott en français sous le titre De l’utilité du genre (Fayard, 2012), dans lequel l’extrait ci-dessus figure aux pages 100-101 dans l’article intitulé « Quelques autres réflexions sur le genre et la politique ».

J’ajoute que l’un des deux intérêts immédiatement perceptibles du concept de genre dans la recherche historique actuelle, même s’il ne semble pas combler les attentes plus exigeantes et plus subtiles de Scott, est de fonctionner (le verbe est ici adéquat) comme un laisser-passer, un pass magnétique (dirais-je, si je ne craignais les vagues relents charlatanesques du terme), pour l’étude à nouveaux frais d’événements, de publications ou d’idéologies.

L’autre étant évidemment de déconstruire et réfuter le caractère pseudo-« naturel », ou « divin », ce qui en l’occurrence revient au même, des assignations de rôles sociaux et sexuels — pléonasme : ces derniers sont sociaux comme tous les autres[7] — en fonction du sexe biologique de naissance.

La question, évoquée au début du présent paragraphe, de l’articulation/contradiction entre « nature » et culture pose aussi quelques problèmes d’énonciation pédagogique.

Par exemple — ici les personnes mal disposées sont invitées à se livrer à tel exercice qui leur permet ordinairement de se détendre : respirer à fond, se moucher, effectuer quelques mouvements d’assouplissement… — la théorie (c’en est une) d’origine philosophique et/puis révolutionnaire des « droits naturels de l’homme » (ou de la personne), n’a rien de « naturelle », quoi qu’elle se prétende fondée par la nature…

C’est une vision du monde. Un parti-pris philosophique, au fondement de la République. Et si je devais articuler un « reproche » (parmi d’autres, soyons franc) envers la République originelle, ce ne serait certainement pas de s’être fondée de la sorte, mais de n’avoir pas même retenu les restrictions au droit de propriété (jugé « naturel », comme les autres) que proposait Robespierre. Mais je mets bien sûr des guillemets au mot « reproche » : il serait naïf et inopérant de « reprocher » moralement à la bourgeoisie de n’être pas communiste. Elle n’est pas partageuse, c’est là non son défaut, mais sa « nature », sa caractéristique, son intérêt égoïste.

Ce parti-pris philosophique et politique, il ne servirait à rien de le mettre sous le boisseau. Il se trouve aujourd’hui attaqué plus ou moins frontalement par des minorités politiques et religieuses, les unes et les autres (le secondes peut-être davantage) ayant hélas devant elles d’assez confortables marges de progression. Il importe de le réaffirmer jusque dans le choix des termes. C’est pourquoi je crains qu’un récent communiqué de l’association Mnémosyne (dont je suis adhérent) ne soit maladroit dans le choix de certains de ses termes :

Association professionnelle regroupant enseignant-e-s, chercheurs, étudiant-e-s en histoire des femmes et du genre nous tenons à rappeler que le genre sert tout simplement à décrire comment se construisent les inégalités entre les sexes. L’égalité salariale hommes-femmes, la sexualité, la lutte contre les stéréotypes, la mixité scolaire, ne sont pas « contre nature », et nous continuerons à promouvoir une histoire mixte, un enseignement égalitaire, et la prise en compte du genre.

 

À strictement parler, d’un point de vue historique, « l’égalité salariale hommes-femmes, la sexualité [sic], la lutte contre les stéréotypes, la mixité scolaire » sont bel et bien « contre-nature », comme antagonistes, construits contre l’idée d’une nature, nature « naturelle » de certains écologistes, nature créée par un dieu pour les sectateurs d’un monothéisme (avec toutes les nuances et exceptions afférentes, qui ne changent rien au fond). J’ai souligné d’un sic le terme « sexualité » qui a peut-être été accidentellement privé d’un adjectif qualificatif. Clarifions : l’érotisme est par essence « contre-nature ». Il est tout culture, et avec lui d’ailleurs toute espèce de manière de considérer la dite « sexualité ».

Tout se passe comme si, après les incidents autour du dit « foulard » à l’école d’il y a quelques années, nombre d’excellentes personnes connaissaient un nouveau « mauvais réveil », réalisant que les années de relatif « apaisement » dans la laïcité républicaine, période à la vérité fort courte, entre le milieu des années 1960 et le début des années 1980[8], sont derrière nous et qu’il importe d’inventer de nouveaux réflexes de combat, évalués non seulement sur leur « orthodoxie » théorique mais sur leur efficacité.

Loin de moi l’idée naïve de prôner je ne sais quelle « union anti-sacrée » qui ferait de Mme Vallaud-Belkacem une camarade de combat. La « laïcité » n’est certes pas une valeur-panacée, pas plus que l’ « antifascisme » n’est le meilleur antidote contre la résurgence néo-nazie. Nous savons également que certains partisans de la première frayent aujourd’hui sans complexe avec des fascistes et que l’« antifascisme » a contribué à détruire la Révolution espagnole et à faire ainsi le lit du fascisme européen. Donc, pas de « plus petit dénominateur commun », qui ne mène qu’à se battre sous d’autres couleurs que les siennes et fait le jeu de l’adversaire.

Au moins, si je m’en tiens à l’idée développée dans ce texte, la période présente risque d’être, malgré tout ce qu’elle a par ailleurs d’inquiétant, enrichissante et pourquoi ne pas le dire excitante, par ce que les réflexions et les échanges auxquels nous sommes dors et déjà contraint(e)s nous apporteront, plus que par le rabâchage de vieilles solutions, inopérantes.

Contre toutes les religions et contre toutes les idéologies autoritaires, l’histoire des femmes et du genre, la lutte actuelle pour la complète égalité des droits, sans oublier leur indispensable extension, constituent un axe d’action et de réflexion privilégié.


[1] Titre du livre de Susan Faludi sur le retour de bâton antiféministe.

[2] Chapitre III : « Le corps des femmes : Gestion — Élimination », p. 150.

[3] « Papa lit le journal dans la salle de séjour. Maman est à la cuisine. »

[4] Et ce, préciserai-je tout en étant certain d’être démenti, sans jamais avoir lu l’ouvrage fondateur du maître.

[5] Voir le Dictionnaire Robert historique de la langue française, dirigé par Alain Rey.

[6] « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Cahiers du Grif, Le Genre de l’histoire, 1988, n° 37-38, p. 125-153 (Trad. par Eleni Varikas), p. 143. [Persée].

[7] Je recommande (pourquoi surjouer l’humilité… et puis j’évite d’y « renvoyer » sèchement l’internaute) la lecture de mon texte sur les dits « besoins sexuels masculins ».

[8] Période correspondant grosso modo à celle durant laquelle il fut possible de faire l’amour à la fois sans risquer de donner la vie et sans risquer la sienne propre.

_________

Échos…

Ce texte est relayé par le blog INCENDO, consacré au rapport entre genre et classes.

…et sur Rezo.net

…et sur Inform@ctions

…et là

…et sur le site dédié à la pétition «Les études de genre, la recherche et l’éducation :La bonne rencontre », largement citée plus haut.

 

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Statut des couturières-découpeuses (1781)

30 mercredi Oct 2013

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur Statut des couturières-découpeuses (1781)

Étiquettes

Albert Mathiez, Corporations, Travail féminin, Vocabulaire

Afin de prolonger et d’illustrer la remarque faite — dans la présentation du texte de Mathiez sur les femmes aux armées — à propos du statut social du travail de couture féminin au XVIIIe siècle, je reproduis le dernier texte officiel (1781) concernant la corporation des couturières-découpeuses avant la suppression légale des corporations par la Révolution, dix ans plus tard.

Outre la minutie des dispositions du texte, on notera la féminisation systématique des mots : maîtresses, syndiques, adjointes, aspirantes. On retrouve également « apprentisse », déjà rencontré dans les textes maçonniques.

Le texte est tiré de l’ouvrage de René de Lespinasse, Les Métiers et corporations de la ville de Paris (t. III, 1897, pp. 239-240). L’intégralité est disponible sur Gallica.

Nota. L’auteur résume en note certains des articles ; je les ai réintégrés dans le corps du texte en les indiquant entre crochets.

écusson couturières 

D’azur à des ciseaux d’argent ouverts en sautoir. (Mêmes armoiries que celles des tailleurs d’habits sauf la couleur du champ [fond].

 

Lettres patentes de Louis XVI portant nouveaux statuts pour les couturières-découpeuses, en 19 articles.

1781, 19 février. Versailles.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre… Homologuons lesdits statuts et reglemens contenant 19 articles ; voulons qu’ils soient executés de point en point selon leur forme et teneur, ainsy qu’il suit :

1. Les maîtresses composant la communauté des couturières découpeuses de la Ville de Paris, créée et rétablie par édit du mois d’août 1776, jouiront seules, et à l’exclusion de tous autres, du droit d’entreprendre, tailler, coudre, garnir et vendre toutes sortes de robes et d’habillemens neufs de femmes, filles et enfans ; elles auront aussi, concurremment avec les maitres tailleurs-fripiers, le droit de raccommoder, retailler et recoudre les vieilles robes et autres vieux vetemens de femmes, filles et enfans, pour les personnes qui les leur commanderont et sans pouvoir en faire commerce.

2. Le droit de faire et vendre des dominos pour les bals, à l’usage des hommes et des femmes, appartiendra à ladite communauté, concurremment avec celle des tailleurs-fripiers et exclusivement à tous autres. Lesdites maitresses jouiront aussi, concurremment avec les maitres tailleurs-fripiers, du droit de faire les corps, corsets et paniers baleinés, ainsi que les robes de chambre d’hommes ; et enfin du droit d’appliquer toutes sortes de garnitures sur les robes et dominos, et ce, concurremment avec les marchandes de modes, lorsque les garnitures ne seront pas de la même étoffe que la robe ou le domino ; comme aussi de faire toutes découpures à ce nécessaires et généralement tout ce qui concerne l’état du découpeur.

[3. Défense aux personnes sans qualité de s’associer avec une maîtresse.

4. Défense aux maîtresses couturières de tenir et vendre en leurs boutiques des étoffes en pièces.

5. Les maitresses seront responsables des malfaçons ou infidélités.

6. Les députées chargées de représenter la communauté seront choisies parmi celles qui ont dix ans de maîtrise.

7. Les arbitres seront choisies parmi les maîtresses députées.]

8. La communauté étant composée d’un très grand nombre de maitresses, elle sera régie et administrée par trois syndiques et trois adjointes, lesquelles seront élues de la manière portée par l’edit du mois d’août 1776.

9. Les syndiques et adjointes seront tenues de se trouver les mardis de chaque semaine au bureau de la communauté pour y expédier les affaires courantes ; les délibérations seront portées à l’assemblée des députées le premier jeudi de chaque mois de relevée.

10. Les délibérations qui seront prises dans lesdites assemblées ne seront valables que lorsqu’elles auront été signées par la moitié au moins des représentantes.

11. Il sera distribué pour honoraires et droits d’assistance aux assemblées ordinaires, sçavoir : à chaque syndique et adjointe, deux jetons d’argent de la valeur de quarante sols et à chaque députée un jeton de pareille valeur. Celles qui ne se trouveront pas à l’assemblée à l’heure indiquée ou qui se retireront avant qu’elle soit finie, ainsi que celles qui ne signeront pas les délibérations qui y auront été prises en leur présence, seront privées desdits jetons, lesquels seront partagés entre les présentes.

12. Les maitresses seront tenues, lorsqu’elles changeront de demeure, d’en faire dans la huitaine leur déclaration au bureau.

[13. Les syndiques feront chaque année trois visites, pour chacune desquelles il leur sera dû dix sols par chaque maîtresse.

14. Les syndiques et adjointes choisiront entre elles une syndique-receveuse.

15. Celle-ci devra tenir un registre exact des recettes et des dépenses parafé par le lieutenant de police et vérifié chaque mois par les syndiques.

16. La receveuse rendra compte des deniers et présentera les pièces de dépenses ; le tout sera mis

dans une caisse, sous deux clefs différentes.

17. La receveuse ne fera aucun payement que sur mandement de deux de ses collègues.]

 18. Les aspirantes à la maitrise seront tenues de justifier de leurs bonnes vie et mœurs et capacité pour l’exercice de ladite profession, par le témoignage de deux maitresses non suspectes, et elles ne pourront être reçues qu’à l’âge de vingt deux années accomplies ; pourront néanmoins être reçues dès l’âge de seize ans celles qui auront travaillé en qualité d’apprentisses. A l’égard des filles de maitresses de Paris qui auront travaillé de la profession pendant deux ans chez leur mère, depuis sa réception à la maitrise, elles pourront pareillement être reçues dès l’âge de seize ans, sans brevet d’apprentissage[1].

19. Les brevets ou actes d’apprentissage seront enregistrés au bureau de la communauté, et il sera payé aux syndiques et adjointes trois livres pour ledit enregistrement… Après l’expiration des deux années, les maitresses d’apprentissage seront tenues de certifier au bas desdits brevets ou actes qu’ils ont eu leur entière exécution, sans qu’elles puissent faire remise d’aucune portion dudit temps d’apprentissage, sous peine de 5o livres d’amende.

Donné à Versailles le 19e jour du mois de février, l’an de grâce 1781 et de notre règne le septième.

[Source : A. N., Coll. Rondonneau, AD, XI, 16, pièce 64 impr.]


[1] Nulle part il n’est question de chef-d’œuvre. [Note de René de Lespinasse.]

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