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“Robespierre, les femmes et la Révolution” ~ Introduction

06 mercredi Oct 2021

Posted by Claude Guillon in «Articles»

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Je donne ci-dessous – à destination des personnes qui n’ont pas encore eu la curiosité ou l’occasion d’ouvrir le livre – l’introduction de Robespierre, les femmes et la Révolution (IMHO, 2021).

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Le présent ouvrage s’inscrit dans la suite de mon travail sur le courant des Enragé·e·s pendant la Révolution française, amorcé au début des années 1990 par la publication de Deux Enragés de la Révolution, Théophile Leclerc & Pauline Léon (La Digitale, 1993). L’invitation par les historiennes Christine Fauré et Annie Geffroy à participer à la journée d’études sur la «Prise de parole des femmes pendant la Révolution» qui s’est tenue en Sorbonne le 11 décembre 2004 à l’initiative de la Société des études robespierristes (SER) et de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF) – et dont les actes ont été publiés dans les Annales historiques de la Révolution française (AHRF) en 2006 – a été l’occasion de compléter mes recherches sur Pauline Léon. J’ai par la suite publié un recueil des écrits des Enragé·e·s intitulé Notre patience est à bout (IMHO, 2009 ; deux nouvelles éditions largement augmentées, notamment sur l’activité de Leclerc après 1794, sont parues chez le même éditeur en 2016 et 2021). Je me suis ensuite consacré, aux côtés de Stéphanie Roza et de Jean-Numa Ducange, à l’entreprise d’établissement et de traduction de la biographie de Jacques Roux Curé rouge par Walter Markov, coédité par la SER et les éditions Libertalia[1] (2017).

Mon intérêt pour la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, cofondée par la chocolatière Pauline Léon et qu’elle rallia – avec l’aide de l’actrice Claire Lacombe – au courant des Enragé·e·s m’a amené à vouloir comprendre la formation et la radicalisation des groupes de femmes révolutionnaires. J’ai donc entrepris des recherches sur ce sujet, peu traité dans l’historiographie, si l’on excepte quelques travaux pionniers déjà anciens et souvent mal connus, et de rares publications récentes (Dominique Godineau pour Paris ; Christine Fauré ; et Suzanne Desan en anglais).

Un «blogue historien» créé en 2013, La Révolution et nous, me sert de carnet de recherches et me permet de mettre à disposition le travail de veille effectué sur ces questions.

Ce volume constitue également la première partie d’un diptyque consacré aux femmes pendant la Révolution. Le second volume – Le club et la pique. Femmes révolutionnaires 1789-1793 – traitera de la politisation collective des femmes dans les groupes et sociétés qu’elles ont formées dès l’automne 1789.

Plusieurs raisons m’amènent à étudier le rapport entre Robespierre et les femmes. Une raison historique d’abord : tout indique que le leader Jacobin a joué un rôle déterminant dans l’interdiction des clubs de femmes, en octobre 1793, qui vint sceller pour longtemps – avant le Code Napoléon – la sujétion des femmes dans la société française[2]. Qu’il ne se soit pas agi d’un objectif – conscient, au moins – de Robespierre est un point que nous examinerons en temps utile.

Une double raison historiographique ensuite : ce sujet apparaît comme l’angle mort de toutes les biographies, anciennes et récentes, y compris lorsqu’elles sont l’œuvre d’historiens sérieux et critiques [3] comme Hervé Leuwers et Jean-Clément Martin. Notons en outre que le principal ouvrage qui s’en est proposé l’étude date de 1909. Encore Hector Fleischmann, son auteur, entendait-il livrer «pour la première fois [4] dans tous ses détails, la vie sentimentale et amoureuse» de Robespierre, ce qui n’est pas mon principal centre d’intérêt. Il y eut, en 1938, une autre tentative – plus romancée encore – d’un écrivain dont on a tout oublié, y compris qu’il fut lauréat du prix Renaudot [5]. Et, plus récemment, un opuscule de Mme Jeanine Stievenard, dont la présentation par l’éditeur m’a dispensé de la lecture[6].

Une raison de commodité méthodologique enfin : ayant donné dans ce premier ouvrage toute sa place à Robespierre – et aux femmes (plus ou moins) révolutionnaires qu’il appréciait et·ou utilisait – il me sera loisible de donner la parole aux citoyennes révolutionnaires, et non à leurs ennemis, dans le second.

J’ajoute que, si Robespierre est le personnage central de cet ouvrage, les termes du titre – Robespierre, les femmes, la Révolution – doivent aussi être considérés à égalité dans les rapports complexes qu’ils entretiennent. Ainsi par exemple, l’attitude de Robespierre lors de la marche des femmes à Versailles des 5 et 6 octobre m’intéresse, comme son instrumentalisation des «Dames de la Halle» qui y ont participé – ou de certaines d’entre elles. Mais pour cerner l’attitude d’un homme et ses conséquences, j’ai besoin de décrire le contexte révolutionnaire autrement qu’en quelques lignes convenues. Autrement dit, il arrivera non seulement que nous empruntions les bésicles de Robespierre, mais qu’il nous serve de regard sur les événements et sur les mentalités – au sens d’une ouverture pratiquée dans une canalisation, une chaudière, ou une cuve pour en faciliter la visite[7]. De sorte que si lectrices et lecteurs en sauront, je l’espère, davantage sur Maximilien Robespierre après avoir refermé ce livre, cette lecture leur aura appris au moins autant sur la manière dont les femmes ont été considérées durant la Révolution.

Histoire des femmes, histoire engagée [8]

Je retiens de prime abord un principe que je considère caractéristique d’une méthode scientifique – ce terme s’oppose ici à idéologique et à moraliste ainsi qu’à la succession dans la recherche de modes conceptuelles: sauf s’il a été démontré qu’un concept est erroné et qu’il a conduit à des interprétations fausses, et à moins qu’un concept plus récent (ou redécouvert) ait montré une efficience plus grande (tout en étant exclusif du premier), il est absurde d’y renoncer.

C’est pourquoi j’utilise, entre autres, le concept de «lutte des classes». La plupart des historiennes et des historiens s’en gardent aujourd’hui, affectant de considérer comme scientifiquement acquis son caractère obsolète, au point qu’ils se dispensent même d’en faire mention. Oh ! bien sûr, l’histoire actuelle n’ignore pas toutes les classes sociales, surtout si l’on entend par là des catégories sociologiques dont les rapports conflictuels s’expliquent davantage par une allant-de-soi «nature humaine» – et la bonne vieille psychologie (à feuillage persistant) qui en rend compte – que par des intérêts matériels et historiques antinomiques.

Au XXIe siècle, la vision de classe souffre, comme elle en a souffert au XVIIIe siècle, d’un problème d’accommodement : on n’y distingue plus le prolétariat (— En Chine ! dites-vous) tandis qu’on affirme qu’il était impossible à discerner en 1793. Naguère pas encore tiré du néant, déjà disparu… Ça n’est pas la bourgeoisie qui se laisserait réduire ainsi au rôle d’ectoplasme ! elle, dont la présence toute naturelle se laisse constater, réconfortante, telle la rosée du matin…

Pour réfuter une «explication» par la lutte des classes, rompant ainsi avec la discrétion de ses collègues, Timothy Tackett écrit dans son essai sur «la Terreur» – en réalité une énième histoire de la Révolution, à laquelle l’étude de la «terreur» sert de fil rouge [9] :

 Il semble maintenant clair que le déclencheur [litt. : l’impulsion directe] des événements de 1789 ne vint pas d’une lutte idéologique ou d’une lutte de classes, mais d’une crise financière et fiscale de la monarchie française, et que cette crise était avant tout le produit d’une lutte géopolitique dans laquelle la monarchie s’était engagée elle-même.

J’ignore si quelque auteur a cru voir dans la lutte des classes le déclencheur, l’impulsion, l’étincelle (comme on voudra) de la Révolution française. Je me contente de l’analyser comme un de ses moteurs, ce qui ne me gêne aucunement pour prendre en compte les éléments de contexte que Tackett énumère.

L’étonnant succès de librairie d’Une histoire de la Révolution française (2012), dont l’auteur Éric Hazan a joui d’une réputation flatteuse (et surfaite) de spécialiste des insurrections passés et à venir [10], a montré qu’une interprétation de la Révolution allégée du concept de lutte des classes (comme on retire le sucre ou le gluten d’un aliment industriel) – et même des classes en général, puisqu’il n’aurait existé en 1789 ni bourgeoisie ni prolétariat! – peut séduire un public « de gauche » en mal de références historiques et émotionnelles. L’auteur a surtout affiché le grand dénuement théorique dans lequel l’a plongé cette opération, dont ses conseillers historiens « robespierristes » ne l’avaient sans doute avisé ni des motivations ni des conséquences [11]. Empêché d’analyser le robespierrisme comme maximum de la politique sociale bourgeoise, Hazan se trouve incapable d’expliquer l’élimination de l’extrême gauche cordelière et enragée, dont il ne peut que déconseiller la réitération (ou son équivalent) aux révolutionnaires du futur, leur laissant un pense-bête à la Saint-Just sur la porte du congélateur : «Ne laissez pas glacer la Révolution!».

C’est encore pourquoi j’utilise le concept d’«inconscient» et certains outils forgés dans la pratique analytique. Reconnaissons aux spécialistes de l’histoire davantage d’ostentation à ce propos : ils et elles ne manquent jamais de préciser qu’ils y sont hostiles, qu’ils en sont revenu·e·s, pour autant qu’ils s’y soient jamais égaré·e·s [12]! Le même conférencier qui s’excuse d’avoir oublié le texte de son intervention dans sa voiture (dont il a égaré les clefs) qualifie de ridicule l’idée que les clubistes Jacobins ont pu accumuler des actes manqués, voire développer des névroses. Telle historienne – d’ailleurs talentueuse – récuse le freudisme dans un sourire, avant d’insister longuement sur l’importance en histoire de «l’estime de soi», concept qu’elle juge apparemment mieux établi et plus précis que celui d’inconscient.

Il faut reconnaitre que certains ouvrages biographiques sur Robespierre inspirés par la psychanalyse ont donné une image mécaniciste et assez infantile (un comble!) de la psychanalyse appliquée à l’histoire[13]. Cela ne signifie pas que toutes les hypothèses de leurs auteurs soient sans fondement, mais que la recherche univoque « dans les blessures de l’enfance et de prétendues humiliations parisiennes ou arrageoises [des] raisons d’une colère et de certains choix politiques[14]» donne d’aussi piètres résultats que l’application du marxisme par une police politique.

Je vais être aussi précis que possible : lorsque Robespierre entreprend, à l’automne 1793, de déconsidérer les Enragé·e·s et de saper leur influence sur la sans-culotterie parisienne – ce qui passe par la fermeture de la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires, laquelle mènera, je l’ai dit, à l’interdiction de tous les clubs de femmes – il choisit une conduite politique, certes critiquable, mais apparemment rationnelle. Lorsqu’il écrit dans ses carnets, et dans le calme de son cabinet, à propos des mêmes militantes Républicaines révolutionnaires «Elles sont stériles comme le vice», il exprime non plus un point de vue politique mais une angoisse haineuse et archaïque devant des femmes qui, à ses yeux, refusent d’être mères et se signalent par là – et par leur insubordination à sa politique – comme «vicieuses». Ce cri du cœur ne peut être compris autrement que comme manifestation d’un caractère et d’un inconscient blessés, et symptôme d’un rapport pathologique au sexe et au féminin. De ce fait, il relève évidemment de la psychanalyse et éclaire la politique de genre de celui qui le jette sur le papier.

Nous voici au clair sur des matériels intellectuels que je n’entends pas abandonner aux poubelles de l’historiographie. Faut-il alors, ces outils en mains[15], retenir le fameux concept d’« histoire par en bas », traduction (insatisfaisante) de l’anglais from below ? Georges Lefebvre, à qui on en attribue parfois – à tort – la paternité, a décrit ce «point de vue» comme une condition de «l’histoire sociale», dans un hommage à Albert Mathiez, rédigé à l’occasion de son décès (25 février 1932).

Si comme il me paraît probable, les historiens de l’avenir donnent une place de plus en plus grande à l’étude économique et sociale de la Révolution, s’ils se décident à regarder les événements d’en bas et non plus seulement d’en haut, ce qui est la condition même de l’histoire sociale[16], Mathiez leur apparaîtra [etc.].

La même année, et à la même occasion, après avoir lu – comme il le précise – l’article de Georges Lefebvre, son quasi-homonyme Lucien Febvre en appelle à ceux qui poursuivront l’œuvre de Mathiez et «donneront cette histoire révolutionnaire qui nous manque toujours : histoire de masses et non de vedettes ; histoire vue d’en bas et non d’en haut ; histoire logée, surtout, dans le cadre indispensable, dans le cadre primordial des réalités économiques [17].»

C’est beaucoup plus récemment qu’Edward P. Thompson a théorisé le concept dans un article éponyme – « History from below » – publié en avril 1966 dans le supplément littéraire du Times (son maître-livre, The Making of the English Working Class date de fin 1963).

L’inconvénient de ce point de vue est que si l’on regarde «d’en bas», il semble bien que l’on regarde vers le haut, ce qui est encore une vision biaisée. Ce paradoxe n’a pas échappé à l’historienne du genre Karen Offen qui propose une autre formule :

Étudier l’histoire des féminismes signifie mettre le passé à l’épreuve, non pas du haut en bas, non pas de bas en haut, mais sens dessus dessous ; s’attaquer sans détour […] au noyau sociopolitique des sociétés humaines – les relations entre les sexes ; examiner ces moments où des fissures s’ouvrent dans l’écorce des arrangements patriarcaux [18] […].

Sens dessus dessous. Ne risque-t-on pas à adopter cette consigne, qui a quelque chose de stimulant, pour ne pas dire de subtilement érotique, de susciter un léger vertige dans le public éclairé ? La référence sexuelle n’est pas – hélas ! – hors de propos : les historiens mâles – longtemps un pléonasme – pour peu qu’ils se soient préoccupés des femmes dans l’histoire se sont souvent bornés (hormis pour telle impératrice philosophe) à regarder sous leurs robes [19].

Il existe cependant d’autres équivalents de l’«histoire par en bas», qui ne présentent pas le même défaut de perspective et n’encourent pas de reproche sexiste. J’en trouve deux, mentionnées par Marcus Rediker, historien de la piraterie, dans un entretien précisément consacré à cette question [20]: «histoire populaire» et «histoire radicale». L’expression «histoire populaire» a sans doute été pour beaucoup dans l’énorme succès d’Une histoire populaire des États-Unis de Howard Zinn (Agone, 2003) puis dans celui d’Une histoire populaire de la France de Gérard Noiriel (Agone, 2018). On la retrouve en sous-titre du passionnant livre de Michelle Zancarini-Fournel : Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours (Zones, 2016). Histoire populaire donc, pourquoi pas ? C’est assez dire que l’on ne s’intéresse pas qu’aux batailles, aux alliances de cours et aux vicissitudes de l’exercice du pouvoir, mais aussi, voire d’abord, à la vie du plus grand nombre et à ses aspirations. Cependant, si l’expression peut être adéquate à tel ouvrage, et contribuer légitimement à assurer sa diffusion, elle me semble paradoxalement un peu étroite d’un point de vue méthodologique. L’«histoire sociale» qu’évoquait Georges Lefèvre me conviendrait mieux. Quant à l’«histoire radicale», je craindrais qu’elle n’évoque davantage dans l’esprit des lectrices et des lecteurs un point de vue idéologique qu’une étude des phénomènes «à la racine». Je m’en rapprocherai toutefois, au risque de paraître abandonner toute prétention au sérieux et à la hauteur de vue, en précisant que la recherche historique que je pratique est une recherche «au ras des pâquerettes», expression d’ailleurs poétique, dont j’ôte tout ce qu’elle peut avoir en français de péjoratif.

La belle formule de Walter Benjamin sur «le saut du tigre dans le passé», félin qui sait – comme la mode ! – «flairer l’actuel niché dans les fourrés du passé» ne doit pas faire illusion. Tigre de papier, l’historien révolutionnaire est omnivore (il ne se borne pas à retenir ce qui peut «servir» sa thèse) et sujet aux métamorphoses modestes : plus souvent rat de bibliothèque que fauve en liberté «sous le ciel libre de l’histoire[21]».

En effet, qui écrit l’histoire des femmes se doit de prendre en compte les archives les plus minuscules, les plus anodines, éparpillées, ignorées jusqu’ici ou au contraire invisibles à force d’avoir été mille fois dépouillées. Ce qui devrait être, semble-t-il, une précaution scientifique ordinaire pour les chercheuses et les chercheurs s’impose comme une contrainte concernant l’histoire des femmes [22].

Il n’est pas inopportun de signaler un contre-exemple époustouflant : je veux parler de l’avant-propos de l’essai précisément consacré à Robespierre par M. Marcel Gauchet [23]. L’auteur y annonce que «le matériau principal de l’enquête est fourni par le discours robespierriste lui-même. Toutes les références vont aux Œuvres complètes […]. Les dates permettent de se reporter aisément à la source. […] Les débats des assemblées sont cités, selon l’usage, d’après les comptes rendus du Moniteur ou des Archives parlementaires.»

Se référer aux volumes des Œuvres complètes de Maximilien Robespierre publiés par la SER est impeccable[24]. C’est même, on le verra, un argument paradoxal contre certains robespierristes. En revanche, faire comme si ces volumes étaient publiés par ordre chronologique – et non par catégories : «discours[25]», «journaux», «œuvres judiciaires», «correspondance», etc. – ce qui rendrait «aisé» de se reporter aux sources, voilà qui est d’un professeur peu soucieux de soumettre son travail à la vérification critique et non d’un scientifique. Quant à l’«usage» qui voudrait que l’on reproduise les débats d’après le Moniteur et les Archives parlementaires sans jamais citer dates, pages et numéros (et sans comparer les deux sources), qu’aucun·e étudiant·e ne s’en autorise pour l’imiter : c’est une invention opportuniste. Nous avons affaire ici non à une «monté en généralité», privilège accordée par entente tacite aux historiens vieillissants, éloignés de leur soutenance de thèse (ce sont leurs étudiant·e·s qu’ils envoient aux archives), mais à une montée en désinvolture, par rapport au public et par rapport aux sources.

Dans les sciences humaines, une analyse doit toujours s’entendre «jusqu’à preuve du contraire» et «en attendant mieux». C’est donc en attendant mieux que dans le débat sur le type d’histoire – ci-dessus rapidement esquissé – je m’en tiendrai à une expression qui peut paraître désuète: une «histoire engagée[26]». Je veux dire une histoire qui assume sa destination politique et sociale, sans se laisser instrumentaliser par quelque idéologie que ce soit – par un·e historien·ne qui assume ses propres engagements.

Quant aux miens et pour m’en tenir d’abord à la Révolution française, il me paraît irrecevable de la décréter «terminée». En effet, inviter à penser cela c’est reprendre à son compte le programme de la contre-révolution, maintes fois exprimé dans le cours même de la Révolution, et ce dès l’automne 1789, et plus nettement encore par Antoine Barnave, à la mi-juillet 1791. Ensuite parce que la Révolution, à l’échelle de la vie d’une société, pour ne rien dire de celle d’une espèce est extrêmement proche de nous dans le temps, à rebours du sentiment subjectif fondé sur la durée de vie individuelle. Enfin, et sa proximité n’y est pas pour rien, parce qu’elle n’a pas produit tous ses effets: la qualité et l’inventivité des écrits théoriques et des pratiques d’exercice de la souveraineté populaire, est en soi un exemple roboratif pour notre présent (et celui des générations à venir). Il n’est que de voir les nombreuses références «d’inspiration», voire d’autorité [27] qui lui sont faites dans les mouvements sociaux des dernières décennies, notamment le mouvement dit des « Gilets jaunes » (2018-2019).

Sans m’attarder ici sur ce que pourra être la prochaine révolution [28], je veux dire qu’elle sera à mon sens – en France au moins – une «révolution sans bagages», ayant pris ses distances avec l’héritage idéologique des XIXe et XXe siècles et retrouvant plus ou moins «spontanément [29]» l’expérience originaire de 1789-1793.

Étudier la Révolution française, après plus de deux cent trente ans, sans se borner à la satisfaction de compléter une histoire érudite, c’est aussi refaire une lecture critique – avec les outils et les perspectives du présent – des fondamentaux de l’aspiration à l’égalité (y compris entre les genres et les âges) et à la liberté dans l’organisation des sociétés humaines.

Avant d’entrer dans le vif du sujet je voudrais faire mienne la sage résolution de Claude Mazauric présentant la réédition des Œuvres :

Il nous faut demeurer modeste et savoir que nous ne savons que peu de choses. Du moins tiendra-t-on pour nécessaire de ne négliger aucun témoignage, aucune donnée, aucun énoncé de la part de Robespierre qui puisse nous permettre de construire un récit approché et crédible[30].

J’ajouterai à ce qui retiendra mon attention ce que Robespierre n’a pas dit et ce qu’il s’est dispensé de faire, puisqu’aussi bien la vérité d’une politique et d’un homme se lit au moins autant dans ses lacunes et ses abstentions que dans ses actes et ses écrits.

Robespierre et les femmes

Il y a dans cet énoncé comme une promesse égrillarde que seuls, à ma connaissance, Fleishmann et Nabonne – évoqués ci-dessus – ont plus ou moins assumée comme telle. Si je n’entends pas les suivre sur ce terrain, il me faut affirmer d’emblée que, contrairement à ce que pensent aujourd’hui la plupart des historiens des deux sexes, dans leur rejet de la psychanalyse, ce que j’appelle la « politique de genre » de Robespierre, par analogie avec sa politique de classe est évidemment aussi le reflet de sa relation aux femmes.

Certes, un homme peut considérer les femmes comme des égales en droit sans les désirer, c’est même une qualité communément attribuée à de nombreux homosexuels. Par contre, un homme qui envisage le sexe féminin, en tant qu’organe génital et·ou zone érogène, comme une source de danger et de malpropreté, physique et·ou morale, a peu de chances de considérer autrement qu’avec méfiance le sexe féminin comme groupe social (ceci est un euphémisme).

Politique de genre, ou autrement dit : Quelle place Robespierre reconnaît-il aux femmes dans la société ? Quelle attitude manifeste-t-il à leur égard dans des situations précises ? Comment ses positions – scripta et acta – peuvent-elle être évaluées par comparaison avec celles d’autres écrivains, d’autres publicistes (les journalistes d’alors), d’autres révolutionnaires de son époque – femmes comprises ?

Ernest Hamel, hagiographe de Maximilien s’offre le luxe de juger, à demi-mots, quasi exagérée l’estime de son héros pour les femmes. À propos du discours de réception de Mlle de Kéralio à l’Académie d’Arras, qu’il a rédigé et lu, et dans lequel – nous allons en reparler dans le premier chapitre – il prône une complémentarité intellectuelle des deux sexes, Hamel écrit :

Nous n’avons pas à examiner ici jusqu’à quel point il pouvait avoir raison, mais, par l’analyse de son curieux discours [sic], on comprend mieux le prestige qu’il exerça toujours sur les femmes, et l’on se rend suffisamment compte de son chaste penchant pour elles. (Hamel, 1865, t. I, p. 61)

Il existe deux arguments de plus ou moins bonne foi – et articulés entre eux – pour justifier de ne traiter ni des rapports érotiques éventuels de Robespierre avec les femmes ni de sa politique de genre. Le premier, essentiel, consiste à déplorer une documentation lacunaire. Or autant celle-ci peut excuser de passer rapidement sur la vie ou l’absence de vie «amoureuse» du personnage, autant elle ne saurait dispenser d’étudier son attitude politique vis-à-vis des femmes, puisque pas moins de douze volumes de textes de sa main (ou à lui attribués) sont à notre disposition. User de cet argument suppose de considérer que le sujet « Robespierre et les femmes » renvoie uniquement à «l’homme privé», selon la malheureuse formule endossée par Hervé Leuwers (2014, p. 59 [31]), dans une biographie qui apporte par ailleurs des documents précieux sur son activité d’avocat à Arras. Une page suffira donc à évoquer cet aspect de la vie de Robespierre, dans un livre qui en compte plus de quatre cent cinquante. Le second argument, subsidiaire, le plus souvent informulé, c’est que l’on reconnaît la bonne éducation et le sérieux des historiens à l’extrême pudeur et à la modestie que leur inspire la «vie privée» de leurs personnages. «Ne cherchons donc pas à sonder les reins et les cœurs», écrit encore Leuwers en affectant de se morigéner lui-même (2014, p. 56). La connotation d’euphémisation sodomitique prise – de nos jours au moins – par la demi-formule «sonder les reins» dit assez le côté peu ragoutant de l’exercice. Voilà pour la pudeur. Quant à l’expression entière, elle sert – excusez du peu! – à caractériser Yahvé «le Seigneur», dans la Bible [32] et dans son omnipotence divine. Voilà pour la modestie.

D’ailleurs, quelle peut être la validité en histoire d’un concept comme celui de «vie privée»? Écrire la biographie d’un personnage, n’est-ce pas tenter de comprendre l’entièreté de sa vie : politique, professionnelle, amoureuse, intellectuelle, sociale…

Je pense d’ailleurs que Robespierre, même s’il lui est arrivé d’employer l’expression «vie privée» ne tenait pas en grande estime la séparation entre le «public» et le «privé». Il considérait, semble-t-il, la vertu comme une et indivisible, celle de l’individu comme celle de la nation. Chez lui, comme l’écrit Cesare Vetter, «vertus publiques et vertus privées sont étroitement reliées et sont axées sur la vertu publique : [et de citer Robespierre qui parle de Necker] “Un homme qui manque de vertus publiques ne peut avoir des vertus privées[33]”». On devine que l’inverse est également vrai. En outre, la morale révolutionnaire d’époque abhorre le secret, ce qui est caché, à huis clos, et peut donc abriter le complot et la malveillance. La vie familiale, le foyer (sinon l’alcôve) sont autant de «maisons de verre», et lorsque les femmes y sont renvoyées – avec plus moins d’égards – comme éducatrices des futurs citoyens, c’est aussi parce que leur rôle est écrit d’avance et soumis au contrôle de toutes et de tous. 


Écriture non-sexiste et particularités typographiques

 

Non-sexiste, c’est la manière – préférée à «inclusiv» – de présenter un texte que je m’efforce de mettre en œuvre ici.

Je me rallie à la règle de l’«accord de proximité», longtemps en usage en français, en accordant l’adjectif avec le sujet le plus proche. Exemple : « Les hommes et les femmes doivent être égales ».

— Et tant pis si j’me trompe ! aurait ajouté Serge Reggiani[34].

En matière d’antisexisme typographique, le point médian est devenu l’indispensable sextant pour naviguer dans la «carte du tendre» de l’égalité. Du verbe tendre [à ou vers].

On n’hésitera pas à se dispenser de son usage s’il risque d’égarer lectrices et lecteurs, plutôt que de les aider à se repérer. On préfèrera, comme dans la phrase qui précède, une formule plus gourmande en signes – « lectrices et lecteurs (22 s.)» – aux constructions et compressions du type «lecteurs·trices (15 s.)». Idem pour «celles et ceux», préférée à «celleux», pourtant deux fois moins long, etc.

Par surcroît, le point médian me paraît pouvoir heureusement remplacer la barre oblique dans des expressions dont il est parfois difficile de se passer comme le duo «et» et «ou». Je préfère donc «et·ou» à «et/ou».

Par ailleurs, dans les citations – nécessairement nombreuses dans un tel livre – les points de suite indiqués entre crochets – […] – signalent, comme c’est l’usage, une coupe dans le texte, pratiquée entre deux phrases, deux paragraphes ou deux alinéas. Lorsque la coupe est pratiquée à l’intérieur même d’une phrase, je préfère l’indiquer de la manière suivante: [etc.].

Notes

[1] On a compris que je ne mentionne ici que mes publications en rapport avec la Révolution française.

[2] Je n’entends pas suggérer que la sujétion des femmes a été créée par la Révolution, mais sa prorogation ressort d’autant plus dans un contexte d’émancipation (suffrage masculin adulte universel, abolition de l’esclavage, etc.).

[3] Des articles ont été publiés sur le rapport de Robespierre au genre féminin : Florence Gauthier (2014) ; Noah C. Shusterman (2014, en anglais).

[4] Mentionnons par acquis de conscience le pamphlet publié à Berlin en 1794 : Maximilian Robespierre in seinem Privatleben (La Vie privée de Maximilien Robespierre), «par un détenu au Palais du Luxembourg».

[5] Nabonne Bernard, La Vie privée de Robespierre, Hachette, 1938. En 1927, l’auteur avait reçu le prix Renaudot, pour Maïténa.

[6] Stievenard Jeanine, Robespierre et les femmes, 2009, 68 p., édité à compte d’auteur chez Édilivre : «Robespierre, ce n’est pas seulement la transformation du Comité de Salut Public en organisation terroriste, c’est également les balades dans les jardins parisiens, c’est aussi l’élevage d’oiseaux destinés à être offerts à son entourage, et même peut-être un fils issu d’une liaison avec Mlle Duplay.»

[7] On utilise aussi l’expression trou d’homme.

[8] J’utilise ici les éléments d’un exposé fait à la Sorbonne le 15 mars 2017, dans le cadre du Séminaire doctoral de l’IHRF «Publier les sources de la Révolution», à l’invitation de Pierre Serna, son codirecteur avec Jean-Luc Chappey et Anne Simonin: «Pourquoi et comment publier les Enragé·e·s ?».

[9] «It now seems clear that the direct impulse to the events of 1789 came not from an ideological struggle or a class struggle, but from a financial and fiscal crisis of the French monarchy, and that this crisis was above all the product of a geopolitical struggle in wich that monarchy found itself engaged.» Je considère la phrase dans l’édition originale afin de la traduire moi-même : The Coming of the Terror in the French Revolution, Harvard University Press, 2015, pp. 39-40. Traduction française de Serge Chassagne : Anatomie de la Terreur, Le Seuil, 2018. La citation se trouve pp. 51-52.

[10] Hazan Éric, Une histoire de la Révolution française, La Fabrique éditions, 2012.

[11] Remerciements (p. 10) : «Ma gratitude va d’abord à Florence Gauthier et Yannick Bosc, mes savants amis, qui ont eu la patience de lire et d’annoter le manuscrit. Leurs critiques de fond et leurs suggestions ont beaucoup contribué à lui donner sa forme définitive.»

Nota : Je qualifie de «robespierristes» les historiennes et les historiens qui, par admiration pour le personnage ou par intérêt de faction idéologique se font ses thuriféraires. Leur robespierrisme peut être discret, modéré ou fanatique ; il peut être franc ou procéder par omissions, voire manipulations. Par ailleurs, contrairement à ce que sa dénomination sociale – conservée pour des raisons complexes – peut laisser entendre, la Société des études robespierristes n’abrite pas que des robespierristes, loin s’en faut ! (Elle n’agrège même pas tous les robespierristes.) J’ai moi-même été membre de son conseil d’administration ; j’ai créé – grâce au talent du graphiste Norbert Bartkowiak – et lancé la première version de son site Internet.

[12] Celles et ceux qui, au contraire, se taisent ont été ou sont en analyse : ils craignent de se trahir!

[13] Le prototype étant le chapitre consacré à Robespierre par le Dr René Laforgue dans sa Psychopathologie de l’échec (1944).

[14] Évocation critique par Hervé Leuwers des livres de Jean Artarit (2003) et Laurent Dingli (2004) dans «Robespierre, une figure revisitée», in «1789-2019. L’Égalité, une passion française», hors-série de L’Humanité, juin 2019, pp. 76-77.

[15] Ces outils, plus légers et moins nombreux ils sont, plus le travail de recherche est accessible et vérifiable. Les «concepts», surtout prétendument nouveaux servent trop souvent de signes de reconnaissance sociale et universitaire, donc d’exclusion. Exception récente, le concept de «genre» a fonctionné comme une autorisation à revisiter tous les sujets de toutes les époques «au prisme» d’icelui. Son objet d’étude, les «rapports sociaux de sexe» n’étaient pas inconnus des sciences sociales, mais genre a – si j’ose dire – plus de style. Il est paradoxal que la majorité de ses introductrices en France aient gaspillé leur énergie – croyant devoir répondre par là aux extrémistes catholiques – en répétant qu’il n’existe pas de «théorie du genre». Si réellement les «études de genre» se révélaient n’avoir produit aucune théorie, c’est que l’autorisation évoquée ci-dessus aurait été délivrée en pure perte.

[16] AHRF, 1932, pp. 193 et suiv., repris dans Études sur la Révolution française, 1954. Je souligne.

[17] Febvre Lucien, «Albert Mathiez: un tempérament, une éducation», Annales d’histoire économique et sociale, 1932, 4e année, n° 18, pp. 573-576. Je souligne. Febvre rapporte que Mathiez lui avait promis, pour les AHES, «un article d’ensemble sur le prolétariat en France au temps de la Révolution», dont sa mort brutale à la suite d’une hémorragie cérébrale nous a privé (comme aussi d’une biographie de Robespierre, pour laquelle il avait signé un contrat avec un éditeur américain). Voir Friguglietti James, Albert Mathiez historien révolutionnaire (1874-1932), SER, Paris, 1974.

[18] «“Flux et éruptions” : réflexions sur l’écriture d’une histoire comparée des féminismes européens, 1700-1950», in Cova Anne (dir.), Histoire comparée des femmes, 2009, pp. 45-65. Je souligne. Notons qu’une revue féministe italienne publiée en 1973-1974 s’est intitulée Sottosopra (Sens dessus dessous).

[19] Illustration caricaturale dans une émission de télévision baptisée «Sous les jupons de l’histoire» (chaîne Chérie 25).

[20] Dans le journal CQFD, n° 117, décembre 2013. Plusieurs livres de Rediker ont été traduits en français ; par ex. Les Forçats de la mer (Libertalia, 2010), Pirates de tous les pays (Libertalia poche, 2017), L’Hydre aux milles têtes (avec Peter Linebaugh, Amsterdam, 2008).

[21] «Sur le concept d’histoire» (1940) ; quatorzième thèse, in Œuvres, III, Folio, p. 439.

[22] J’y reviendrai plus longuement en présentant le second volume de mon diptyque.

[23] Robespierre. L’homme qui nous divise le plus, Gallimard, 2018.

[24] Le douzième (et dernier?) devait être publié la même année que le présent ouvrage. [Note actualisée: Il sera finalement publié en 2022.]

[25] À supposer même que l’on ne considère que les cinq volumes de discours, en quoi le retour à la source à partir d’une date est-il «aisé»?

[26] Je partage avec Guillaume Mazeau, Laurence De Cock et Mathilde Larrère, auteur et autrices de L’histoire comme émancipation (Agone, 2019, p. 108) la certitude que : «L’expression “histoire engagée” devrait être un pléonasme.» Il·et elles ne se donnent pas la peine de situer leur position parmi celles que j’énumère ici. Voir mes remarques critiques, sur l’ouvrage (et sur les vulgarismes de M. Larrère) sur mon blogue La Révolution et nous. Sur le même thème, voir le n° 144 des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique (2020) et sa présentation par Jean-Charles Buttier et Caroline Fayolle : «Écrire l’histoire des révolutions : un engagement».

[27] J’en ai recensé un grand nombre (slogans, tracts, pancartes, graffitis) sur La Révolution et nous.

[28] J’ai abordé la question de la filiation, plausible et souhaitable, entre la Révolution française et la prochaine révolution dans le premier chapitre de Notre patience est à bout : «Écrire l’histoire, continuer la révolution».

[29] Spontanéité relative puisqu’elle tient en partie aux références scolaires connues de toutes et tous (ou presque). Cet aspect était très perceptible dans le mouvement des «Gilets jaunes».

[30] OMR, t. I, p. XXV.

[31] Les références ainsi indiquées – date, n° de page – renvoient à la Bibliographie en fin de volume.

[32] Psaume 7, 10 : «Mets fin à la malice des impies, affermis le juste, toi qui sondes les cœurs et les reins, ô Dieu le juste!» Livre de Jérémie 11, 20: «Yahvé Sabaot, qui juges avec justice, qui scrutes les reins et les cœurs, je verrai ta vengeance contre eux [les gens d’Anatot, qui persécutent le prophète], car c’est à toi que j’ai exposé ma cause.» La Bible de Jérusalem, Desclée de Brouwer, pp. 927 et 1405.

[33] Discours aux Jacobins le 9 juillet 1794 ; OMR, t. X, p. 520. Vetter Cesare, «Bonheur public, bonheur privé et bonheur individuel dans le lexique de Robespierre», in Vetter C., Marin M., Gon E., Dictionnaire Robespierre, t. I, 2015, p. 44. Saint-Just, au contraire, tient à la notion de «vie privée» : «Si vous ordonnez aux tribunaux de faire régner la justice, ne souffrez point que l’on tourmente la vie privée du peuple.» (Rapport au nom des Comités de Salut public et de Sûreté générale, 26 germinal an II-15 avril 1794). Et dans le préambule au chap. premier des Fragments d’institutions républicaines: pour lier les hommes par des rapports harmonieux, soumettre «le moins possible aux lois de l’autorité les rapports domestiques et la vie privée du peuple.» Citations in Œuvres complètes, établies par Michèle Duval, 2003, pp. 819, 967-968.

[34] «Salut les hommes ! Et tant pis si j’me trompe», lui fait dire Jean-Pierre Melville dans Le Doulos (1962).

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“ÉTRILLER L’IDOLE, COMPLEXIFIER LA POLITIQUE RÉVOLUTIONNAIRE” ~ recension par Jean-Clément Martin de “Robespierre, les femmes et la Révolution”

21 lundi Juin 2021

Posted by Claude Guillon in «Bibliothèque»

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Albert Mathiez, Dames de la Halle, Enragé·e·s, Florence Gauthier, Jacques Roux, Jean-Clément Martin, Jean-François Varlet, Marc Belissa, Reine Audu, Robespierre, Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, Théophile Leclerc, Yannick Bosc

À propos de Claude Guillon, Robespierre, les femmes et la Révolution (Paris, Editions ihmo, 2021, 355 pages).

 

Une lecture érudite et critique de l’historiographie révolutionnaire autour du rôle des femmes et notamment des marchandes des Halles.

 

Claude Guillon, bien connu par tous ceux qui s’intéressent aux «Enragés» de la Révolution et à leur historiographie, manie avec autant de plaisir et de dextérité engagement, érudition, méthodologie et polémique ; il me fait penser à quelqu’un qui confectionnerait un drapeau rouge comme une tapisserie à points comptés en donnant de bons coups d’épingle.

Le sujet s’y prête. Les leçons historiographiques couvrent un spectre immense et contradictoire, l’acteur principal demeure un sujet d’une complexité inépuisable, enfin l’étude des femmes, surtout de leurs interventions politiques et sociales, est loin d’être aussi avancée qu’on pourrait l’espérer après quelques décennies de travaux reconnus. 

En mobilisant toutes les ressources possibles, débats, journaux, mémoires et ouvrages histoire de la Révolution française, Claude Guillon traque impitoyablement les réticences et les dérobades de Robespierre devant les prétentions des femmes à être reconnues comme autrices, comme citoyennes et surtout citoyennes révolutionnaires.

Que ce soient par ses allusions, ses compliments et même par ses silences, Robespierre manifeste constamment une misogynie partagée avec la quasi-totalité des hommes de son époque. Plus intéressant est de relever, comme le fait l’Auteur, la dimension proprement politique de cette attitude qui vise plus spécifiquement les femmes les plus engagées dans la Révolution avec le groupe des «Enragés», Varlet, Leclerc et Roux, alliant ainsi des réclamations sociales et politiques aux revendications de «genre». Si la chose n’est pas inconnue, C. Guillon relève avec précision toutes les tentatives faites pour exonérer Robespierre de ce travers en accumulant les citations empruntées à A. Mathiez, à F. Gauthier ou Y. Bosc et M. Belissa. De ce fait la démonstration suit un itinéraire compliqué.

Plus neuf, deux chapitres sont de véritables pas de côté quand l’auteur examine les liens de Robespierre avec les dames de la Halle, occasion pour renouveler le sujet avec des citations peu fréquentes. D’un seul coup, les journées des 5 et 6 octobre 1789, la fameuse marche des femmes sur Versailles, et la fermeture des clubs féminins dans l’automne 1793 sont compréhensibles au-delà des légendes ordinaires, montrant les divisions entre les groupes de marchandes et les femmes qui allèrent à Versailles. En outre on suit les itinéraires des deux personnalités à la tête de la communauté des marchandes, ces deux «reines» des Halles et «d’Hongrie», jamais bien identifiée – ce même si le lecteur reste un peu sur sa faim à propos de la non moins fameuse Reine Audu ou Louis-Reine Leduc dont le rôle exact demeure difficile à cerner. Mais est-il possible de faire plus ?

L’essentiel est de comprendre ici que les dames des Halles sont devenues via un légendaire qui les soumettait à l’ordre masculin les héroïnes d’octobre alors qu’elles souhaitaient garder leur pouvoir sur le commerce, sans céder sur leurs convictions religieuses et surtout sans se soumettre aux citoyennes républicaines révolutionnaires. Toutes les ambiguïtés des politiques menées par les hommes au pouvoir, Robespierre évidemment qui doit être compris dans ce groupe-là, sans vouloir l’en isoler, sont ainsi mises à plat dans l’espoir que les histoires à venir de la Révolution ne les gomment pas mais réfléchissent à ces errements, dont la connaissance ne peut que servir à en éviter le retour, le cas échéant.

Jean-Clément Martin

Capture d’écran 2021-06-21 à 10.50.32

Texte publié sur Le blog de Jean-Clément MARTIN.

Éditions IMHO

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AG de la Société des études robespierristes, le samedi 19 juin 2021, à Ivry-sur-Seine

01 mardi Juin 2021

Posted by Claude Guillon in «Annonces»

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Albert Mathiez, Société des études robespierristes

Chères et chers sociétaires,

La situation sanitaire nous permettant enfin de nous réunir (dans le respect des règles sanitaires en vigueur), nous avons le plaisir de vous convier à l’Assemblée Générale de la Société des études robespierristes qui se tiendra le samedi 19 juin 2021 à 14h à Ivry-sur-Seine, dans la salle Voltaire située au 5 place Voltaire, à 5 minutes à pied du métro Mairie d’Ivry.

Cette Assemblée sera l’occasion de présenter le rapport scientifique sur les activités de la Société et de sa revue, et de faire ensemble le point sur le bilan de ses travaux en 2020-2021. Ceux-ci ont été, de fait, largement entravés par la crise sanitaire, sans être nuls pour autant. Elle permettra aussi de vous présenter les projets et chantiers en cours, ainsi que toutes les activités programmées ou (re)programmées faute d’avoir pu se tenir l’an passé. Elle se terminera par la remise du prix Mathiez, décerné tous les trois ans, à un travail inédit sur la période révolutionnaire qui fera l’objet d’une publication aux Éditions de la Société dans la collection dédiée. En plus du lauréat de ce prix, deux autres mémoires inédits seront également récompensés cette année.

En espérant avoir le plaisir de vous y retrouver et de pouvoir y échanger avec vous, nous tenons à vous remercier bien chaleureusement de votre fidélité à notre association.

La secrétaire générale et le président de la SER.

Le pictogramme rouge indique le 5, place Voltaire.

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Quand Albert Mathiez félicitait Robert Desnos d’avoir donné une gifle à un journaliste («au nom de métèque» [sic]), qui avait insulté Marat et Robespierre (1923)

27 samedi Fév 2021

Posted by Claude Guillon in «Documents»

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Albert Mathiez, Alphonse Aulard, André Breton, Georges de La Fouchardière, Marat, Paul Éluard, Robespierre, Wieland Mayr

D’abord l’article de Wieland Mayr, dans Le Gaulois du 3 mars 1923, qui a déclenché l’ire des surréalistes…

Puis les documents publiés par Georges de La Fouchardière dans L’Œuvre du 15 mars 1923, dont un «procès-verbal» signé par André Breton et Paul Éluard, et non Huard, comme indiqué par erreur (l’adresse indiquée, 3, rue Ordener est bien celle d’Éluard).

Voici maintenant la lettre d’Albert Mathiez, publiée dans la revue surréaliste Littérature (n° 10, mai 1923, p. 9). Le texte en a été republié dans les Annales historiques de la Révolution française (juillet-septembre 1981, n° 245, p. 460).

On notera la (plus que) déplaisante allusion faite par Mathiez au nom du giflé, «ce Mayr, au nom de métèque».

Dijon, 16 mars 1923.

36, Boulevard Carnot.

CITOYEN,

Voulez-vous transmettre à notre ami Desnos toutes nos félicitations pour la gifle dont il a cinglé le visage de l’insulteur de Robespierre. Sans doute ce Mayr, au nom de métèque, ne méritait pas cet honneur, mais il est bon, il est d’une haute moralité, il est d’un exemple à suivre que les lâches qui bafouent nos grands hommes reçoivent de temps en temps une correction publique.

J’espère que le geste de notre ami marquera le réveil de la jeunesse républicaine, la vraie jeunesse qui a le culte de la vérité, la passion de la justice et le saint amour de l’humanité.

Encouragés par notre trop longue patience les muscadins de la banque, de l’écritoire et de l’œillet blanc passent toute retenue. Défendons-nous et montrons à ces beaux-fils que les épiciers, les paysans, les travailleurs qu’ils méprisent en ont assez de leurs moqueries. Cognons dur.

À vous de tout cœur,

A. Mathiez

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Le prolétariat où on ne l’attendait peut-être pas: Écoutez Alphonse Aulard…

12 jeudi Nov 2020

Posted by Claude Guillon in « Sonothèque », «Documents»

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Albert Mathiez, Alphonse Aulard, Hébert, Lutte des classes, Prolétariat, Robespierre

On peut écouter sur le site Gallica un court, mais passionnant enregistrement de la voix de l’historien Alphonse Aulard.

Aulard commence par déclarer obsolète l’histoire que je qualifierai «d’admiration» pour tel ou tel personnage (Robespierre, Hébert…), et conclut sur la constatation majeure à laquelle mène un travail sérieux sur les archives…

Il est assez piquant de le voir marcher ainsi sur les brisées de son rival (quoique ancien disciple) Mathiez, même si certaines formulations mériteraient d’être revues.

Ainsi, je ne pense pas que le prolétariat – ici confondu avec «le peuple», sans exigence marxienne de composition socio-professionnelle – se soit borné à «réaliser les idées démocratiques» conçues par d’autres, ce qui n’est déjà pas mal. Le prolétariat a participé, à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire à l’élaboration pratique d’une théorie de la démocratie directe, expression de la souveraineté populaire, que personne n’avait imaginée comme programme révolutionnaire.

Ce n’est pas une fantaisie. […]

Nous nous sommes aperçus que le véritable héros, le véritable acteur, le véritable conducteur de la Révolution française c’était en définitive le peuple français.

Et dans le peuple français, nous nous sommes aperçus également que c’était la classe pauvre, la classe laborieuse, les petits bourgeois, les ouvriers d’usine, le prolétariat en un mot, qui avait réalisé les idées démocratiques élaborées dans un autre milieu, dans un milieu aristocratique et bourgeois. […]

Une fois sur la page de Gallica, cliquez dans le cartouche qui se trouve en haut de page (et non dans celui qui figure juste au-dessus de l’image du disque).

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Idées [contre-]révolutionnaires ~ À propos du livre de Jonathan Israel

29 mercredi Juil 2020

Posted by Claude Guillon in «Bibliothèque»

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1793, Albert Mathiez, Albert Soboul, Claire Lacombe, Féminisme, Georges Lefebvre, Hébert, Jacques Pierre Brissot, Jacques Roux, Jean-Baptiste Louvet, Jean-François Varlet, Jonathan Israël, Kåre Dorenfeldt Tønnesson, Lutte des classes, Marat, Olivier Blanc, Pauline Léon, Républicaines révolutionnaires, Robespierre, Théophile Leclerc, Walter Markov

Une «histoire intellectuelle de la Révolution», et pourquoi pas?

Encore que l’affirmation suivante a de quoi éveiller la méfiance:

Conduire un nouvel examen des leaders révolutionnaires semble nécessaire afin de poursuivre l’effort initié par l’approche socioculturelle et, plus spécifiquement, pour mieux intégrer l’histoire sociale avec l’histoire intellectuelle. [p. 21]

Ici (et ailleurs aussi probablement) se pose le problème de la traduction (je n’ai pas pris la peine d’aller vérifier l’édition originale). En effet, «Intégrer l’histoire sociale avec l’histoire intellectuelle» n’a guère de sens en français. Les combiner, oui; intégrer l’une à l’autre aussi. Faisons avec…

Plusieurs affirmations accrochent le regard. Un exemple:

En plusieurs endroits, on vit des comités de “Patriotes” rivalisant d’éloquence tant les hommes de lettres, éditeurs et membres des sociétés y étaient nombreux; ils purent ainsi peser lourdement sur les élections des députés du Tiers état. [p. 53, avec référence au livre de Galante Garrone].

C’est bien possible; cependant, il aurait été honnête de signaler que lors de l’étape précédente, à savoir la rédaction des Cahiers de doléances, l’hypothèse d’une influence décisive des notables a été sévèrement critiquée[1].

Parlant du Cercle social et des tendances philosophiques qu’il oppose au « populisme autoritaire » de Marat et Robespierre, l’auteur évoque l’action du marquis de Villette en faveur des enfants naturels (p. 149), comme exemple de l’action humaniste et réformiste de certains révolutionnaires. Il est bien regrettable qu’il ignore le long et beau texte de Robespierre sur le même sujet[2].

Voici maintenant une formulation sur laquelle le lecteur butte, lequel une fois relevé de sa chute, se demande s’il va poursuivre la lecture entreprise…

Marat et Hébert s’adressaient aux moins éduqués et cultivaient un chauvinisme populiste, une espèce de protofascisme. » [p. 189; je souligne]

Il est tout d’abord extrêmement discutable de mettre ainsi «dans le même sac» Marat, dont les journaux sont rédigés dans une langue simple et compréhensible, mais correcte quant à la grammaire et sans vulgarité, avec Hébert qui pastiche la verdeur populaire à grands renforts de jurons obscènes. De là à les qualifier uniment de protofascistes, c’est-à-dire de premiers fascistes ou de fascistes rudimentaires, pour la seule raison véritable qu’ils sont lus l’un et l’autre par la sans-culotterie, c’est préférer l’idéologie grossière à l’analyse historienne.

Massant ses genoux endoloris, le lecteur se dit qu’il a tout de même payé le livre la bagatelle de 36 € (en francs, c’eut été le prix d’un très beau livre d’art) et, pour calmer sa colère, il s’en va lire la postface à l’édition française.

Or, voici des propos mesurés, mêmes si discutables – dont lectrices et lecteurs anglophones ont donc été privé·e·s:

Ainsi mon approche diverge à certains égards de l’école jacobino-marxiste d’Albert Mathiez, Georges Lefebvre et Albert Soboul ; mais reconnaît également que leurs travaux ont encore beaucoup à offrir et doivent toujours faire l’objet du plus grand respect. Que la Révolution française ait été en partie mue par une guerre de classes est pour moi indéniable puisqu’elle a d’abord pris pour cible, sans jamais cesser l’assaut, le système social aristocratico-ecclésiastique qu’elle cherchait explicitement à détruire. [p. 742]

Ainsi donc, les «moins éduqués» ont tout de même – nonobstant l’influence délétère des protofascistes – joué un certain rôle dans la Révolution… On aurait tort, toutefois, de se rassurer trop vite; en effet:

Ce livre place les mouvements populaires au second plan, en partie parce que je ne pense pas que la recherche ait démontré que leur rôle a été déterminant dans l’élaboration de l’idéologie dominante de la Révolution. Une autre raison explique ce choix: je ne crois pas non plus que les mouvements sociaux et les manifestations de mécontentement populaire, peu importe leur force et leur ampleur, puissent disposer d’une cohésion suffisante et d’une énergie suffisamment durable pour devenir un fondement d’autorité ou inspirer des réformes institutionnelles, susceptibles de provoquer des transformations révolutionnaires significatives de quelque forme que ce soit. [p. 742]

Ici se trouve sans doute le fondement même de la démarche de Jonathan Israel, et le point central de désaccord avec lui. S’il s’agit de constater la «défaite des sans culottes», pour reprendre le titre du livre de Kåre Dorenfeldt Tønnesson, nous pouvons tomber d’accord, mais cet accord est une illusion car J. Israel pense que les sans-culottes ne pouvaient qu’être défaits, parce qu’ils n’étaient pas suffisamment éduqués pour élaborer une idéologie assez forte pour dominer celle de la bourgeoisie. Mais Israel ne s’en tient pas là. Sa position concernant les sans-culottes est après tout proche du simple constat, mais il ajoute qu’aucun mouvement social n’a et ne peut avoir les capacités de fonder un nouvel ordre social.

Voici ce que j’appelle un préjugé de classe, lequel se manifeste d’ailleurs en d’autres occasions dans le livre. L’auteur est prompt à reprendre sans distances des informations chargées de jugements moraux. Ainsi les manifestants qui attaquent l’imprimerie de Gorsas en mars 93 ne sont-ils rien qu’«un groupe de 2 000 à 3 000 voyous » (p. 343). Lors d’une manifestation de femmes à Bordeaux à la même époque: « Ces troubles avaient été préparés avec soin ; des témoins attestèrent avoir vu des jacobins déguisés en femmes dirigeant le cortège » (p. 344). La présence d’hommes déguisés en femmes est un topos d’époque, utilisés par toutes les tendances politiques pour discréditer les manifestations de femmes.

On pourrait discuter encore beaucoup le choix des sources, comme leur utilisation. J. Israel adore Louvet, parce que celui-ci est entré en conflit avec Robespierre. Je comprends que l’on lise et même que l’on utilise les Mémoires du député Jean-Baptiste Louvet de Couvray, mais de là à les prendre pour un évangile où tout n’est que vérité du détail, il y a le même chemin que de la lecture critique à la naïveté.

Parfois, on se perd en conjectures sur ce que l’auteur peut bien trouver d’utile à telles «révélations». Ainsi:

Robespierre devint de plus en plus froid. Jusqu’en février 1794, il avait gardé ses distances, sans paraître replié sur lui-même. Il se montrait régulièrement dans Paris, élégamment vêtu de soie et de lin, bien coiffé. En public, il jouait les observateurs tout en prenant soin d’entretenir des relations, de converser avec d’autres personnalités influentes. Il profitait aussi de ces échanges pour noircir son cahier de notes. [p. 581]

La note indique : Laure d’Abrantès, Salons révolutionnaires, p. 105. Je trouve à la page 6 du texte d’origine (Histoire des salons de Paris, vol. III) de la duchesse d’Abrantès, le passage-source:

Dans le même moment, Robespierre marchait dans Paris élégamment habillé, coiffé avec la plus grande recherche, employant pour sa toilette les essences les plus suaves, les pommades les plus odorantes… son linge était d’une extrême beauté; son jabot, fait d’une dentelle précieuse, était toujours à côté d’un gilet rose, bleu ou blanc, en soie glacée, et légèrement brodé en argent ou en or, et à sa main il portait un bouquet de roses, même en hiver…

Robespierre soignait sa mise. C’est entendu, tout le monde le dit. Mais tant qu’à nous abreuver des niaiseries d’Abrantesques, pourquoi nous priver du parfum, des pommades et des roses. …Même en hiver!

Reprenons pied sur le terrain des idées, puisque c’est celui que revendique notre auteur. En voici une bien bonne (oui, je suis un peu las, je le reconnais, et mon style s’en ressent), censée établir le fait que les brissotins sont la gauche (ce qui n’est pas entièrement dépourvu de logique si Marat est un fasciste):

Pratiquement tous les intellectuels sérieux de l’Assemblée, Levasseur et les montagnards un peu honnêtes admettaient que les brissotins et les philosophistes représentaient bien la gauche. [p. 305]

Certes, je pourrais faire valoir ici qu’au contraire tous les gens «un peu honnêtes» sont de mon avis… mais j’aurais le sentiment d’entrer dans un jeu tout juste bon pour la cour de récréation.

Les Enragé·e·s

D’ailleurs, il est un point qui m’intéresse doublement – parce qu’il concerne l’un de mes sujets de recherches[3] et parce qu’il met en valeur la difficulté de J. Israel à tenir la ligne qu’il a lui-même choisie: la question de l’action des Enragé·e·s.

En effet, Israel manifeste une évidente sympathie pour ces militant·e·s, ce qui ne laisse pas d’étonner.

Voyons ce qu’il écrit de Jacques Roux, avec certes une restriction morale (elle-même plutôt surprenante):

Violemment opposé aux brissotins autant qu’aux montagnards, Roux n’était certes pas un combattant de la liberté [sic]. À certains égards, toutefois, ce zélé prêtre jacobin (et ancien professeur de sciences au séminaire) occupait une vraie position à gauche du robespierrisme : il voulait ardemment défendre les pauvres de la cupidité des capitalistes, des banquiers, des grands marchands. Il dénonçait avec flamme l’exploitation et l’absence de toute aide pour les moins nantis[4]. [p. 505]

Si Brissot incarne la gauche, et Robespierre un «populisme autoritaire», comment situer quelqu’un qui se trouve «à gauche» de Robespierre, mais pas vraiment «à gauche» puisque cette position est monopolisée par les Brissotins? Israel a – parmi les Enragé·e·s – une préférence marquée pour « l’honnête et bienveillant Varlet » (p. 755), «qui pratiquait lui un tout autre type de populisme, plus intègre, et plus proche des Lumières radicales.» (p. 759)

Je ne discuterai pas des fleurs envoyées à Varlet; après tout, il est bien probable qu’il les a méritées. Pour autant, je ne crois pas que Robespierre a été ni moins honnête ni moins intègre que Roux, Varlet, Leclerc, et les Républicaines révolutionnaires.

De toute façon, cela ne nous aide pas à nous retrouver dans notre nuancier politique. À la fin des fins, où situer les Enragé·e·s? Plus près de Brissot que de Robespierre? Une hypothèse qu’ils eussent jugée insultante.

Il est assez évident que, outre leur enthousiasme et la sincérité de leur engagement, ce qui séduit Israel chez les Enragé·e·s… c’est qu’ils deviennent les cibles de Robespierre.

Après les 31 mai – 2 juin 93, « Robespierre écarta tout de suite Varlet, Roux et Jean Leclerc, meneurs sans-culottes véritablement engagés en faveur des prolétaires. Ils pouvaient se réclamer de la rue bien mieux que lui. Les Enragés avaient d’ailleurs immédiatement compris quelle dictature s’annonçait. Ils n’ignoraient rien de la mégalomanie de Robespierre, de sa paranoïa et de son caractère vindicatif. » (p. 484)

Ce dernier hommage rendu à la clairvoyance des Enragé·e·s à propos des risque d’un régime terroriste autoritaire me semble pour le moins exagéré ; ils n’ont mesuré les risques de la concentration des pouvoirs qu’au fur et à mesure qu’elle les atteignait directement (et je ne songe pas à les en blâmer). Quant aux indicateurs qui eussent dû les alerter, le caractère de l’individu Robespierre ne mérite sans doute pas la première place…

En guise de conclusion

Jonathan Israel a-t-il atteint l’objectif qu’il s’était fixé ? La réponse est étroitement liée à la position de chacun·e par rapport aux parti-pris de l’auteur. Qui est convaincu que le peuple ne saurait écrire sa propre histoire – faute d’une orthographe suffisante – se verra confirmé dans ses préjugés par une érudition pléthorique. L’adhésion aux thèses du livre ne peut être qu’idéologique.

Ironie de l’histoire, c’est – nous l’avons vu – l’aimable sympathie de l’auteur pour un courant radical de la Révolution qui vient ôter toute cohérence à sa tentative de redistribuer les rôles politiques, en attribuant aux Brissotins et non plus aux Montagnards celui de la « gauche ».

Israel identifie correctement la question des droits des femmes comme le talon d’Achille de Robespierre (et d’un certain nombre de ses amis), mais – une fois encore – le reproche ne peut être adressé ni à Roux ni à Leclerc (ni à Varlet, dont le «proféminisme» est pourtant plus mesuré), et encore moins aux Républicaines révolutionnaires. L’action militante de ces dernières fait voler en éclats les tentatives d’identifier la Gironde comme le « parti féministe » de la période, comme l’ont tenté ces dernières années Michel Onfray et Olivier Blanc (d’où les attaques venimeuses de ce dernier contre les Républicaines).

Neuf cent trente pages, c’est beaucoup d’arbres coupés pour un si piètre résultat.

Israel Jonathan, Idées révolutionnaires. Une histoire intellectuelle de la Révolution française, Alma/Buchet-Chastel, 2019 (EO : Princeton University Press, 2014), 930 p., 36 €.

Statut de l’ouvrage : acheté en librairie.

_________________

[1] Shapiro (G.), Markoff (J.), « L’authenticité des cahiers de doléances », Bulletin du Comité d’histoire économique de la Révolution française, 1990-1991, p. 19-70.

[2] Robespierre Maximilien, Observations sur cette partie de la législation qui règle les droits et l’état des bâtards, dans Œuvres de Maximilien Robespierre, t. XI, Compléments (1784-1794), Société des études robespierristes, 2007, p. 137-183.

[3] Mon livre Notre patience est à bout est cité comme source à plusieurs reprises.

[4] Je place ici le signalement et la correction d’une erreur, probablement due à une faute de traduction (peut-être de l’auteur lui-même). Il est indiqué p. 505 : « Roux [visé par une campagne de dénigrement] fut exclu des Jacobins et perdit la direction des colleurs d’affiches – fonction importante. » (je souligne). Il s’agit d’une référence au groupe de colleurs d’affiches que la municipalité parisienne payait pour placarder les annonces publiques (ils auraient été 300 ; voir p. 280). J’ignore si Roux eut jamais la responsabilité de ces employés (Markov n’y fait aucune allusion), mais ce que l’on sait c’est qu’il était corédacteur des Affiches de la Commune, et c’est ce poste – en effet important – qui lui fut retiré.

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« Les causes profondes de la Révolution française” ~ Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien (1932)

17 vendredi Jan 2020

Posted by Claude Guillon in «Bibliothèque», «Documents»

≈ Commentaires fermés sur « Les causes profondes de la Révolution française” ~ Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien (1932)

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Albert Mathiez, Éducation, Jean Bruhat, Joseph Boyer, Karl Kautsky, Lutte des classes, Marie-Cécile Boujut, Paul Bouthonnier

Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien, édités par des enseignants et militants membres du parti communiste voulaient substituer « à l’École officielle du mensonge bourgeois, l’École révolutionnaire de la vérité prolétarienne ».

Selon Marie-Cécile Boujut, ils furent dirigés par Joseph Boyer qui fut pour cela traduit devant le conseil départemental de l’enseignement primaire de l’Allier[1]. Le responsable de publication indiqué en p. 2, Paul Bouthonnier (1885-1957) devint après le Congrès de Tours (1920) secrétaire de la fédération du parti de Dordogne puis membre du Comité Central de 1926 à 1929; il sera secrétaire de l’Université ouvrière du parti en 1936.

Dans ses souvenirs, Georges Cogniot affirme que le tirage atteignit 5 000 exemplaires par livraison (en principe mensuelle[2]).

Dans les siens, Jean Bruhat, auteur par ailleurs de nombreux articles sur la Révolution française, évoque son activité autour des Cahiers [3]. Il ne précise pas s’il a travaillé au numéro consacré aux causes profondes de la Révolution, que je reproduis ci-après. D’après les témoignages que j’ai consultés, un numéro était, la plupart du temps, confié à un auteur (même s’il devait être relu et·ou corrigé par d’autres).

Si le ou les auteurs n’évitent pas toujours – dans leur souci de faire briller la «vérité prolétarienne» – de tomber dans l’idéologie balourde, le texte n’est pas dépourvu d’intérêt, sans parler du fait qu’il est emblématique d’une tentative de contre-culture, et en l’espèce de contre-histoire, diffusée de manière à pouvoir toucher un public ouvrier.

On notera que dans le corps de la brochure, Mathiez et Kautsky sont les auteurs les plus souvent convoqués.

On peut consulter à cette adresse le texte d’un autre numéro des Cahiers, intitulé Le Chauvinisme linguistique.

J’ai numérisé l’intégralité du Cahier, y compris une discussion sur la Révolution espagnole qui ne manque pas d’intérêt.

______________________________

[1] Lire en communiste, PUR, 2010, p. 62.

[2] Parti pris, t. 1, Éditions sociales, 1976.

[3] Il n’est jamais trop tard, Albin Michel, 1983.

Cliquez sur les images pour les AGRANDIR.

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Personne n’était plus «à gauche» que Robespierre… Yannick Bosc l’affirme (après Mathiez)

23 dimanche Juin 2019

Posted by Claude Guillon in «Articles», «Bêtisier»

≈ Commentaires fermés sur Personne n’était plus «à gauche» que Robespierre… Yannick Bosc l’affirme (après Mathiez)

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Albert Mathiez, Alphonse de Lamartine, Anacharsis Cloots, Bertrand Barère, Buonarroti, Daniel Guérin, Godefroy Cavaignac, Gustave Tridon, Louis Auguste Blanqui, Marc Alexis Guillaume Vadier, Martin Bernard, Napoléon, Robespierre

J’ai assisté, à la Sorbonne, le 17 avril 2019, à la conférence de Yannick Bosc, dont vous pouvez ci-après consulter la captation.

Toute? Non, hélas! Les organisateurs ne considèrent pas que les échanges avec le public présentent un intérêt suffisant pour les inclure dans la vidéo.

Quel dommage!

C’est précisément d’une réponse de l’orateur que je souhaitais traiter ici. Le propos général, bien que de stricte obédience robespierriste (ça n’étonnera personne connaissant un tant soit peu ses travaux) ne manque pas d’intérêt. Mais voilà qu’un des assistants (ça n’est pas moi) demande comment Robespierre a pu aussi maladroitement éliminer l’extrême gauche, ce qui l’a conduit à la solitude mortelle que l’on sait, le 9 Thermidor.

Ici incompréhension (vaguement douloureuse) de l’orateur. Je suis contraint, en l’absence d’enregistrement, de résumer sa pensée. On verra plus loin qu’il est facile de vérifier que je ne la caricature pas.

À gauche de Robespierre, dites-vous? Mais il n’y a rien à gauche de Robespierre! C’est une légende historienne, démentie par les travaux les plus récents.

Tout est parti de Blanqui, lequel, en prison (et – suppose-t-on – affaibli par les privations) ne dispose pour écrire et réfléchir sur la Révolution que de Lamartine (ce romantique peu fiable).

De la conjonction des deux naît la légende selon laquelle quelqu’un aurait pu être considéré comme étant «plus à gauche» que Robespierre.

De Blanqui, la rumeur passe à Gustave Tridon (le communard) qui fait l’éloge des (dits) hébertistes, puis à Daniel Guérin…

…Et voilà pourquoi votre fille a cru que le «Manifeste des Enragé·e·s» était une critique «de gauche» du programme des Jacobins…

Votre égal en droits en avait, dans sa grande ignorance (et sa non moins grande naïveté) la mâchoire béante. Car enfin, on peut bien imaginer que certain·e·s pensent ainsi, mais on se dit qu’on a l’imagination caricaturante (on en serait presque gêné).

Je n’avais jamais entendu cette ahurissante affirmation présentée aussi paisiblement comme une vérité d’évidence.

Or, par le plus petit des hasards, je fis l’emplette d’un livre des Éditions du progrès qui manquait à ma bibliothèque: Rousseau, Mirabeau, Robespierre, trois figures de la Révolution. L’auteur du livre, Albert Manfred a également publié – parmi tant d’autres livres et articles – La Grande Révolution française (qui, lui, est depuis longtemps sur mes étagères).

Décédé en 1976, trois ans avant la publication de Rousseau, Mirabeau, Robespierre… Manfred ne pouvait avoir eu connaissance des travaux de Bosc… Comment se pouvait-il qu’il ridiculise ses positions avec une quarantaine d’années d’avance?

Albert Manfred

La réponse est bien simple (que les savants me pardonnent!):

la thèse de Bosc est chez Albert Mathiez, auquel s’en prend vertement Manfred dans les passages reproduits ci-dessous (c’est moi qui mets en gras le second alinéa).

Certes, il faut dire que des voix franchement hostiles s’élevaient aussi, à peu près au même moment, dans les rangs de la démocratie. Auguste Blanqui condamne en termes d’une sévérité implacable toute l’activité de Robespierre. Le grand révolutionnaire du XIXe siècle critique Robespierre à partir de positions de «gauche», pour ainsi dire. Il considère Robespierre comme «un Napoléon prématuré», un dictateur et un tyran, et lui reproche particulièrement sa lutte contre les partisans de la déchristianisation et son «idée de l’Être suprême». À quoi attribuer une hostilité aussi véhémente à l’égard de Robespierre? Mathiez, qui fut le premier à publier, en 1928, les notes de Blanqui transmises à lui par Molinier, la met avant tout sur le compte du manque d’information: le «prisonnier» connaissait mal l’histoire de Napoléon la Révolution, il la voyait à travers l’Histoire des Girondins de Lamartine. Mathiez écrit: «Ces notes d’un homme politique qui ne connaît l’histoire que d’après le travail hâtif et plein d’erreurs d’un autre homme politique… Lamartine.»

On ne peut partager cette opinion. Les référen­ces à l’Histoire des Girondins de Lamartine que l’on trouve effectivement dans le manuscrit de Blanqui, s’expliquent, à mon sens, par le fait que Blanqui ne dispose pas d’autres ouvrages quand il écrit ses notes à la prison de Doullens en 1850. Mais dire que Blanqui, fils d’un député de la Convention, disciple de Philippe Buonarroti, membre de la Société des amis du peuple, dont «la réunion, selon l’expression imagée de Heine, avait l’odeur d’un vieil exemplaire relu, gras et usé du Moniteur de 1793», compagnon d’armes de Godefroy Cavaignac et d’autres «jeunes Jacobins» des années trente, dire que Blanqui qui ne connaissait la Révolution que d’après les ouvrages de Lamartine, c’est se laisser aveugler par une réaction momentanée d’irritation ou d’agacement.

Un certain nombre de preuves indirectes donnent à penser que Blanqui, sur cette question, ne subissait évidemment pas l’influence de Lamartine mais celle de la littérature historique des «thermidoriens de gauche», dont nous avons parlé en début de chapitre. Quoiqu’il en soit, ces notes de Blanqui ont joué un certain rôle dans la controverse sur Robespierre. Bien que restées non publiées du vivant de leur auteur, elles circulaient sous forme de copies manuscrites parmi ses adeptes. On retrouve l’influence directe du point de vue de Blanqui dans l’ouvrage de son disciple le plus proche, Gustave Tridon, qui fait l’apologie des hébertistes et tombe à bras raccourcis sur Robespierre, ainsi que dans le travail d’Avenel, qui s’en rapproche sur certains points, consacré à Anacharsis Cloots.

Dans l’historiographie du robespierrisme, côté démocratique, subsiste donc, parallèlement au courant favorable à Robespierre, une autre tendance en conflit avec la première, antirobespierriste, attaquant Robespierre de «gauche». Ce courant remontait des   «thermidoriens   de   gauche» – les   sans-dieu,   les athées Barère, Vadier – à Blanqui, de Blanqui à Tridon et, plus loin, rejoignait, par certains aspects, la conception   anarchiste   de   la   Révolution   française de P. Kropotkine . Mais ce courant hostile à Robespierre, même en ses jours fastes où il était symbolisé par le glorieux nom de Blanqui, ne s’est pas véritablement imposé dans la littérature démocratique. Malgré toute l’autorité et l’immense prestige moral de Blanqui, un bon nombre de ses plus proches partisans ne le suivaient pas sur la question de l’antirobespierrisme. Son plus vieux compagnon d’armes, Martin Bernard, par exemple, était un fervent admirateur de l’Incorruptible *.

* Mathiez, qui note avec raison la profonde divergence de vues entre Blanqui et Martin Bernard sur le personnage de Robespierre, émet l’hypothèse, non dépourvue de fondement, que Blanqui n’a pas publié ses notes de crainte de jeter la division dans son propre parti. Annales historiques de la Révolution française, 1928, n°4, p. 306-307.

Louis Auguste Blanqui

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Séminaire doctoral (S1) de l’Institut d’histoire de la Révolution Française (IHRF)

25 mardi Sep 2018

Posted by Claude Guillon in «Annonces»

≈ Commentaires fermés sur Séminaire doctoral (S1) de l’Institut d’histoire de la Révolution Française (IHRF)

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Albert Mathiez, Annie Jourdan, Frédéric Monier, IHRF, Mona Ozouf, Pierre Serna, Thomas Corpet

RÉVOLUTION, RÉPUBLIQUE ET CORRUPTIONS. 1789-1815 ET AU-DELÀ

Sous la direction d’Annie Jourdan, Frédéric Monier et Pierre Serna

Le mercredi de 17 h à 19 h
Salle Marc Bloch, escalier C deuxième étage Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 17, rue de la Sorbonne, Paris 5e

Attention : l’accès en auditeur libre aux séminaires de l’IHRF est toujours possible. Cependant, en raison du plan Vigipirate, les personnes qui ne disposent pas de cartes d’étudiant ou professionnelles de Paris 1 doivent contacter Thomas Corpet à biblio.ihrf@univ-paris1.fr quelques jours avant la séance à laquelle elles souhaitent assister.

Une année n’a pas suffi à pouvoir poser l’ensemble des questions autour de ce sujet toujours problématique, liant les institutions républicaines à leur menace mortifère, la corruption. Au contraire, la mise en place de la recherche appelle de nouveaux approfondissements par comparaison avec des modèles étrangers et surtout l’Angleterre, et une tentative poursuivie de mieux préciser les chronologies sans se restreindre à la période de la Révolution française.

Le beau titre du livre de Mona Ozouf, L’homme régénéré, dit à lui seul combien la corruption fut au cœur du processus révolutionnaire et comment la geste, commencée au mois de mai 1789 avait pour but de lutter spécifiquement contre ce qui était devenu un des marqueurs ontologiques d’un régime plus qu’ancien, en quasi putréfaction pour nombre d’acteurs radicaux prenant part à son effondrement.

225 ans plus tard, la corruption demeure un des poisons de la politique et fait le lit des populismes ou de lois plus ou moins efficaces de moralisation de la vie politique.

Qu’est-ce à dire? Qu’il existerait une «nature» de la corruption inhérente à une autre «nature» humaine par-delà les générations et les régimes? Ou que plutôt que de placer originairement la corruption, faut-il incriminer d’abord la politique dans ses jeux de liens, de vénalité, d’intéressement, d’influence, comme initiatrice de la corruption? Ne faut-il pas plutôt d’emblée distinguer et différencier les types de corruptions, passives, actives, personnelles, collectives, morale, structurelle, et les contextualiser de façon précise par l’étude de leurs acteurs, autant que leur mode de dévoilement et de discussion dans l’espace public. Que vaut- il mieux? Un pays qui est traversé de scandales liés aux phénomènes de corruptions qui parviennent à la connaissance du public ou bien un pays qui semble intègre et dont les élites cachent fort bien leurs délits par exemple? Évidemment, il vaut encore mieux un pays sans corruption, où la vertu s’impose à tous, mais est-ce là une utopie ou une dictature de la liberté, et où se trouve ce pays? Les travaux fondamentaux d’Albert Mathiez, en son temps, avaient démontré combien le gouvernement révolutionnaire avait consacré une partie de son énergie à lutter contre les formes de la corruption, tout en vantant la vertu comme socle de la citoyenneté, et nombre d’historiens ne voient du Directoire que la corruption de ces élites sans retenir le programme de construction des mœurs républicaines tentées par les savants entre 1795 et 1799. C’est donc autant une réflexion sur la république et ses travers, mais aussi sur les acteurs et les actions de la corruption au temps de la Révolution et de la mise en place du Directoire qui occuperont nos séances cette année avec des spécialistes français et étrangers pour évoquer l’engrenage de dysfonctionnements dans leurs dimensions conjoncturelle et structurelle.

De plus, cette année nous invitons une équipe de collègues contemporanéistes, travaillant depuis plusieurs années sur les pratiques de la corruption dans les républiques contemporaines. Puisque la Révolution française et les modèles républicains qui en sont l’héritage initient le monde contemporain, il peut être intéressant d’ouvrir l’arc chronologique et échanger sur les méthodes, les analyses et les résultats comparés de nos enquêtes, engagées depuis le 18e jusqu’au 20e siècle, et se donner le moyen d’étudier le fléau contemporain et originel de la cité républicaine dans ses formes spécifiques, fléau à éradiquer et renaissant différemment.

Chaque invité indiquera deux ou trois articles à lire afin de préparer son intervention. Ils se trouveront sur le site de l’IHRF.

L’exposé dure une heure, afin de laisser une heure de discussion.

______________

Téléchargez ICI le calendrier au format pdf.

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«À la recherche de “la Terreur”. Petit détour historiographique et proposition d’une méthode», par Jean-Clément Martin

23 vendredi Fév 2018

Posted by Claude Guillon in «Documents»

≈ Commentaires fermés sur «À la recherche de “la Terreur”. Petit détour historiographique et proposition d’une méthode», par Jean-Clément Martin

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Adolphe Willette, Albert Mathiez, Albert Soboul, Alphonse Aulard, Émile Littré, Billaud-Varenne, François Furet, Georges Lefebvre, Guillotine, Henri Wallon, Jacques Guilhaumou, Jean Jaurès, Jean-Clément Martin, Jean-Pierre Faye, Lutte des classes, Maurice Agulhon, Michel Mourre, Mona Ozouf, Mortimer-Ternaux, Robespierre, Terreur, Théophile Leclerc

Le «petit détour» qu’annonce modestement Jean-Clément Martin est en réalité un récapitulatif historiographique fort utile où se manifeste le don de synthèse de l’auteur d’une Nouvelle histoire de la Révolution française (Perrin, 2012).

Je suis seul responsable des illustrations (dont deux caricatures de Willette, et un tee-shirt imaginé par Gil).

 

À la recherche de «la Terreur».

Pour le philosophe Jean-Pierre Faye la formule : «Robespierre régna par la terreur» représente la «version standard de la terreur» opposée aux Droits de l’Homme et du Citoyen de façon mécanique[1]. Pour savoir comment et quand cette «version standard» a pu naître, nous proposons ici une brève excursion dans les traditions historiographiques en privilégiant celle qui se développa à la Sorbonne. L’approche est limitée à la définition et à la chronologie retenues pour parler de «la Terreur».

Commençons cependant par relever que l’imprécision des dates retenues pour parler de «la Terreur» s’est alliée sans peine avec la répétition du jugement. Quelques exemples tirés du passé suffisent pour illustrer le propos. Si l’historien Mortimer-Ternaux (1808-1872) hésite sur la date inaugurale de la terreur avant de la fixer au 20 juin 1792, jour où «l’anarchie» entra dans «l’asile inviolable de Louis XVI», il fait ensuite un récit détaillé des massacres successifs du «règne de la Terreur[2]». Quand l’historien et homme politique de droite Henri Wallon (1812-1904) publie en 1873 son «étude critique» sur la Terreur, il la fait commencer également le 20 juin, et établit d’emblée le lien entre 1793 et la Commune de 1871 [3]. Même le républicain Émile Littré (1801-1881) résume la période ainsi : «La terreur se dit absolument de l’époque de la Révolution française pendant laquelle le tribunal révolutionnaire et l’échafaud furent en permanence[4]», à quoi fait écho, au siècle suivant, le Dictionnaire de Michel Mourre (1928-1977) : «La terreur… était destinée à intimider les “ennemis de la nation”. Elle devait s’identifier au règne de la guillotine, mais elle se manifesta aussi par des mesures économiques draconiennes, telle que la loi du maximum… L’un des aspects les plus horribles de la Terreur fut le vaste système de délation organisé dans toute la France par la Convention elle-même[5]».

Considérons alors la tradition «universitaire» fondée, avec adresse, par le premier titulaire de la chaire d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne, Alphonse Aulard (1849-1928). Distinguant entre institutions officielles et réalités empiriques, il estime que si le «gouvernement révolutionnaire» est officiellement installé par le décret du 10 octobre 1793, il a débuté le 10 août 1792 quand l’Assemblée législative a pris en main le gouvernement et nommé les ministres, proposant des distinctions qu’il faut citer. «Le gouvernement révolutionnaire, dans son ensemble, est souvent appelé gouvernement de la Terreur. On appelle aussi Terreur la période où ce gouvernement exista dans toute sa force, ou même on remonte plus haut et on fait commencer la Terreur à la journée du 10 août 1792. On entend aussi par Terreur un système politique qu’on croit découvrir dans la république démocratique. Nous avons vu cependant qu’il n’y a rien de systématique dans la création du gouvernement révolutionnaire […] qu’il se forma empiriquement, au jour le jour [imposé…] par les nécessités successives de la défense nationale […] Mais, s’il n’y eut pas un système de terreur, il y eut bien réellement un régime de terreur» dont la caractéristique serait la suspension des principes de 1789 et qui aurait débuté en août-septembre 1793. Il conclut ainsi que l’usage du mot terreur a été «usuel», notamment le 5 septembre, quand Barère parla de placer «la terreur à l’ordre du jour».

La conclusion qu’il en tire est double. D’une part, «le gouvernement prit une étiquette terroriste, non certes par préférence ou par système, mais pour rassurer les Parisiens […] Dans la pratique, il essaya de faire prévaloir une politique humaine et modérée, mais avec des paroles parfois violentes». Si bien que ces mesures ne sont qu’occasionnelles et opportunistes : dès le 2 Germinal, pour «montrer qu’elle répudiait la Terreur, même comme un système provisoire», la Convention mit «la justice et la probité à l’ordre du jour» et supprima l’armée révolutionnaire[6]». Mais d’autre part, Aulard convient qu’«il n’existait plus aucune liberté quand le gouvernement révolutionnaire fut à son apogée. La moindre opposition exposait un citoyen à l’échafaud, y exposait même une femme.» Ainsi «dans la politique gouvernementale, surtout dans les discours, la terreur fut bien à l’ordre du jour pendant quelque temps[7]».

En rassemblant dans une dizaine de pages les principales mesures répressives prises à partir du printemps 1793 Aulard brouille finalement les jugements. La Terreur fut «effet et moyen du gouvernement révolutionnaire», «gouvernement de circonstance, créé pour le présent, empiriquement et sans système et sans plan», en même temps qu’une institution essentielle pour défendre le pays et porteuse de «préoccupations d’avenir», dont les limites avaient été vues et dénoncées par Danton, Robespierre et Billaud. En postulant l’unité de la Révolution et en n’interrogeant pas l’application des décisions prises, Aulard réussit à faire oublier la question de la réalité de «la Terreur».

Dans cette présentation, les luttes entre factions sont évoquées discrètement pour expliquer comment le courant robespierriste réussit à éliminer les autres, girondins, hébertistes, dantonistes, avant que toutes les mesures prises ne débouchent sur la «dictature de Robespierre[8]». Il n’hésite pas à qualifier de «terroristes» des décrets du comité de Salut public, comme celui qui décide de l’arrestation de Danton et de ses amis et juge que les comités de surveillance furent les agents «les plus violents de la “Terreur”[9]». Quelques années plus tard, Aulard prend des positions plus simples qui lui permettent d’éloigner la révolution en France de celle qui a lieu alors en Russie. Il souligne que la Convention, «tout en prenant des positions terroristes» (adjectif étonnant, le mot n’apparaissant pas avant fin 1794) ne mit pas «formellement la Terreur “à l’ordre du jour”». Si bien que Robespierre «guillotiné comme violent, n’avait jamais voulu faire de la violence un système, ni même un régime[10]».

Jean Jaurès partage cette position. Mais s’il ne dissocie pas «la terreur» de la politique de la Convention, il récuse l’expression «système de terreur» qui, pour lui, relève des arguments des contre-révolutionnaires[11]. Sous cette réserve, il accepte la formule «la terreur à l’ordre du jour» qui rendrait compte de l’existence de l’unité entre le mouvement révolutionnaire et la Convention. Il en conclut que «l’excès de la Terreur devait conduire à l’abolition de la Terreur» quand «la terreur» fut au seul service du gouvernement. Comme Aulard, Jaurès n’identifie pas les principes de 1789 avec le sang répandu.

C’est avec plus de détermination politique, qu’Albert Mathiez (1874-1932), élève, rival et successeur de fait d’Aulard, analyse «la Terreur» comme une «dictature de détresse[12]». Dans une conférence donnée en 1920 intitulée : «Robespierre terroriste[13]» comme dans les fascicules publiés entre 1921 et 1927 qui composeront plus tard La Révolution française, il compare «la Terreur» avec la situation de la France entre 1914 et 1918, lorsqu’elle installe l’état de siège, censure la représentation nationale, la presse et les communications privées, enfin fait comparaître les suspects de trahison devant les cours martiales. En 1920, il relevait que la Cour de cassation aurait réhabilité plus de 2 700 personnes qui avaient été condamnées par erreur pendant la première guerre mondiale, en soulignant que ce chiffre est supérieur à celui des guillotinés à Paris pendant «la Terreur».

Pour lui, celle-ci a été imposée par les Hébertistes le 5 septembre au travers de mesures précises : mise sur pied de l’armée révolutionnaire, organisation de réquisitions dans les campagnes ; elle est devenue permanente après le 17 septembre et le vote de la loi des suspects qui a donné «une impulsion vigoureuse» au gouvernement révolutionnaire[14]. Elle aura duré jusqu’au 9 Thermidor, culminant dans la dictature du comité de Salut public après l’élimination successive des opposants hébertistes et indulgents. Mathiez insiste sur le programme politique du comité élaboré dans le printemps 1794, réunissant la nation sous sa férule et organisant l’éducation, ce qui donne, pour lui, le sens de «la Terreur».

Mais comme il le dit : «La France révolutionnaire n’aurait pas accepté la Terreur si elle n’avait pas été convaincue que la victoire était impossible sans la suppression des libertés[15]», si bien que la victoire de Fleurus, le 26 juin 1794, rend «la Terreur» inutile et insupportable. Elle était justifiée par l’union de tous ceux qui la dirigeaient. Elle est «déshonorée» quand cette union est rompue et qu’elle n’est plus «qu’un vulgaire poignard» saisi par des révolutionnaires «indignes» pour frapper «les meilleurs citoyens», en premier lieu, Robespierre, condamné par ses anciens alliés[16]. À l’évidence, l’expérience de la révolution bolchevique, avec laquelle Mathiez rompt pourtant rapidement, est passée par là[17].

Lorsque Georges Lefebvre (1874-1959) accède à la chaire de la Sorbonne, en 1936, il reprend l’histoire de la Révolution là où Mathiez l’avait laissée, tout en lui donnant une inflexion importante. Ainsi son livre Les Thermidoriens, publié en 1937, s’ouvre-t-il par le rappel de la situation au 9 thermidor. Pour lui, la France est alors sous «la dictature du Comité de salut public» qui, devant «le péril extrême», avait donné au «gouvernement révolutionnaire» «la force qui lui manquait depuis 1789». «La Terreur» était l’expression de la «force coactive» qui avait permis la stabilité, la centralisation et la mobilisation générale du pays. Le succès militaire à l’extérieur comme à l’intérieur du pays allait «détendre les ressorts de la défense révolutionnaire[18]».

La fin de «la Terreur» est inévitable puisque la Convention «répugnait secrètement» à cette dictature et qu’elle pouvait saisir la division survenue entre les membres du comité de Salut public pour s’en débarrasser. L’Assemblée avait supporté que «la Terreur» soit mise à l’ordre du jour en septembre 1793 et que « a grande Terreur» soit imposée en Prairial an II ; mais elle ne «pouvait [pas] pardonner» à Robespierre de «l’avoir décimée» et d’avoir frappé ou inquiété «presque tout le monde[19]».

Ainsi «la Terreur» est-elle comprise comme la réponse légitime et obligée du gouvernement à la demande de «volonté punitive» réclamée par le peuple à l’encontre des comploteurs et des opposants. Alors que de 1789 à 1793, les gouvernants n’avaient ni évité les «effervescences» ni supprimé les menaces qui pèsent sur la Révolution, c’est avec «la crise de 1793 […] qu’ils entreprirent d’organiser la Terreur» pour empêcher le retour des massacres de septembre[20]. Ces phrases, tirées du livre La Révolution française de G. Lefebvre dans l’édition révisée en 1962 par Albert Soboul [1914-1982] alors qu’il occupait la chaire de la Sorbonne, résument bien la ligne que ces deux historiens – le maître et l’élève – défendent dans les années 1950-1960. Pour eux l’urgence poussa à la simplification des procédures judiciaires, à la centralisation de la répression envers les adversaires comme à l’intimidation des récalcitrants, sans que les mesures puissent être toutefois contrôlées par le gouvernement, qui dut laisser beaucoup d’autonomie aux sans-culottes et à ses émissaires. «La Terreur» fut ainsi le moment où «la force coactive» permit la restauration de l’autorité de l’État et l’acceptation des sacrifices indispensables. Quand «la Terreur» devint un pur instrument de gouvernement et se retourna contre les sans-culottes eux-mêmes, que «la grande Terreur» fut instaurée en Prairial, alors que «la victoire révolutionnaire» devenait assurée, le 9 Thermidor mit fin à ce gouvernement d’exception[21].

Il faut peser le sens de l’expression «force coactive» qui, dans une tradition juridique et religieuse, signifie «qui a le droit ou le pouvoir de contraindre». Ainsi l’Église, force coactive, ne pouvant pas infliger de peines, édicte des lois que le Prince applique. En considérant que la Convention fait appliquer ses lois par les districts et les comités révolutionnaires, le «gouvernement révolutionnaire» termine donc «les crises de la Révolution[22]». Cette interprétation supprime les hésitations d’Aulard sur la réalité et l’effectivité de «la Terreur», elle simplifie, en la reprenant, la démonstration de Mathiez et justifie donc la répression tout en reconnaissant que «la passion répressive[23]» allait trop loin et qu’elle s’était appuyée sur des «éléments qui l’étendirent inconsidérément et qui la polluèrent[24]». Elle participe de l’effort que G. Lefebvre avait entamé dès les années 1930 pour donner une vision cohérente, époque par époque, du cours de la Révolution. Cherchant à expliquer la succession des conflits par le choc entre classes sociales ou au moins entre groupes sociaux identifiés, la Révolution était la suite des révolutions aristocratique, paysanne, bourgeoise et enfin sans-culotte.

La synthèse des travaux d’A. Soboul telle qu’elle fut établie en 1982, reprit pour l’essentiel la démonstration mais en durcissant le trait : «La Terreur retrancha de la nation les éléments socialement inassimilables ou ayant lié leur sort à celui de l’aristocratie», elle «contribua à développer le sentiment de la solidarité nationale» et «fut en ce sens un facteur de victoire» après avoir brossé à grands traits l’examen du bilan humain de la période[25].

Les choses seraient simples si dans sa thèse publiée en 1958, A. Soboul n’avait pas, avec un grand souci de précision, établi les faits d’une façon qui conduisaient à d’autres conclusions. En dépouillant de très près les archives et la presse, il montrait que le 5 septembre 1793, lorsque la délégation des sans-culottes et des jacobins était entrée dans la Convention en demandant, avec d’autres réclamations, que la terreur soit mise à l’ordre du jour, «la Convention et le peuple manifestèrent leur désapprobation : la loi devait présider la terreur». La terreur n’était pas évoquée davantage dans le compte rendu de la journée, permettant de conclure que «la terreur légale l’emporte sur l’action directe prônée par les feuilles extrémistes» et annonçant «l’opposition inéluctable entre le Gouvernement révolutionnaire et le mouvement populaire[26]».

Si la demande de terreur fut bien réelle parmi les sans-culottes, la politique menée par la Convention fut donc d’en limiter les effets, d’éliminer les meneurs et d’en récupérer l’élan. Soboul montre ainsi l’Assemblée «résignée[27]» à accélérer la terreur avant de la confisquer, ce qui renvoie bien à la signification ambiguë de la journée du 5 septembre 1793. Ce n’est alors que par volonté de magnifier le mouvement populaire, malgré les faibles effectifs qu’il mobilise, que l’historien parle de «La Terreur» ou du «système de la Terreur[28]» alors même que dès décembre 1793, l’Assemblée récuse les attentes des sans-culottes, avant de contrôler étroitement leurs activités[29]. La «grande Terreur» de Prairial n’est plus que la mise en forme d’une rhétorique qui n’a plus de réalité politique[30].

Un courant critique, illustré notamment par l’historien Jacques Guilhaumou, a réagi en voulant distinguer la formule et la signification de «la Terreur[31]». «La terreur à l’ordre du jour» devrait être comprise comme le principe du mouvement révolutionnaire, faisant de «la Terreur» le moment d’une suspension des droits. Ainsi «le caractère de la terreur, c’est alors un enchevêtrement – où se lient Terreur et droits de l’homme sans se confondre – de projets énonçables dans la perspective d’une république démocratique, de procès sourds entre factions, d’institutions civiles émancipatrices, d’affrontements de langage au sein de la Convention détentrice d’un pouvoir législatif tout puissant, de pratiques terroristes et sanglantes dans des luttes politiques localisées, etc.». Il conviendrait alors «de renoncer à désenchevêtrer sans cesse ces éléments caractéristiques de la terreur» pour en conserver la dynamique, au risque de s’affranchir des vérifications érudites.

Relevons que cette ligne explicative de «la Terreur» qui identifie violences populaires et violences d’État, amalgame massacres et idéologie et confond vengeances et système de «Terreur», et garde l’usage de catégories données comme sûres («Jacobin» étant l’exemple le plus remarquable) ne se différencie pas en définitive des autres lignes, contre-révolutionnaire illustrée par P. Chaunu et J. Tulard ou «critique» conduite par F. Furet et M. Ozouf[32]. Remarquons qu’aucune de ces interprétations ne retient comme pertinente l’exacte similitude entre les tueries commises au nom de la Révolution et au nom de la Contre-Révolution. Ces dernières sont certes bien moins nombreuses que les autres, mais elles sont aussi moins étudiées ; or de Machecoul en mars-avril 1793 à la «terreur blanche» dans la vallée du Rhône, les modalités des mises à mort ne furent guère différentes de celles qui avaient été à l’œuvre en juillet 1789 contre Bertier et Foulon, ou pendant les massacres de septembre 1792. Qu’elles aient été commises contre la Révolution n’empêche pas qu’elles ont été le fait du «peuple» mécontent des autorités qu’il n’avait pas choisies et qui réclamait le respect de ses convictions. Toutes ces émotions s’inscrivaient, aussi, logiquement – personne n’en doute, mais qui en tire toutes les conséquences ? – dans les habitudes de rébellion que les ruraux et les citadins pauvres possédaient et pratiquaient depuis des siècles dans le royaume. De ce point de vue, l’épisode révolutionnaire ne se différencie pas des guerres de religion, dont la mémoire hantait tous les acteurs des années 1790, qui invoquaient régulièrement la Saint Barthélemy[33].

Aucune de ces trois lignes d’interprétations n’adopte cette lecture des faits ; toutes les trois, au contraire, postulent l’unicité entre les deux types de violences, populaire et étatique, et refusent d’intégrer dans leurs raisonnements le jeu politicien et l’instrumentalisation des mouvements sans-culottes. Pour les historiens opposants à la Révolution, tout fait sens, de septembre 1792, voire du 14 juillet 1789, aux charrettes de l’été 1794, en passant par la guerre de Vendée, il n’y eut qu’un mouvement unique qui dévasta le pays, sous la direction des révolutionnaires et principalement de Robespierre. Pour les partisans, l’encadrement politique de «la Terreur» répondit aux vengeances réclamées légitimement par le «peuple» instituant une «justice populaire» nécessaire en temps de crise. Dans tous les cas, le lien entre violence et politique est posé comme irréfutable et fondamental.

Papier à en-tête de la Commission révolutionnaire de Metz

Ce que je propose, au contraire, est d’insister sur l’importance des luttes politiciennes et des calculs tactiques, dès juillet 1789, surtout en 1793, avant qu’en juillet-août 1794 Tallien ne se révèle comme le plus talentueux des manipulateurs. En introduisant cette dimension considérée comme médiocre, puisqu’elle montre que les discours d’assemblée et leurs grandes envolées doivent être lus au prisme des rivalités de groupes et des enjeux personnels, nous n’avons pas la volonté d’«abaisser» la Révolution ou de justifier des actes injustifiables, mais simplement de rappeler que l’épisode révolutionnaire doit être lu comme tous les épisodes historiques, sans a priori idéologiques, sans tabous, et qu’il convient de juger les projets politiques en fonction de leurs conditions réelles de mises en œuvre, sans postuler à l’avance qu’il y eut une quelconque immédiateté entre les mots et les actes, sans vouloir lire les événements dans une perspective téléologique[34].

Un point doit être ajouté à propos du «gouvernement révolutionnaire» installé de facto après le 4 décembre 1793 qui, pour le dire d’un mot, suspend les élections, met toutes les institutions sous le contrôle direct de la Convention et de ses comités, et supprime ainsi toute distinction entre pouvoirs législatif, exécutif et pour partie judiciaire. La nature du régime mis ainsi en place est délicate à interpréter. Il n’y a pas suppression du droit, il y a même affirmation de la force de la loi, contre les mésusages commis pendant les mois précédents et qui sont condamnés : l’analogie peut se faire avec l’installation d’un état de siège, correspondant aux besoins d’un État en guerre[35]. La comparaison historique pourrait s’établir avec l’absolutisme de Louis XIV à la fin de son règne, mobilisant son royaume pour résister à l’Europe et réprimant les sujets indociles, les protestants pourchassés et réprimés dans la guerre des Camisards, qui n’a pas grand chose à envier à la guerre de Vendée. Billaud-Varenne est un des principaux protagonistes de ce gouvernement révolutionnaire, qui ne sera pas véritablement pris en considération six mois plus tard dans la dénonciation lancée contre Robespierre et «la Terreur» qu’il aurait dirigée. La «réalité» de la Révolution ne peut pas être appréhendée hors de ces luttes factionnelles, voire personnelles._________________

[1] Jean-Pierre Faye, Dictionnaire politique portatif en cinq mots, Paris, Gallimard, 1982. Jacques Guilhaumou, Discours et événement, l’histoire langagière des concepts, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006, p. 20.

[2] Mortimer-Ternaux, Histoire de la Terreur, Paris, Michel Lévy, 1863, t. I, p. 8-9.

[3] Henri Wallon, La Terreur. Étude critique de l’histoire de la Révolution française, Paris, Hachette, t. I, 1873.

[4] Émile Littré, Dictionnaire, Monaco, Éditions du Cap, 1966, p. 6276.

[5] Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Paris, Bordas, 1993, T. VIII, p. 4580. Relevons qu’après Thermidor, la guillotine ne fut jamais installée place de la Révolution (devenue de la Concorde).

[6] A. Aulard, Histoire politique de la Révolution française, Paris, A. Colin, 1909, pp. 357-359.

[7] Ibidem, p. 366.

[8] Études précises à propos de Robespierre dans Jean Ehrard, dir., Images de Robespierre, Naples, Vivarium, 1996.

[9] A. Aulard, Ibidem, p. 354.

[10] A. Aulard, «La théorie de la violence et la Révolution française», La Révolution française, 1924, pp. 97-117, ici pp. 112-113. Dans le même numéro, Boris Mirkine-Guetzévitch, «La littérature russe contemporaine», notamment pp. 333-355, parle de l’écho de l’article d’Aulard en Russie.

[11] Jean Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française, Paris, t. VI, p. 1157.

[12] Albert Mathiez, La Révolution française, Paris, Club du meilleur Livre, 1959, p. 398.

[13] A. Mathiez, Études sur Robespierre, Paris, Messidor/Éditions sociales, 1988, pp. 58-85.

[14] A. Mathiez, La Révolution… op. cit., pp. 424-425. Du même, «L’inauguration de la Terreur», Annales révolutionnaires, 1922, p. 477-496. Mathiez considère donc que la «Terreur légale» (p. 495) opposée «aux violences anarchiques rêvées par un Théophile Leclerc» (un Enragé) a été installée sans justifier davantage son point de vue. Il note aussi que l’élection à la présidence de la Convention de Billaud-Varenne atteste de l’entrée de l’hébertisme au gouvernement qui a imposé cette orientation, malgré Robespierre. L’article se poursuit en 1923, p. 89-111.

[15] Ibidem, p. 540.

[16] Ibidem, p. 551 et Études… op. cit., pp. 84-85.

[17] M. Vovelle, «La galerie des ancêtres», Combats pour la Révolution française, La Découverte, SER, Paris, 2001, pp.14-23.

[18] Georges Lefebvre, Les thermidoriens-Le Directoire, Paris, A. Colin, [1937] 2016, p. 17.

[19] Ibidem, pp. 18-19.

[20] G. Lefebvre [éd. révisée par A. Soboul], La Révolution française, Paris, PUF, 1968, pp. 414-415.

[21] Ibidem, pp. 415-422.

[22] J.-C. Martin, Nouvelle Histoire, op. cit., p. 407.

[23] G. Lefebvre, La Révolution…, op. cit., p. 421.

[24] Ibidem, p. 418.

[25] A. Soboul, La Révolution française, Paris, Éditions sociales, 1982, pp. 358-362.

[26] Ibidem, pp. 172-175.

[27] Ibidem, pp. 258-259.

[28] Ibidem, pp. 212, 224, 226, 234.

[29] Ibidem, pp. 258-259.

[30] Ibidem, p. 930.

[31] J. Guilhaumou, «Alphonse Aulard, Jean Jaurès et l’historiographie républicaine de la terreur», Revolution.net, mis en ligne le 5 janvier 2007, consulté le 21 mars 2017.

[32] Voir l’usage fait par Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989.

[33] Exemples : la « Saint-Barthélemy » des patriotes en Italie, AP, t. 73, p. 580, le 9 septembre 1793 ; la religion cause de la Saint-Barthélemy, AP, t. 79, pp. 548, 557, 20 novembre 1793 ; le roi imbécile qui ordonna la Saint- Barthélémy, AP, t. 80, p. 8, 24 novembre 1793.

[34] Voir Maurice Agulhon, «Débats actuels sur la Révolution en France», AHRF, 1990, 279, pp. 1-13.

[35] Ce qui n’a rien à voir avec un «état de siège fictif».

 

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