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De 1789 à 1799, la France est en révolution. Afin de rendre compte des événements et des bouleversements qui ont marqué ces années, et de permettre une autre lecture de l’histoire, l’Infographie de la Révolution allie récit et modélisation des données historiques. Grâce à la puissance d’analyse de Jean-Clément Martin, nourrie d’amples réflexions sur la période révolutionnaire, et au talent du data designer Julien Peltier, cette démarche originale et accessible permet de conjuguer conceptualisation et émotion, généralité et singularité. Les grandes journées révolutionnaires et les profondes mutations de la période peuvent alors être  comprises dans leurs multiples dimensions : les thèmes traités ici – la chute de la monarchie, la Terreur, la Contre-Révolution, la condition des femmes, la révolution militaire, la Vendée, l’esclavage, la déchristianisation… – le prouvent. C’est ainsi le foisonnement exceptionnel d’une période passionnante qui est saisi par les auteurs, grâce au supplément de sens porté par l’infographie.

Parution: 12 octobre 2021. 128 pages; Format 23 x 29 cm; 27 €.

J’ai déjà eu l’occasion de saluer ici le travail de Jean-Clément Martin et notamment sa capacité de synthèse (voir notamment sa Nouvelle histoire de la Révolution française). Il publie ces jours-ci un livre nouveau (et non seulement un nouveau livre) qui outrepasse l’usage maximal connu de l’infographie – soit comme illustration (c’était déjà le cas dans mes livres d’histoire de lycée), soit comme mode d’expression plus ou moins à égalité avec le texte (comme dans l’Atlas de la Révolution française, publié en plusieurs fascicules par l’EHESS).

Ici l’infographie est le moyen d’expression principal, au point de figurer dans le titre de l’ouvrage: Infographie de la Révolution française. Les textes viennent en appui aux infographies; ils les complètent. C’est donc un choix radical, un coup de force méthodologique, oserais-je, qui marquera un tournant. Il y aura un avant et un après, et d’autres «Infographies», de la Commune, du Grand Siècle, etc.

Évoquer un tel ouvrage (je ne prétends pas en «rendre compte») est périlleux puisqu’il ne s’agit plus (seulement) de faire la critique d’un texte, de l’analyse qu’il présente et des données factuelles qu’il fournit, mais (aussi) d’éprouver et de justifier une émotion esthétique.

La première impression peut être d’un «trop plein» qui nuirait à la lisibilité. La profusion de graphiques, de représentations colorées (qui intègrent des portraits de personnages), de pictogrammes, s’adresse à l’œil tout autrement que le bloc d’une page de texte imprimée, même agrémentée d’une carte ou d’un graphique. Il faut surmonter cette première impression pour s’immerger – avec plaisir – dans la masse d’informations retransmises avec un incontestable talent par Julien Peltier.

Au fond, je prend conscience que ma réticence instinctive vient de ce que cette mise en forme des connaissances disponibles à un moment donné sur un sujet donné – peut-être du fait de la réminiscence scolaire – pourrait prétendre être gravée dans les pixels, à défaut du marbre. Un peu comme s’il s’agissait d’un énorme «Retenons» de 127 pages.

Or Jean-Clément Martin – auquel je ne fais ici nul procès d’intention – dans ce livre, comme dans tous ses précédents, formule des propositions (certes à partir d’une connaissance intime peu commune du sujet «Révolution française»).

Je vais prendre l’exemple de l’année 1793, considérée du point de vue de la place des femmes dans la Révolution.

Comme on le voit l’année 1793 est considérée comme l’année du début du déclin pour les femmes. Ça n’est certes pas inexact, mais la présentation infographique fige et finalement, me semble-t-il, déforme l’information.

Je veux bien que l’on indique parmi cette «chronologie noire» la date du 24 juin (adoption de la Constitution) puisqu’en effet cette constitution ne donne pas davantage de droits politiques aux femmes que celle de 1791. Mais il se trouve que l’acceptation de ce même texte a été l’occasion de nombreuses manifestations féminines et même d’une critique féministe («ce texte que nous avions cru accepter», dit en substance une militante).

De même, l’assassinat de Marat par Charlotte Corday, s’il entraîne d’incontestables dégâts collatéraux pour les femmes est aussi l’occasion d’un mouvement d’appropriation/célébration par les Enragés et singulièrement par la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires. Par ailleurs, je ne m’explique pas l’absence du 30 octobre, date de l’interdiction des clubs de femmes.

Autrement dit, il me semble que l’année 1793 aurait dû figurer à la fois en rouge et en noir (je ne sais selon quel procédé graphique) puisqu’elle voit à la fois l’apogée du militantisme féminin et son interdiction définitive.

Remarque de détail maintenant: comme la nature (et Internet), l’infographie a horreur du vide causé par l’absence de portraits. Aussi, pour pallier ce manque, Jacques Roux et Claire Lacombe se voient représentées par les portraits que l’on trouve le plus souvent sur Internet, sans aucune garantie d’authenticité (un faux portrait n’est pas un pictogramme).

Ces réserves formulées, je ne doute pas que ce livre prenne une place méritée, non seulement dans les centres de documentation des lycées et collèges, mais dans la bibliothèque de toutes celles et ceux qui s’intéressent à la Révolution, assez pour lire ou consulter fréquemment des articles et ouvrages à son propos.

Passé la première découverte, goulue et brouillonne, cette Infographie de la Révolution française a vocation à figurer parmi les «usuels» auxquels on se reporte, à la fois par nécessité et pour le plaisir des yeux et des découvertes connexes inattendues.


NB. Je me permets de reproduire ci-après une autre infographie du livre, qui recoupe et illustre le débat relancé autour de la vidéo Robespierre, un terroriste?

 

Statut de l’ouvrage: offert au tenancier de ce blogue par l’auteur J.-C. M.

Page dédiée sur le site de l’éditeur: Passés/composés

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Les scans sont de piètre qualité, je m’en excuse. Le format de l’ouvrage se prête mal à l’exercice sur un appareil de bureau.