François Robert, auteur, dès 1790, d’une brochure intitulée Le républicanisme adapté à la France, époux de Louise de Kéralio prend ici (avant mars 1793) la défense de Paris, des journées de septembre et de Marat, lequel n’a pas encore été mis en accusation.
Louis Félix GUINEMENT, Chevalier de KÉRALIO (Rennes 1731-Paris 1793) Militaire et Académicien. Deux Pièces manuscrites XVIIIe concernant cette famille : « Mémoire pour M. De KÉRALIO, Chevalier de St Louis, Major d’Infanterie, premier Aide-Major à l’École Militaire, et chargé d’y enseigner les éléments de l’Art de la guerre. » pour exposer ses services et les divers ouvrages dont il est l’auteur. Manuscrit de 7pp in-folio, reliée de soie bleue. + Lettre autographe signée de Mme « D’ABEILLE DE KÉRALIO » de 1776, au Marquis de Bouthillier, en faveur du chevalier de KÉRALIO son beau-frère. 3pp grand in-8°.
J’avais d’abord feuilleté le livre en librairies, ce qui ne m’avait pas donné envie de l’acheter. Et puis j’ai lu des critiques enthousiastes et d’autres sur un registre dont j’ai souvent dit ici-même à quel point il m’agace : si-ce-livre-permet-ne-serait-ce-qu’à-une-lectrice-de-découvrir-l’histoire, etc.
L’Histoire, devrais-je écrire, puisque si l’on se propose de nous expliquer pourquoi elle a effacé les femmes, nous savons dès la première de couverture qu’elle a commis ce forfait à l’aide de sa grande « H » (plaisanterie connue).
Parce que je ne suis pas omniscient, je me reporte au chapitre 11 qui concerne mon domaine de recherches – « Révolutionnaires étouffées » – qui traite de la Révolution française.
Je vais y « apprendre » [pp. 179-180] ce que des dizaines de textes rédigés par des lecteurs et lectrices de Wikipédia m’ont déjà enseigné : Pauline Léon et Claire Lacombe « ensemble ont fondé la Société des Citoyennes républicaines révolutionnaires » (non).
Plus original, et non sourcé, comme de bien entendu, on m’explique que « ces femmes », expression qui englobe Pauline et Claire, Etta Palm d’Aelders, Louise de Kéralio, Olympe de Gouges et quelques autres « veulent des femmes dans la magistrature, dans l’armée et aux postes importants de l’Église. » Telle que formulée, et attribuée à un groupe aussi hétéroclite, cette prétendue revendication n’a tout simplement aucun sens.
Puisque j’en suis aux détails qui heurtent, voici la manière dont est évoquée la politique de Marat, à propos de sa meurtrière Charlotte Corday :
Devant les appels de Marat à tuer tout le monde. […] [p. 187]
Terrible petit bruit de la sottise qui heurte le zinc du comptoir du Café du commerce.
Le propos général de l’ouvrage est de mettre à portée du plus grand nombre ou au moins « d’un » plus grand nombre les travaux des historiens et historiennes, censés reposer dans des oubliettes éditoriales ou de poussiéreuses revues.
C’est mentir. De nombreux livres d’histoire, rédigés par des spécialistes atteignent des tirages très honorables.
Puisque Geneviève Fraisse est – à juste titre – citée et utilisée à plusieurs reprises par Lecoq, remarquons que l’on peut trouver en collection de poche Folio plusieurs de ses ouvrages, ce qui n’est pas précisément un signe de clandestinité.
Incompréhensible, et impardonnable, est l’absence de Christine Fauré, directrice d’une Nouvelle encyclopédie politique et historiquedes femmes (Les Belles Lettres, 2010).
Je vais m’attarder sur le problème des références. J’ai mentionné Fraisse ; on en rencontre d’autres, mais quant à savoir selon quels critères elles sont choisies pour figurer dans les notes, mystère et boule de gomme ! Disons que là où une référence est donnée, il en existe neuf qui sont tues.
De plus dans un livre qui se prétend outil de « passeuse » entre scientifiques et grand public, on s’attendrait à une bibliographie commentée, par exemple à la fin de chaque chapitre. Et avec les adresses ou au moins les noms de nombreux sites et blogues… Or, à part les notes de bas de page, il n’y a rien.
De temps à autre, l’autrice lance dans l’éther une incitation qui doit lui paraître suffisante. Ainsi à propos de Communardes, dont elle vient d’énumérer les patronymes.
Allez lire leurs vies [sic], elles sont toutes passionnantes. [p. 238]
D’ailleurs, quand on se plaint de l’invisibilisation des femmes dans l’histoire, comment ne pas signaler l’existence de deux associations (au moins) qui travaillent à conserver et mettre en valeur la mémoire des femmes:Mnémosyne, Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre et lesArchives du féminisme…
Quant au style, après un coup de chapeau à l’écriture inclusive, l’autrice se dispense du moindre point médian (il ne faudrait pas dérouter le grand public !). Elle adopte ici et là un style relâché, censé, je suppose, réduire encore les méfiances de celles et ceux qu’inquiète le bon français. Doit-on croire que la formule « un décret les chasse de l’armée » aurait rebuté beaucoup de monde ? Nous lisons : « Un décret les vire de l’armée » [p. 189]. Dans le même registre, pour qualifier l’action de Napoléon : « Après le bordel de la Révolution… ».
Ou bien ce livre n’a pas eu d’éditeur, ou bien il s’agit d’un procédé démagogique.
À défaut de relecture, l’ouvrage a bénéficié d’une campagne d’affichage publicitaire, et d’une préface de Michelle Perrot qu’elle conclut sur une formule dont on a compris que je ne la partage pas : « À lire absolument ».
On m’objectera, comme d’habitude, que – même vendu comme une savonnette et écrit avec les pieds – le livre est « sympathique » puisqu’il défend la visibilité des femmes dans l’histoire, et qu’il est possible que des jeunes gens et jeunes filles s’y découvrent un intérêt pour l’histoire des femmes. Il est impossible de réfuter un tel argument, ce qui indique assez son caractère non-scientifique.
En l’état, cet ouvrage non seulement n’apporte rien sur le sujet qu’il prétend traiter, mais se trouve très en retard (au moins dans le domaine qui m’intéresse) sur l’état présent de la recherche. D’honnêtes lectrices et lecteurs croiront de bonne foi tenir entre leurs mains un état actualisé des connaissances, quand ils·elles n’auront en main que le énième produit surfant sur la vague #MeToo – ça n’est pas moi qui fait le rapprochement, mais Michelle Perrot dans sa préface.
Ma dernière pensée (de ce billet) ira aux arbres, certes issus d’une « forêt gérée durablement »… Combien d’arbres pour faire savoir que Marat voulait « tuer tout le monde » ?
Jean-Baptiste Louvet de Coudray (1760-1797) est un écrivain libertin (Les Amours du chevalier de Faublas) qui soutint d’abord toutes les émeutes et tous les massacres (5 & 6 octobre, Septembre, 10 août). Membre en vue du Club des Jacobins, il est recruté par le ministre de l’Intérieur Roland pour qui il rédige le journal La Sentinelle. Élu par le Loiret, il siège à la Convention aux côtés des Girondins. Il s’y fait, sur sa droite, un adversaire systématique et violent de Robespierre. Il sera proscrit avec les Girondins. On peut mettre à son crédit un républicanisme constant, quoique affadi par l’âge et sa détestation des démocrates.
Louise-Félicité Guynement de Kéralio (1756-1822) est à la fois journaliste, traductrice et écrivaine. C’est une femme intelligente et cultivée qui a bénéficié de l’éducation offerte par son père Louis-Félix Guynement de Kéralio (1731-1793), lui-même écrivain et traducteur. Elle rédige plus de deux cents numéros du journal politique qu’elle a fondé : le Journal d’État et du citoyen, qui deviendra le Mercure national.
Membre de la Société fraternelle des patriotes de l’un et l’autre sexe, elle épousera François Robert, un militant républicain de la première heure dont elle partage les convictions. Ses positions bien peu avancées en matière de droit des femmes lui ont valu d’être qualifiée par Annie Geffroy de «pionnière du républicanisme sexiste[1]»
Elle en fournit un exemple dans la réponse à Louvet ci-dessous reproduite, expliquant que ce dernier la tire d’une «retraite où [elle] remplit en silence les devoirs d’épouse & de mère, où [elle] se borne modestement à la place que [lui] assignent les lois de la nature & les lois sociales.»
On appréciera par contre le style crâne avec lequel elle écarte le bruit – qu’elle juge malveillant – selon lequel Marat et Robespierre se seraient réunis chez elle et son mari:
Marat n’y est jamais venu, il n’y viendra jamais. Robespierre n’y est jamais venu, il y viendra quand il voudra.
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[1]Geffroy Annie, « Louise de Keralio-Robert, pionnière du républicanisme sexiste », AHRF, n° 344, avril-juin 2006, pp. 107-124.
En vente, cette jolie miniature représentant le républicain François Robert. Je reproduis ci-après la présentation du site de vente en ligne. Il convient d’y ajouter que Robert épousa la journaliste et autrice Louise de Kéralio.
Portrait de Pierre François Joseph Robert (1763 -1826), révolutionnaire qui œuvra pour la République et qui vota la mort de Louis XVI.
Miniature. Porte une inscription au dos qui l’identifie et l’attribue au peintre de miniature Chéreau. Époque début du XIXe siècle. Cadre ovale en bronze finement ciselé. Dim: 7,8 x 5,7 cm.
Elle peut être rapprochée du portrait peint en 1792 par Jean Louis Laneuville qui est exposé à Versailles depuis 1835.
Homme politique important durant la Révolution Française, Pierre François Joseph Robert (1763 -1826) est successivement avocat, professeur de droit, journaliste et secrétaire de Danton. Il est élu député à la Convention par le département de la Seine et sera fournisseur aux armée jusqu’en 1808. Il sera un des premiers avec Condorcet à préconiser la République en France, il crée en 1790 un journal Le Mercure National qui défend l’idée du Républicanisme.
Il fut un des fondateurs de la société des Amis des droits de l’homme et du citoyen en juillet 1790 ou Club des Cordeliers. Robert est aussi inscrit à la société des Amis de la Constitution ou Club des Jacobins. En avril 1791, il devient président du Club des Cordeliers et, sous son influence, les femmes y sont admises. Le 17 juillet 1791, il rédige sur le Champ-de-Mars la pétition demandant l’avènement de la République, prélude à la fusillade du Champ-de-Mars ce même jour. Le 11 août, Danton est nommé ministre de la Justice et François Robert devient son premier secrétaire.
Élu à la Convention nationale le 12 septembre 1792 en tant que député de Paris, il siège à la Montagne. Lors du procès du roi, il vote pour la mort de Louis XVI et le 20 janvier 1793 contre le sursis.
Régicide, il doit quitter la France en 1815 et s’établit marchand de liqueurs en Belgique.