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Colonies, Jean-Clément Martin, Jean-Jacques Rousseau, Lutte des classes, Vendée, Voltaire
05 mercredi Oct 2022
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in≈ Commentaires fermés sur “Penser les échecs de la Révolution” de Jean-Clément Martin (pour paraître le 27 octobre)
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Colonies, Jean-Clément Martin, Jean-Jacques Rousseau, Lutte des classes, Vendée, Voltaire
12 samedi Mar 2022
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in≈ Commentaires fermés sur “La Liberté vient de Dieu, l’Autorité des Hommes” ~ représentation allégorique de la Révolution
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Camille Desmoulins, Guillaume-Thomas Raynal, Mably, Marat, Prudhomme, Voltaire
École française du début du XIXe siècle. Toile. 74 x 94 cm. Le tableau est une représentation allégorique de la Révolution Française. Parmi les personnages ici montrés ; le journaliste Pierre-Jean Audouin, l’avocat Camille Desmoulins le journaliste Louis-Marie Prudhomme, le philosophe Gabriel Bonnot de Mably, Voltaire, historien, écrivain, penseur et prêtre Guillaume-Thomas Raynal, l’écrivain et philosophe Jean-Jacques Rousseau, et le médecin, physicien, journaliste Marat. En vente ici.
07 dimanche Nov 2021
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in≈ Commentaires fermés sur “Pétition [pour la liberté du divorce] à l’Assemblée nationale, par Montaigne, Charron, Montesquieu et Voltaire” ~ par A. J. U. Hennet
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Albert Joseph Ulpien Hennet, Anne Verjus, Divorce, Montaigne, Montesquieu, Pierre Charron, Voltaire
La brochure dont la couverture est reproduite ci-dessus (à partir, par commodité, de la version disponible sur Google livres), je n’en parle pas seulement parce qu’elle mérite d’être connue par toute personne s’intéressant à l’histoire du divorce (elle est citée ou au moins mentionnée dans les ouvrages abordant ce thème), ni même parce qu’elle vient d’entrer dans ma collection, mais parce que je la trouve remarquablement moderne de facture.
En effet, au-delà de l’humour du titre (qui fait pétitionner des morts célèbres, à qui on n’a pas demandé leur avis), elle est le résultat d’un étonnant travail de documentation journalistique. Peu m’importe ici de savoir si les informations fournies sont exhaustives (c’est peu probable) ou toutes pertinentes et exactes (c’est encore moins probable).
L’auteur fournit successivement, outre les citations déjà évoquées, une liste des «législateurs qui ont permis le divorce», une autre des «peuples où le divorce était ou est encore permis par les lois», une autre encore d’«ouvrages théologiques favorables au divorce», une quatrième d’«écrivains, moralistes et publicistes qui ont écrit en faveur du divorce». Dans l’actualité, l’auteur dresse une cinquième liste des ouvrages parus sur le sujet «avant l’ouverture des États-généraux», puis – très logiquement – une autre des ouvrages parus depuis cette ouverture. Il y ajoute – puisqu’il faut connaître ses adversaires – une liste d’ouvrages opposés au divorce. Et pour finir une petite revue de presse des articles publiés à propos d’un autre ouvrage de l’auteur, ou du divorce en général. En post-scriptum une analyse d’un projet de loi… du même auteur.
La brochure peut s’analyser comme une espèce de «dossier de presse» (de 67 pages tout de même !) que l’auteur consacre aux idées qu’il a développées dans Du divorce et qu’il continue à défendre dans ces pages. Cet auteur, Albert Joseph Ulpien Hennet, dont je dois dire que j’ignorais l’existence, j’en ai trouvé la biographie opportunément résumée par Anne Verjus.
19 jeudi Août 2021
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in≈ Commentaires fermés sur “Revue d’histoire littéraire de la France” ~ juillet-septembre 2021
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Aimé Césaire, Alain Faudemay, Alexis Lévrier, Almanachs, Élise Urbain Ruano, Daniel Ménager, Denis Diderot, Didier Philippot, Dominique Varry, Germaine de Staël, Gillian Pink, Jean-Alexandre Perras, Jean-claude Pingeron, Marie Thébaud-Sorger, Michel Delon, Mode, Nicolas Cronk, Odile Hamot, Olivier Millet, SimonDagenais, Sonia Cherrad, Victor Hugo, Voltaire
Dans cette nouvelle livraison, vous pourrez notamment lire un article d’Élise Urbain Ruano sur la presse de mode au XVIIIe siècle (et bien d’autres choses, comme en témoigne le sommaire ci-dessous).
15 jeudi Avr 2021
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in≈ Commentaires fermés sur “Voltaire, père des sans-culottes”
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Ce médaillon de cire est en vente sur ebay.
20 samedi Août 2016
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in≈ Commentaires fermés sur « L’Anarchisme au XVIIIe siècle », par Louis Proal
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1793, Anarchisme, Denis Diderot, Jacques Roux, Jean-Jacques Rousseau, Kropotkine, Louis Proal, Mably, Morelly, Robespierre, Roederer, Stéphanie Roza, Terreur, Voltaire
Louis Proal, était un personnage peu recommandable. Conseiller à la Cour d’Aix (1895), puis Conseiller à la Cour d’Appel de Paris en 1908, il a notamment commis La Criminalité politique (1895 ; Gallica) ainsi que Le Crime et le Suicide passionnels (1900 ; Gallica).
Publié dans deux livraisons de la Revue Philosophique de la France et de l’Étranger (t. 82 ; juillet à décembre 1916, pp. 135-160 & pp. 222-242), le (très long) texte que je republie ici ne tient pas complètement — autant vous en avertir — les alléchantes promesses de son titre : « L’Anarchisme au XVIIIe siècle ».
Cependant, outre la difficulté d’y accéder gratuitement, il m’a semblé qu’il existait quelques raisons de l’exhumer. Son intérêt est avant tout « historiographique ». Il montre comment un fonctionnaire au service de la bourgeoisie voyait la continuité entre les « philosophes des Lumières », la Révolution qu’ils sont censés avoir inspirée… et les révolutionnaires anarchistes de la période de la dite « propagande par le fait ».
Les indications fournies par notre magistrat sur la philosophie sont à prendre avec quelques précautions. On se reportera plutôt, entre autres, au récent ouvrage de Stéphanie Roza, déjà signalé ici : Comment l’utopie est devenue un programme politique (Classiques Garnier).
La méthode de Proal, une espèce de ping-pong chronologique (il s’en défend), est discutable : « Puisque Untel, anarchiste en activité, me cite une phrase de Rousseau, c’est donc que Rousseau était un protoanarchiste ». Mais son témoignage de chien de garde n’est pas sans intérêt… Il n’y a pas de raison de douter des propos qu’il rapporte ; ils attestent l’influence réelle de Rousseau, Diderot, et d’autres philosophes sur les militants anarchistes de la fin du XIXe siècle (ainsi que la soif de culture de ces derniers).
Je signale au passage un terme inconnu de moi, qui a valu à M. Proal quelques citations de son texte dans d’autres ouvrages, c’est le mot « restitutionnaire », avancé par un anarchiste pour remplacer le banal « voleur » par quoi on le voulait qualifier. Ma connaissance du mouvement libertaire n’est pas assez étendu pour trancher si ce terme y était en usage. Je l’ai trouvé dans une comédie de M. de Romagnesy, comédien italien du roi, intitulée Le Temple de la vérité, représentée pour la première fois en 1726. Pour définir une confusion totale des valeurs, l’auteur écrit : « Le médisant devient charitable, le voleur devient restitutionnaire ». Voilà une occurrence du XVIIIe qui confirme à point les soupçons de M. Proal ! Le mot, l’adjectif plutôt (quoique inconnu de Littré) survit encore au XXe siècle, puisqu’on dit (mais le récit d’audience est trop embrouillé pour en tirer des conclusions) que tel personnage, partie d’un procès, est « un voleur restitutionnaire » (Journal du Loiret, 6 mars 1901).
Littré connaît par contre « restitueur », aujourd’hui disparu, et qui désignait l’auteur ayant rétabli un passage oublié d’un texte ancien. Me voici donc plus ou moins restitueur des fantaisies philosophicopolitiques du magistrat Proal. Puissent les mânes de tous les restitutionnaires [1] et autres pratiquants de la « reprise individuelle » ne pas m’en tenir rigueur.
PS. Je serais étonné de ne pas avoir omis quelques (?) coquilles parmi la profusion engendrée par le logiciel de reconnaissance de caractères.
L’anarchie n’est pas née d’hier, elle n’a pas éclaté subitement ; il n’y a pas d’anarchie spontanée. Tout a une cause. Les causes de l’anarchie sont multiples ; il y en a de politiques, d’économiques, mais il y en a aussi de littéraires et de philosophiques. L’anarchie n’est pas uniquement issue de l’Internationale et de la Commune ; elle est le résultat d’un long travail de destruction qui s’est fait dans les esprits. On a commencé par faire la guerre aux croyances religieuses en voulant conserver le déisme et la spiritualité de l’âme ; puis on a combattu le déisme et le spiritualisme comme de simples dogmes théologiques, en ne voulant garder que la morale naturelle et indépendante. Bientôt, l’obligation et la sanction de la morale ont été méconnues, et le devoir a été remplacé par le droit individuel, par la culture du moi. De négation en négation on est arrivé au nihilisme moral et, de là, au nihilisme politique. Jouffroy, dans son étude sur le Problème de la destinée humaine, avait prévu ce passage de l’anarchie morale à l’anarchie politique. « Le mouvement du XVIIIe siècle, dit-il, continue dans les masses et n’est pas près d’y être achevé. Le jour où l’on se trouvera à vide entre deux croyances, l’une détruite et l’autre à faire, sans foi morale, sans foi religieuse, sans foi politique, sans idées arrêtées d’aucune espèce, sur les questions qui font palpiter l’humanité, alors les esprits s’élançant à la recherche de la vérité dans des directions différentes et se dispersant avec le même fanatisme sur des milliers de routes qui s’offriront à eux, il faudra que le bon sens de l’époque soit bien puissant s’il ne se manifeste pas dans les masses une agitation, une effervescence, une anarchie dangereuse. »
L’Assemblée constituante avait fait une énumération assez complète des droits de l’homme et du citoyen. Elle avait proclamé la souveraineté du peuple, la liberté individuelle, l’égalité devant la loi par la destruction des privilèges; l’égale répartition de l’impôt entre tous les citoyens, l’admissibilité de tous aux dignités et fonctions publiques, la liberté de conscience, la liberté de parler et d’écrire, l’inviolabilité de la propriété, le droit de concourir à la confection des lois. Les Jacobins ont trouvé insuffisante cette énumération des droits ; ils ont réclamé et exercé le droit au régicide, le droit à l’insurrection. Puis vinrent les fouriéristes et les romantiques, qui demandèrent le droit à l’amour libre et à l’adultère. Les socialistes de 1848 complétèrent la liste des droits de l’homme et du citoyen par le droit au travail et le droit à l’assistance. L’anarchie aujourd’hui est le résumé de toutes ces revendications, c’est la négation de tous les devoirs envers la société et la famille et la revendication de tous les droits. Ils ajoutent même de nouveaux droits à la liste des droits du citoyen ; ils réclament le droit à la paresse, le droit au vol, le droit à l’assassinat, le droit à l’avortement, le droit au sabotage, et le droit à la « chasse au renard [2] ».
Des hommes d’État et des historiens ont tellement répandu cette idée que le progrès ne s’accomplit que par la force, que les masses ouvrières s’imaginent que le meilleur moyen d’améliorer leur condition est de faire une nouvelle révolution. De l’histoire, qui devrait être pour le peuple une école de morale et de justice, des écrivains en ont fait une école d’immoralité et d’injustice, de violence et d’anarchie. À l’exception de quelques historiens qui, au nom de l’humanité et de la justice, ont flétri les crimes révolutionnaires, d’autres les ont excusés et par suite ils en ont favorisé l’imitation. Ne croyant qu’à la force et n’admettant que le droit au bonheur, les anarchistes n’attendent que d’une révolution violente le triomphe de leurs idées ; comme les terroristes de 93 et les apologistes des crimes révolutionnaires, ils pensent que le progrès de l’humanité ne peut pas s’accomplir par une évolution pacifique, qu’une révolution violente est nécessaire et légitime. « Tout ce qui favorise le triomphe de la révolution est légitime, dit Bakounine ; tout ce qui l’entrave est immoral et criminel [3].» Le mot de révolution est un mot magique qui enflamme l’imagination des anarchistes : Caserio poignarda le président Carnot au cri de : « Vive la révolution ! »
N’y a-t-il pas eu aussi un état d’esprit anarchiste chez un grand nombre d’écrivains romantiques qui ont glorifié la passion et la révolte contre la société ? À la différence de la littérature classique, qui règle l’imagination et la sensibilité par la raison, et qui, par suite, est une littérature conservatrice et sociale, le romantisme n’a-t-il pas été une littérature antisociale et révolutionnaire ? Le droit à l’amour libre et le droit à l’adultère sont revendiqués dans les romans romantiques, comme dans les brochures anarchistes ; des extraits de George Sand sont cités en épigraphe dans une brochure anarchiste, intitulée : « L’immoralité du mariage ».
15 mardi Sep 2015
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in≈ Commentaires fermés sur De la raison, de la croyance & du bien (1794)
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«Culte de la Raison», Jean-Jacques Rousseau, Molière, Montaigne, Quimperlé, Spinoza, Voltaire
Dans son discours pour l’inauguration du «temple de la raison» de Quimperlé, le président du District l’affirme en 1794 : même la raison ne doit pas être considérée comme une divinité, mais — d’un point de vue matérialiste — comme une « opération mentale », un raisonnement.
Sans oublier que la raisonneuse et le raisonneur sont gens qui soulèvent des objections pour ne point obéir (« Mesle-toy de donner à teter à ton enfant, sans tant faire la raisonneuse. » Géronte, dans Le Médecin malgré lui de Molière).
Les points de suite sans crochets et les capitales sont dans l’original.
«[…] Ce temple, dépouillé de ses vains ornemens, me charme par sa nudité ; elle cessera sans doute sous les emblêmes et les tableaux de la liberté ; sans doute un jour les bustes des grands-hommes orneront ces murs dépouillés ; la reconnoissance y placera les noms des premiers philosophes auxquels nous devons les lumières ; nous y lirons plus particulièrement ceux de Henri Etienne, de Monta[i]gne[1], de Bayle, d’Hobbes, de Spinosa, de Voltaire, et de Rousseau… Nos montagnards, ceux dont le caractère exécuta ce qui paroissoit nécessaire, mais reculé, mais presqu’impraticable aux plus hardis calculateurs, y seront rappellés à la mémoire de la postérité, par le burin, le marbre et le pinceau… Mais prévenons d’avance l’enthousiasme qui conduit à la déraison ; et quand l’expérience a démontré qu’un pain, signe de fraternité, souvenir d’amitié, de respect, fut divinisé par le temps ; que les signes du zodiaque, les instrumens du labourage, les nuages que le vent balance, les légumes de nos jardins, reçurent, de leur consécration dans les temples, reçurent, de la reconnoissance, un caractère divin, furent respectés, adorés, qu’on leur éleva des autels… craignons le même égarement dans le temple de la raison ;… honorons les bienfaiteurs de l’humanité, sans oublier qu’ils sont des hommes, et sans créer de nouveaux saints.
Je le dis ;… la raison le commande ;… la raison même n’est pas une divinité, j’ose le publier dans son temple, et c’est sa voix qui le prescrit ; laissons à l’Égypte, à la Grèce leurs emblématiques divinités, et l’hyérogliphique Isis, la mystérieuse Cérès, Pan, Cibèle, Janus aux quatre fronts, tous ces enfans des rêves de nos pères ; contentons-nous, sur cet autel, de tracer, en gros caractères, cette inscription peu saillante, parce qu’elle ne parle pas à l’imagination ; elle préservera peut-être nos neveux d’une stupide idolâtrie.
LA RAISON EST LE RÉSULTAT D’UNE OPÉRATION MENTALE QUI NOUS FAIT CONNOITRE LE BIEN, ET NOUS PORTE A LE PRATIQUER.»
Discours prononcé par le président du district de Quimperlé, le 30 nivose, à la dédicace du temple de la raison. Imprimé par arrêté de la Société populaire régénérée. A Lorient, de l’Imprimerie de veuve Baudoin, rue du Port, n° 10, [19 janvier 1794], 8 p. pp. 6-7 (AN : F/17/1009/C).
________________
[1] Emporté(e) d’avance par l’élan montagnard de la phrase suivante, l’imprimeur(e) a omis le « i » de Montaigne, en faisant ainsi le philosophe prédestiné de la Révolution.
On a néanmoins souvent représenté la Raison comme une déesse. Elle joint ici la pique à l’arme de la critique.
06 samedi Sep 2014
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in≈ Commentaires fermés sur Étrennes nationales des dames (1789)
On ne connaît qu’un exemplaire de ces Étrennes nationales des dames (disponible sur Gallica, en mode « image »). Même s’il se présente comme un journal rédigé par « une société de gens de lettres », ce qui est vague quant au genre, l’unique livraison s’ouvre sur un long article signé d’une M[arquise] de M***, laquelle s’affirme l’une des coopératrice de l’entreprise.
La marquise reprend un catalogue de références « féministes », très usitées à l’époque, parmi lesquelles les Gauloises tiennent une bonne place. Cependant, cette référence n’est point trop éthérée, puisqu’elle s’appuie sur les très tangibles et récents événements des 5 & 6 octobre 1789, deux mois avant la publication du journal.
Les Parisiennes, nous dit-elle, ont montré qu’elles pouvaient être « pour le moins aussi braves et aussi entreprenantes » que les hommes. Cette référence positive aux émeutières et marcheuses sur Versailles est, elle, tout sauf banale. Deux mois après, même si la famille royale a fait contre mauvaise fortune bon cœur et rallié la capitale, il ne fait pas bon afficher son soutien à des femmes qui seront recherchées, et pour certaines emprisonnées, avant de devenir officiellement, en 1793, les « héroïnes des 5 et 6 octobre ».
Les femmes, écrit l’auteure, ne sont pas simplement dans un état d’infériorité, mais d’esclavage. Et il ne manquerait plus que les hommes, « avec leurs système d’égalité et de liberté et leurs déclarations de droits », en profitent pour proroger cet état servile. Nous savons aujourd’hui combien la marquise de M*** était fondée à se méfier et à mettre en garde ses concitoyennes (elle utilise le terme).
Les femmes, ajoute-t-elle encore, ont autant de droits à avoir des représentantes à l’Assemblée nationale que la noblesse et le clergé. D’ailleurs, si elles méprisent les uniformes, le « désir de manier un sabre [leur] porte au cœur ». Elles se proposent donc d’être « les amazones de la Reine ».
Comme pour tous les « textes anonymes féminins », le genre de l’auteur de celui-ci peut être discuté. Remarquons d’abord — ce n’est ni la première fois ni la dernière — que cette interrogation ne vient jamais à l’esprit des commentateurs lorsqu’un texte est présenté par son éditeur, ou par son inventeur, comme un texte « d’homme » : le genre masculin va de soi. Ainsi, tous les textes anonymes présentés comme rédigés par des hommes sont acceptés tels sans examen, tandis que les textes anonymes de femmes sont d’abord suspectés d’être des contrefaçons, c’est-à-dire d’appartenir en fait au genre masculin.
Dans le cas d’espèce, je ne vois pas de raison de douter du genre de l’auteure, n’étaient deux fautes d’accord dont nous ne savons même pas si elles sont de sa responsabilité ou de celle de l’imprimeur. Sinon, rien d’écrit là qui ne puisse l’être par une femme. Une femme d’esprit, et de culture, ayant assez d’esprit pour se moquer de sa culture (« je sais autant de latin qu’il en faut pour être Ministre ou du haut Clergé »). Une femme « dans toute la force du terme », résolument moderne jusque dans sa conception du journalisme, mêlant habilement la mode et la politique, et dans un programme social et érotique qu’il faudra presque deux cent ans pour commencer d’appliquer : « En matière de séparation ou de divorce, vous rendrez justice à vos Concitoyennes ; et, dans le ménage même, vous prouverez aux volages et aux ingrats que la femme est à l’homme égale en droits, et vous prouverez, égale en plaisirs. »
Étrennes nationales des dames, par M. de Pussy et une société de gens de lettres, n° 1, du 30 novembre 1789.
Mesdames et Mesdemoiselles,
Les Gauloises jadis ranimoient au combat le courage chancelant de leurs guerriers. Le 5 octobre dernier, les Parisiennes ont prouvé aux hommes qu’elles étoient pour le moins aussi braves qu’eux, et aussi entreprenantes. L’histoire et cette grande journée m’ont déterminés [sic] à vous faire une motion très importante pour l’honneur de notre sexe. Remettons les hommes dans leur chemin, et ne souffrons pas qu’avec leurs systêmes d’égalité et de liberté, avec leurs déclarations de droits, ils nous laissent dans l’état d’infériorité; disons vrai, d’esclavage, dans lequel ils nous retiennent depuis si long-temps.
Je suis si convaincue de la justice de notre cause, que si vous daignez me seconder de la séduction de vos charmes et du pouvoir de votre esprit, nous dicteront à nos adversaires, les hommes, la capitulation la plus honorable pour notre sexe. S’il se trouvoit quelques maris assez aristocrates, dans leurs ménages, pour s’opposer au partage des devoirs et des honneurs patriotiques que nous réclamons, nous nous servirions contre eux des armes qu’ils ont employées avec tant de succès. Je leur dirois : “Vous avez vaincu, en faisant connoître au peuple sa force, en lui demandant si vingt-trois millions quatre cents mille ames devoient être soumises aux volontés et aux caprices de cent mille familles brévetés par la tolérance et l’opinion. Dans cette masse énorme d’opprimés, n’y avait-il pas au moins la moitié du sexe féminin ? Et cette moitié doit-elle être exclue, à mérite égal, du gouvernement que nous avons retiré à des enfans qui en abusoient”.
Vous avouerez, mes chères Concitoyennes, que si nous avions de nos sœurs dans les Districts, à la Commune, dans l’Assemblée Nationale même, il y auroit moins de partage et moins d’aristocratie dans les grands et les petits corps. Ici, on ne rappelleroit pas sans cesse à l’ordre du jour ; là, à l’ordre des choses ; et tout iroit mieux.
Que de talens enfouis, si le protestant qui dirige nos finances, et l’Archevêque qui scelle les sanctions royales, s’occupoient, l’un de la confession d’Ausbourg, l’autre des Séminaires et des Prêtres de sa contrée ! N’oublions pas les Irène, les Blanche, les Élisabeth, les Christine et les Catherine ; gravissons les hauteurs où nous pouvons atteindre ; et, si nous parvenons enfin à nous y reposer, quelle source inépuisable de biens pour la Nation et de gloire pour nous ! Que l’esprit de raison, de justice et d’égalité, qui a détruit l’esclavage des François, la servitude des montagnards du Jura, et qui va briser les chaînes des Africains, nous conduise dans les Assemblées régénératrices de la France, nous porte jusques dans le Conseil des Rois, et prouve que nous manquions dans les départemens. Si nous les avons bouleversés, c’est que nous n’y entrions qu’en domino. Demandons des Représentantes à l’Assemblée Nationale. Notre sexe y a plus de droit que les deux Corps moraux, qui se réunissent avec tant de peine à la grande masse nationale. Les Gaules, avant le gouvernement des Druides, furent gouvernées par les femmes. Plutarque rapporte que, dans le traité d’Annibal, marchant à Rome pour passer dans la Gaule, il étoit stipulé que toute contestation de Gaulois à Carthaginois, seroit jugée sur les lieux par les femmes Gauloises 1. — La confiance des Germains et des Gaulois, dans notre sexe, se soutint aussi long-temps que le paganisme. Elle passa dans le christianisme, en choisissant des femmes pour patronnes des villes. — Ces Nations, dit Tacite, ne négligent pas les oracles des Druidesses, et font grand cas de leurs conseils ; car ils pensent qu’ils sont dictés par La Divinité. Nec earum consilia aspernantur, aut responsa negligunt : inesse quin etiam sanctum aliquid et providum putant 2. Vous voyez, chères Concitoyennes, que, pour mon compte, je sais autant de latin qu’il en faut pour être Ministre ou du haut Clergé.
Il est temps que nous entrions à la Ville : on y a besoin de nos graces pour faire diversion à l’ennui des détails, au quakérisme des Districts, et pour que nos trois cents Spartiates ne meurent pas aux Thermopyles, sous les dards des Perses environnans.
On nous demande à grands cris dans les 60 Districts, pour y faire sentir le ridicule de la loquacité, surveiller les Tribuns du peuple, de race patricienne, et nous opposer au faux-filage des ambitieux Citoyens dans la grande chambre de l’Hôtel-de-Ville.
Enfin, les Prétoriens et les Légions nous verront avec plaisir, non-soldées, partager les gardes laborieuses et fatigantes dont ils sont accablés. Ce n’est pas que la fantaisie de porter des uniformes nous monte à la tête ; mais le desir de manier un sabre nous porte au cœur. Eh bien !… Si les hommes veulent se réserver la garde du Roi, nous serons les amazones de la Reine.
Pour opérer cette révolution, donnons à la raison pour aides-de-camp, les graces, les ris, les jeux, la frivolité, la mode même. Je serai volontiers le Journaliste de la Générale et de la Cour. L’Assemblée Nationale a des Vates dans son sein ; les Aristocrates ont leur teinturier à cocarde noire. Eh ! pourquoi pas, puisque les enfers ont leur chapelain. Enfin… Est-il si mince cotterie, Qui n’ait son bel esprit, son plaisant, son génie 3 ?
Or, puisque tout le monde s’avise d’avoir un prosateur à ses ordres, je serai, mes chères Concitoyennes, votre humble troubadour. Un M. profond, qui travaille pour une machine qui a bien de la peine à se monter, m’a proposé de s’unir à mes travaux : mais semblables aux Aristocrates, qui ont tant de peine à oublier leur nom pour être quelque chose, ce M. profond m’a dégoûté [sic] par ses profondément étonné, indigné, pénétré. Au contraire, des Journalistes qui habitent les faîtes, il semble qu’il ait choisi un puits pour laboratoire. Hélas ! la vérité y est toujours cachée.
Moi, femme dans toute la force du terme, j’aime les fresques plaisantes. Aussi, les matières les plus graves seront plaquée avec les traits les plus burlesques. J’espère que cette mosaïque ne déplaira pas aux hommes qu’il faut faire rire. Les malheureux ! ils n’ont pas ri depuis longtemps. Je laisserai aux folliculaires mâles, l’art ennuyeux de découper, comme des chenilles, le verd naissant de l’arbre national. Faisons-en plutôt un mai fleuri, couvert de rubans, de guirlandes et de fruits. Ne touchons point à ces laboratoires, où avec une mixtion de charbon, d’encre et de papier, on rêve à la pierre philosophale : nous distillerons des parfums, des essences. Voilà le coloris des Étrennes nationales des Dames.
Si vous daignez m’aider dans mon projet de restauration, que d’avantages, Mesdames et mesdemoiselles, n’en retirerez-vous pas ?
Il faut toujours que la femme commande, / C’est-là son goût. (Conte de Gertrude4)
Or, vous serez maîtresses à la maison, si vous pouvez l’être sur la place publique. Pendant que vous serez au camp, un grand nombre de vos maris fileront comme Hercule, ou se coucheront comme des Caraïbes. En matière de séparation ou de divorce, vous rendrez justice à vos Concitoyennes ; et, dans le ménage même, vous prouverez aux volages et aux ingrats que la femme est à l’homme égale en droits, et vous prouverez, égale en plaisirs.
Votre journal, Mesdames et Mesdemoiselles, paroît d’aujourd’hui 30 novembre, et trois fois par semaine, les Lundi, Mercredi et Vendredi. Il ira vous chercher.
Vous y trouverez les Décrets de l’Assemblée Nationale, les transactions des Municipalités de Paris et autres Villes principales du Royaume ; les décisions des Assemblées provinciales ; les Jugemens du Châtelet de Paris, comme Tribunal institué pour juger les crimes de lèze-Nation ; ceux des Tribunaux de France ; les nouvelles de la Cour des Tuileries et des Cours étrangères ; des extraits de Gazettes angloises et étrangères. Enfin, vous aurez des vues sur l’administration politique, civile et militaire ; des indications sur le commerce, l’industrie et l’agriculture. Sciences et arts, romans, anecdotes, historiettes, vers, théâtre, modes, découvertes ; oh ! vous aurez bien des choses, et qui, mes chères Concitoyennes, vous occuperont à la toilette trois matins par semaine. Mais je ne veux point vous présenter de Prospectus, ils ressemblent pour l’ordinaire à de fausses enseignes.
Mes co-opérateurs et moi, nous allons faire tous nos efforts pour remplir dignement notre tâche, et opérer une révolution en faveur d’individus charmans, que l’injustice des hommes, quoique devenus libres, ne se lasse point de traiter en Tiers-Etat.
Vos Etrennes contiendront 8 pages au moins, grand in-8°, caractère petit romain, et souvent 12, quelquefois 16 pages, suivant l’abondance des matières.
Prix de la souscription, pour un an, 24 livres ; pour six mois, 12 liv., franc de port pour Paris et la Province.
On souscrit rue Neuve-Saint-Eustache, N° 48, chez M. de Pussy, collaborateur, et chez tous les Libraires de la Capitale et de la France. On peut envoyer l’argent par la poste (*). Toutes lettres seront affranchies, sans quoi elles ne seront pas retirées. Il en sera de même des envois qui seroient faits à dessein d’être insérés dans le Journal.
Allons, chères Concitoyennes, abonnez-vous, et envoyez-nous des raisons, des faits et des pièces contre ces hommes injustes. Dans peu, nous obtiendrons d’eux l’existence politique.
J’ai l’honneur d’être,
Votre très-h. et t. o. servante
[La formule classique est : « très humble et très obéissante ».]
L. M. D. M.
(*) Les personnes qui desireront recevoir les numéros subséquens, sont priées de souscrire au Bureau, à Paris, ou chez les Libraires et Directeurs des Postes.
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1 « Avant que les Gaulois eussent franchi les Alpes pour s’établir dans cette contrée de l’Italie qu’ils habitent aujourd’hui, il s’éleva parmi eux une sédition violente qui dégénéra en guerre civile. Les femmes s’étant jetées au milieu des combattants, se firent instruire du sujet de leurs querelles, et les jugèrent avec tant de justice et d’impartialité, qu’elles rétablirent la paix parmi eux. Depuis, les Gaulois ont conservé l’usage de délibérer de la guerre et de la paix avec leurs femmes et de les choisir pour arbitres des différends qu’ils ont avec leurs alliés. Dans le traité qu’ils firent avec Annibal, il fut stipulé que si les Gaulois avaient quelque plainte à former, le jugement en serait remis aux préteurs et aux généraux carthaginois en Espagne ; qu’au contraire, si les Carthaginois avaient à se plaindre, les Gauloises seraient juges de la contestation. » « Les vertus des femmes », in Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par [l’abbé] Ricard, t. 1, 1844 [é. o. 1783] , pp. 581-582. [Note C. G.]
2 Tacite, De situ moribus et populis Germaniæ. in Traduction complette de Tacite, par J.-H. Dotteville, Paris, 1799 (4e éd.), pp. 294-295. [Note C. G.]
« Inesse quinetiam sanctum aliquid et providum putant : nec aut consilia earum aspernantur, aut respons negligunt. »
« On rapporte que les femmes ont empêché quelquefois la déroute des armées qui commençoient à plier ; qu’elles ont rétabli le combat par leurs remontrances, par leurs prières opiniâtres, en présentant leur poitrine, en peignant les horreurs prochaines de la captivité. […] Ils vont jusqu’à croire que ce sexe a quelque chose de divin, et des lumières sur l’avenir. Dociles à ses conseils, ils les regardent comme des oracles.
Jacques Perret rétablit ainsi le texte latin : « Inesse quin etiam sanctum aliquid et prouidum putant, nec aut consilia earum aspernantur aut responsa neglegunt. » In Vie d’Agricola & La Germanie, introduction par Anne-Marie Ozanam, Les Belles Lettres, coll. Classiques en poche, 1997, p. 100. Notons que le passage sur la poitrine des femmes, « et obiectu pectorum », parfois interprété comme une dénudation des seins visant à faire honte aux guerriers fuyards, est traduit par Perret : « faisant une barrière de leur poitrine ». [Note C. G.]
3 Cléon dans Le Méchant, comédie de Jean-Baptiste Louis Gresset (1709-1777), acte 2, sc. 2. Ce vers figure également en épigraphe du numéro, avec la mention « Méchant, de Gresset ». [Note C. G.]
4 L’auteure se trompe, ce vers tronqué n’est pas tiré du conte de Voltaire « Gertrude, ou l’éducation d’une fille » mais d’un autre, du même auteur, intitulé « Ce qui plaît aux dames » : « Mais fille, ou femme, ou veuve, ou laide, ou belle. / Ou pauvre, ou riche, ou galante, ou cruelle, / La nuit, le jour, veut être à mon avis, / Tant qu’elle peut, la maîtresse au logis. / Il faut toujours que la femme commande, / C’est-là son goût ; si j’ai tort qu’on me pende. » In Contes de Guillaume Vadé, 1764. [Note C. G.]